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23déc16
1er rapport du Secrétaire général sur la Mission des Nations Unies en Colombie
Nations Unies
Conseil de sécuritéS/2016/1095
Distr. générale
23 décembre 2016
Français
Original : anglaisRapport du Secrétaire général sur la Mission des Nations Unies en Colombie
I. Introduction
1. Le présent rapport est le premier rapport trimestriel sur l'exécution du mandat de la Mission des Nations Unies en Colombie. Comme suite à la résolution 2261 (2016) du Conseil de sécurité, la Mission a entamé ses activités de surveillance et de vérification du cessez-le-feu après la signature, à Cartagena (Colombie), le 26 septembre 2016, de l'Accord final pour la fin du conflit et la construction d'une paix stable et durable. Durant cette courte période, de nombreux événements sont venus ébranler le processus de paix avant qu'il ne reprenne finalement. Le présent rapport porte essentiellement sur les faits survenus depuis le 26 octobre 2016, date à laquelle j'avais adressé une lettre au Président du Conseil (S/2016/902). Dans celle-ci, je demandais au Conseil d'autoriser la Mission à vérifier l'application du protocole de cessez-le-feu signé le 13 octobre 2016 en attendant qu'un nouvel accord final soit conclu entre le Gouvernement colombien et les Forces armées révolutionnaires de Colombie-Armée populaire (FARC-EP). Alors que le trimestre touche à sa fin, et comme indiqué dans ma lettre datée du 14 décembre 2016 adressée au Président du Conseil (S/2016/1063), un nouvel accord de paix a été signé et ratifié, et son entrée en vigueur marque le début de l'instauration de la paix en Colombie et va permettre à la Mission de s'acquitter pleinement de son mandat.
II. Évolution du processus de paix
2. La courte victoire du « non » au référendum du 2 octobre 2016 a placé le gouvernement du Président Juan Manuel Santos Calderôn dans l'impossibilité juridique de faire appliquer l'accord signé à Cartagena. Bien que ce résultat ait fait souffler un vent d'incertitude sur le processus de paix, tous les acteurs politiques colombiens, y compris ceux opposés à l'accord, ont redit leur volonté de parvenir à la paix par le dialogue et le maintien du cessez-le-feu et souligné qu'ils soutenaient la Mission dans son rôle de vérification. Dans les semaines qui ont suivi le référendum, la population s'est mobilisée en masse à travers tout le pays en faveur de la paix.
A. Protocole du 13 octobre
3. Juste après la publication des résultats du référendum, le Président et le chef des FARC-EP, Timoleôn Jiménez, ont réaffirmé leur attachement au cessez -le-feu et à la cessation des hostilités bilatéraux et définitifs décrétés par les deux parties le 29 août 2016.
4. Le 3 octobre 2016, le négociateur en chef du Gouvernement, Humberto de la Calle, et le Haut-Commissaire colombien pour la paix, Sergio Jaramillo, se sont rendus à La Havane pour négocier avec les dirigeants des FARC-EP. Mon Représentant spécial pour la Colombie les a rencontrés dans le cadre de consultations, qui ont abouti à la publication, le 7 octobre 2016, d'un communiqué conjoint dans lequel les parties ont décidé que des ajustements seraient apportés à l'accord à l'issue d'un dialogue politique conduit par le Gouvernement, auquel participeraient divers acteurs colombiens, notamment des partisans du « non » au référendum du 2 octobre. Les parties sont également convenues d'établir un protocole provisoire visant à consolider le cessez-le-feu grâce à une séparation claire des forces et à la définition de règles que les deux camps devraient observer. Dans le communiqué, elles ont demandé au Conseil de sécurité d'autoriser la Mission à procéder à la vérification du respect du protocole de cessez-le-feu en qualité de composante internationale et de coordonnatrice d'un mécanisme tripartite de surveillance et vérification, conformément au mandat qui lui a été confié par la résolution 2261 (2016), mais pas à la vérification du dépôt des armes par les FARC-EP, qui n'interviendrait qu'après l'adoption d'un nouvel accord.
5. Le 13 octobre 2016, les parties ont signé un protocole de cessez-le-feu, élaboré au cours des pourparlers auxquels mon Représentant spécial et l'observateur principal de la Mission ont participé. Ce protocole prévoyait une séparation des forces transitoire jusqu'à la conclusion d'un nouvel accord, et les parties y demandaient aux FARC-EP de rassembler leurs forces dans des points de regroupement préalable temporaires et à l'armée colombienne de redéployer ses unités de sorte qu'une distance d'au moins 3 kilomètres les sépare des camps des FARC-EP installés à chaque point de regroupement. Le Gouvernement s'est engagé à fournir un appui logistique à ces points de regroupement, qui débuterait 30 jours après la signature du protocole. Celui-ci contenait également des règles de conduite établies à l'intention des parties pour éviter tout risque d'affrontement armé, de menace de violence ou de mise en danger de la population civile.
6. Les tâches de la Mission relatives à la vérification du respect du protocole consisteraient à organiser les activités du mécanisme, en assurant la coordination des tâches, de l'analyse des menaces et des besoins logistiques; à surveiller et visiter les camps des FARC -EP; à surveiller les zones de sécurité et à se rendre auprès des unités redéployées de l'armée; à se rendre dans les agglomérations des environs afin de tisser des liens avec les populations et les autorités locales.
B. Dialogue national
7. Dans le même temps, soucieux de parvenir à un nouvel accord de paix, le Gouvernement et les FARC-EP ont engagé des pourparlers à La Havane, tandis que le Président a ouvert un « dialogue national pour l'union et la réconciliation » à Bogota, auquel ont pris part diverses parties, y compris des responsables de la campagne du « non ».
8. Tenu tout au long du mois d'octobre, ce dialogue national a permis aux différentes parties de formuler des propositions de modification de l'accord signé à Cartagena. Il a réuni à la même table détracteurs et partisans de l'accord, représentants religieux, associations de victimes et organisations de la société civile. Le 5 novembre, le Président a fait savoir que le Gouvernement avait reçu plus de 500 propositions de modification. La Cour suprême a également proposé de modifier certaines dispositions relatives au dispositif de justice transitionnelle.
9. Le 7 octobre, le prix Nobel de la paix a été décerné au Président en reconnaissance de l'action résolue qu'il a conduite pour mettre un terme à ce conflit armé qui durait depuis très longtemps. Cette décision a donné un nouvel élan aux efforts menés pour parvenir à un nouvel accord de paix.
10. Après des semaines de pourparlers, qui se sont tenus à Bogota et à La Havane, les délégations du Gouvernement et des FARC-EP ont conclu un nouvel accord de paix le 12 novembre à La Havane, qui a été signé le 24 à Bogota. Elles ont souligné que ce nouvel accord tenait compte des modifications et des contributions apportées par les divers groupes qui avaient pris part au dialogue national et engagé tous les Colombiens ainsi que la communauté internationale à soutenir le nouvel accord de paix et sa mise en œuvre rapide.
C. Nouvel accord de paix
11. Le nouvel accord de paix comporte des modifications par rapport au texte de l'accord précédent et des éclaircissements. Bien que la conclusion de cet accord ait été largement acclamée, des opposants ont continué de réclamer que des peines plus lourdes soient imposées aux dirigeants des FARC-EP responsables de crimes graves et que ces derniers restent inéligibles tant qu'ils n'auraient pas purgé les peines imposées par la juridiction spéciale pour la paix. Les parties ont refusé de céder sur ce point, arguant qu'il était utopique d'attendre de chefs de guérilla qu'ils négocient les termes de leur propre incarcération et rappelant que l'essence même d'un règlement politique était de permettre au groupe armé de passer du conflit armé à la politique.
12. Dans la nouvelle mouture de l'accord, aucune modification n'a été apportée au chapitre portant sur la vérification du respect du cessez-le-feu, de la cessation des hostilités et du dépôt des armes, ce à quoi les détracteurs de l'accord signé en septembre n'ont rien trouvé à redire. Les fonctions confiées à la Mission demeurent inchangées et conformes aux dispositions des résolutions 2261 (2016) et 2307 (2016). Comme dans le texte précédent, il est précisé dans le nouveau texte que les parties demanderont que l'Assemblée générale charge une mission politique des Nations Unies de prendre la relève concernant la vérification du respect des engagements relatifs à la réintégration des éléments des FARC-EP dans la vie civile et à la mise en place de mesures de sécurité personnelles et collectives. Au titre du nouvel accord de paix, cette mission politique est également chargée de veiller au respect des peines imposées par la juridiction spéciale pour la paix, en coordination avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme. Le nouvel accord prévoit en outre un rôle élargi des organismes, fonds et programmes des Nations Unies, qui en appuieront la mise en œuvre.
13. Les deux parties sont convenues que l'accord de paix prendrait effet dès que le Congrès l'aurait ratifié; dans la foulée de la signature de l'accord, les deux chambres du Congrès l'ont ratifié à une écrasante majorité. Les parties ont décidé que le 1er décembre 2016 serait le « Jour J » marquant le lancement des mesures à prendre par le Gouvernement et les FARC-EP pour amener les combattants et les milices des FARC-EP à se regrouper dans les 27 secteurs et points provisoires de normalisation où ils devraient déposer leurs armes. Néanmoins, à cette date, les préparatifs n'étaient pas terminés en vue du regroupement et des activités de vérification devant être assurées par le mécanisme de surveillance et vérification, remettant en question la tenue des délais suivants.
14. Le 2 décembre, le Gouvernement et les FARC-EP ont mis sur pied une commission de suivi, de promotion et de vérification chargée d'examiner et de vérifier l'application de l'accord de paix et de régler tout différend qui pourrait surgir entre les parties. Un conseil national a également été créé, avec pour mission d'élaborer des programmes de réintégration des membres des FARC-EP. Par la suite, le Gouvernement a réuni, au niveau des ministres et sous la direction du Président, une commission nationale sur les garanties de sécurité ayant pour objet de démanteler les structures criminelles responsables d'homicides et de massacres menaçant les parties qui participeraient à l'application de l'accord de paix et à la consolidation de la paix.
15. Le 14 décembre, un pas décisif a été fait pour accélérer l'application de l'accord de paix, dans la mesure où la Cour constitutionnelle a donné son aval à l'extension des pouvoirs du Président de sorte à lui permettre de publier des décrets relatifs à l'application de l'accord et à l'accélération de la procédure d'examen et d'approbation du programme législatif au Congrès. À ce titre, le Gouvernement a présenté un projet de loi d'amnistie dont il espère qu'il sera adopté avant la fin de décembre. Parallèlement, les FARC-EP ont nommé six représentants qui, comme le prévoit l'accord, prendront part aux débats du Congrès portant sur les projets de loi relatifs à l'application de l'accord, sans droit de vote.
D. Sécurité
16. La fragilité du cessez-le-feu, due à l'absence d'un accord de paix définitif, s'est illustrée tragiquement le 13 novembre, lorsque deux membres des FARC-EP ont été tués dans le département de Bolivar, devenant les premières victimes du conflit depuis 2015. La nécessité de conclure très rapidement un accord de paix et de mettre en œuvre intégralement les dispositions du cessez-le-feu s'est alors fait d'autant plus sentir. Comme expliqué au paragraphe 25 ci-après, le mécanisme de surveillance et vérification a ouvert une enquête sur ces faits.
17. Des personnalités de zones rurales enlisées de longue date dans le conflit ont été la cible d'une vague d'homicides et de menaces en novembre et au début de décembre, ce qui a déclenché de très vives inquiétudes. Bon nombre d'entre elles auraient été membres du mouvement de gauche Marcha Patriôtica, suscitant des interrogations quant aux éventuelles motivations politiques des faits et à leur coordination. Il est impossible de savoir exactement dans quelle mesure les facteurs criminels, économiques et politiques, entre autres, alimentent les violences. Compte tenu de ce qui s'était passé, il était devenu évident que, entre autres dispositions, l'accord de paix devait prévoir la création rapide d'une commission nationale sur les garanties de sécurité et que le bon fonctionnement du service d'investigation spécialisé du bureau du Procureur général était primordial.
III. Tâches confiées à la Mission
A. Activités relatives au cessez-le-feu et à la cessation des hostilités et coordination du mécanisme de surveillance et de vérification
Déploiement et surveillance de la séparation des forces
18. Conformément à la résolution 2261 (2016), la Mission a commencé à remplir ses fonctions de surveillance et de vérification le 27 septembre 2016, à la suite de la signature de l'accord initial. À cette période, la Mission avait déjà déployé des observateurs et des membres du personnel des services organiques dans les huit régions dont étaient convenues les parties à l'accord et avait établi des bureaux dans cinq d'entre elles, où des installations étaient disponibles : Florencia, Popayân, San José del Guaviare, Valledupar et Villavicencio. La Mission s'était déployée dans des sites temporaires dans les trois autres régions, à savoir Bucaramanga, Medellin et Quibdô, le temps d'y trouver des locaux à usage de bureaux permanents.
19. Avant la fin du mois de septembre, le mécanisme tripartite de vérification et de surveillance s'était établi à Bogota, avec la participation d'observateurs du Gouvernement et des FARC-EP. Depuis, le déploiement de ces observateurs dans les régions se déroule progressivement et il est à présent quasiment achevé, à l'exception du siège régional à Quibdô, où les observateurs des FARC-EP n'ont pas encore été déployés. À Bucaramanga et à Medellin, les trois composantes se trouvent toujours dans des sites temporaires.
20. Toutefois, les résultats du référendum ont mis un terme aux activités de surveillance et de vérification formelles de la Mission, l'accord signé en septembre n'étant pas entré en vigueur. La Mission a repris ses activités de surveillance et de vérification le 7 novembre, à la suite de la lettre du Président du Conseil de sécurité datée du 31 octobre 2016 (S/2016/923), dans laquelle il a noté que le Conseil autoriserait la Mission à vérifier la séparation des forces entre les forces armées nationales et les unités des FARC-EP implantées dans les points de regroupement préalable temporaires, comme cela avait été convenu dans le protocole de cessez-le-feu.
21. Le suivi de l'application du cessez-le-feu par le mécanisme de surveillance et de vérification s'est révélé difficile à effectuer en raison d'une série de facteurs, notamment l'absence d'un nombre clairement déterminé de points de regroupement préalable temporaires (initialement fixé à 56, il est ensuite passé à 72), les problèmes de communication entre les parties et le mécanisme et les parties elles-mêmes, qui ont duré jusqu'au début du mois de décembre, et, plus généralement, les obstacles rendant difficile un fonctionnement normal, inhérents à la mise en œuvre d'un arrangement aussi complexe qu'un mécanisme de suivi tripartite. Sur le terrain, la séparation des forces a été menée dans une large mesure grâce à une coordination bilatérale directe de l'armée et des mouvements liés aux FARC-EP, et la confiance que se sont mutuellement accordée les membres des forces armées nationales et ceux des FARC-EP a permis d'éviter plusieurs incidents. La coordination dans le cadre du mécanisme, telle que prévue par le protocole, a bien été mise en œuvre, mais de façon limitée. La Mission et ses partenaires au sein du mécanisme s'emploient, dans le cadre de celui-ci, à améliorer la coordination et la circulation de l'information.
22. Au début du mois de décembre, l'Organisation des Nations Unies, le Gouvernement et les FARC-EP ont commencé à déployer des observateurs vers leurs 27 sièges locaux. Au moment de l'établissement du présent rapport, ces observateurs avaient pris leurs fonctions dans 10 de ces sièges, permettant au mécanisme de surveillance et de vérification d'assurer le suivi d'un nombre croissant de points de regroupement préalable temporaires et de commencer à planifier la surveillance des zones et des points locaux où les FARC -EP concentreront leurs forces et où le dépôt des armes devrait être mené à bien. La confiance entre membres des forces armées et des FARC -EP s'est confirmée lors du déploiement du mécanisme, aux niveaux régional et local. L'intégration des observateurs issus des trois composantes du mécanisme et la coopération entre ceux-ci ont atteint un niveau remarquable.
Suivi de l'appui logistique
23. Il est prévu dans le protocole de cessez-le-feu que le Gouvernement fournisse un appui logistique, sous forme de nourriture et de soins de santé ainsi que dans le domaine des communications, aux unités des FARC-EP se trouvant dans les points de regroupement préalable temporaires, appui qui débuterait 30 jours après l'entrée en vigueur du protocole. Le suivi du processus devant être effectué par le mécanisme de surveillance et de vérification a été rendu difficile par l'insuffisance des informations communiquées par les deux parties concernant les dispositions en matière de logistique. Les téléphones portables qui ont été distribués ont permis de couvrir de manière satisfaisante les besoins en communications. Des dispositions ont été prises pour approvisionner 40 sites en produits alimentaires. Dans plusieurs cas, toutefois, des produits périssables ont été abîmés lors du transport ou parce qu'ils n'avaient pas été réfrigérés. Au début du mois de décembre, les FARC-EP ont refusé de continuer à être approvisionnées tant que le Gouvernement ne fournirait pas de produits alimentaires locaux, comme il s'y était engagé dans le protocole. Les premiers appels d'offres publics à cet effet ont été publiés à la mi-décembre. Au moment de l'établissement du présent rapport, aucun système de soins de santé destiné aux membres des FARC-EP n'était en place, que ce soit dans les points de regroupement préalable temporaires, aux sièges locaux ou régionaux ou au siège national du mécanisme. Toutefois, depuis lors, le mécanisme a pris des mesures pour qu'une aide soit fournie au cas par cas.
24. En ce qui concerne la construction de camps destinés aux FARC -EP dans les zones et les points de regroupement, la décision prise en août 2016 prévoyant que les membres des FARC-EP construiraient leurs propres camps à l'aide de matériel fourni par le Gouvernement a été confirmée au début du mois de décembre. Dans 17 des 27 zones et points de regroupement, le début des travaux est imminent.
Enquête sur des faits survenus pendant la période considérée
25. Le cessez-le-feu et la cessation des hostilités définitifs, qui ont été décrétés par les parties le 29 août 2016, ont été respectés au cours de la période considérée, en dépit d'une situation fragile due à l'incertitude entourant l'avenir de l'accord de paix. Depuis l'entrée en vigueur du protocole de cessez-le-feu, le mécanisme de surveillance et de vérification a reçu 27 demandes d'enquête sur divers faits. Le plus grave a eu lieu le 13 novembre, lorsque deux membres des FARC-EP ont été tués et un troisième capturé dans la municipalité de Santa Rosa del Sur (département de Bolivar). À l'issue de son enquête, le mécanisme a conclu que des engagements pris au titre du protocole de cessez-le-feu n'avaient pas été tenus. Une autre enquête a porté sur un fait survenu le 12 novembre à Tumaco (département de Narino), où deux personnes ont trouvé la mort et deux autres ont été blessées. Les FARC-EP ont assumé pleinement la responsabilité de cette violation de leurs engagements. Quoique isolés, ces incidents n'en demeurent pas moins en profonde contradiction avec les revendications populaires, selon lesquelles plus personne ne devrait mourir à cause du conflit.
Échanges avec la société civile
26. Conformément à ce que prévoit son mandat, le mécanisme de surveillance et de vérification a eu des échanges réguliers avec des organisations de la société civile ayant exprimé le souhait d'apporter leur soutien à ses activités. Ces organisations ont communiqué au mécanisme des informations sur la situation dans les zones et les points où le mécanisme a prévu de se déployer, et lui ont fait partager les espoirs, les craintes et les appréhensions de la population locale. Elles ont insisté en outre sur la nécessité de continuer à informer le public et d'aller à sa rencontre, dans ces régions où la situation est sensible, et ont réaffirmé leur volonté d'apporter leur aide.
Évaluation des activités menées à ce jour
27. Le 7 décembre, le mécanisme de surveillance et de vérification a publié un communiqué faisant part de son évaluation des mesures prises dans les cinq jours suivant le Jour J, marquant le moment où les FARC-EP devaient commencer à se diriger vers les zones et les points de regroupement. Le mécanisme a constaté avec satisfaction que des zones et des points locaux avaient été définis, que les parties avaient respecté leur engagement quant à l'échange d'informations avec le mécanisme sur le déploiement de leurs forces, que les FARC-EP avaient commencé à se diriger vers les zones et les points conformément aux engagements pris dans le cadre du protocole de cessez-le-feu et que le mécanisme s'était déployé dans les régions, avait formé son personnel et commencé à enquêter sur les faits qui s'étaient produits. En revanche, le mécanisme a aussi constaté que le résultat défavorable du référendum organisé le 2 octobre avait eu une incidence sur la mise en œuvre des engagements pris. Le mécanisme a souligné qu'il était urgent de relever les principaux défis suivants : installer des camps dans les 27 zones et points afin que les membres des FARC-EP puissent s'y établir, répondre aux besoins des membres des FARC-EP se trouvant dans les points de regroupement préalable temporaires conformément au protocole de cessez-le-feu et déployer le mécanisme dans les bureaux régionaux où il n'est pas encore présent ainsi que dans les 27 sites locaux. Le mécanisme a également relevé, comme indiqué plus haut, qu'il fallait améliorer la communication de l'information en interne afin qu'il puisse mener à bien ses tâches.
B. Activités relatives au dépôt des armes
28. Conformément à la résolution 2261 (2016) et à l'accord de paix, la Mission est chargée de surveiller et de vérifier que les FARC-EP déposent les armes, et notamment de vérifier qu'il a été procédé à la destruction des matières explosives instables.
29. Des dispositions ont été prises pour préparer la Mission à exécuter ces tâches. Au moment de la publication du présent rapport, la Mission sera en mesure d'enregistrer les armes des FARC-EP lorsque ses membres arriveront aux zones et points locaux et d'entreposer les armes que devront remettre les membres de rang élevé des FARC-EP qui participeront au processus politique, ainsi que ceux disposant du statut d'observateur dans le cadre du mécanisme de surveillance et de vérification.
30. Des préparatifs sont également en cours en vue de l'entreposage des armes dans un site de l'ONU prévu à cet effet, situé à l'intérieur des camps des FARC-EP dans les zones et points locaux. La Mission a collaboré avec les deux parties afin de trouver un accord concernant l'aménagement définitif des sites de l'ONU pour le dépôt des armes, s'agissant notamment des locaux où les observateurs de l'ONU logeront. La procédure de passation de marchés pour la construction de ces camps est en cours et fait l'objet d'un traitement accéléré afin que les sites soient prêts en temps voulu.
31. Dans le cadre du processus de dépôt des armes, l'une des principales tâches de la Mission consistera à vérifier que les matériaux dangereux se trouvant dans les caches d'armes des FARC-EP soient détruits. Cette tâche est complexe en raison du nombre estimé de caches et des risques liés à ces matériaux. Pour ce faire, la Mission devra bénéficier des services d'experts et avoir accès aux sites isolés en toute sécurité et dans les meilleurs délais.
32. Si le dépôt des armes a fait l'objet de préparatifs détaillés de la part de la Mission, cette activité et les ressources nécessaires à son financement n'ont pas été prévues dans le projet de budget de la Mission pour 2017 car, au moment de la présentation de celui-ci, les dispositions de l'accord de paix sur le dépôt des armes n'étaient pas encore entrées en vigueur. J'ai informé le Conseil de sécurité, par une lettre datée du 14 décembre (S/2016/1063), que la Mission entamerait l'exécution de l'ensemble des tâches énoncées dans ses résolutions 2261 (2016) et 2307 (2016), y compris les activités relatives au dépôt des armes. La Mission s'efforcera d'obtenir les ressources supplémentaires nécessaires à cette tâche.
C. Liaison, coordination et appui technique
33. La Mission a pris contact avec les autorités nationales, départementales et locales, les collectivités et les organisations de la société civile, dans le but d'expliquer ce en quoi consistent son mandat et les travaux du mécanisme de surveillance et de vérification, et également dans le but de recevoir des informations en retour sur leurs perceptions et les recommandations concernant ses tâches. Des visites ont été effectuées dans de nombreux endroits, notamment dans la plupart des municipalités où il y aura des zones et des points prévus pour le dépôt des armes. Soucieuse de renforcer l'appui à la vérification du respect du cessez-le-feu et au dépôt des armes, la Mission a poursuivi le dialogue avec les détracteurs de l'accord signé en septembre.
34. Un effort particulier a été fait pour nouer un dialogue avec les groupes de femmes afin de tenir compte de leur point de vue, de leur avis et de leurs recommandations sur les activités de la Mission, et d'établir la confiance nécessaire pour être tenue informée d'éventuels cas de violence sexiste.
35. Une relation solide a été établie avec les organismes, fonds et programmes des Nations Unies en Colombie, la Mission participant régulièrement aux principaux organes de coordination de l'équipe de pays des Nations Unies. Cette dernière, qui a passé en revue l'accord de paix, élabore des stratégies communes visant à maximiser l'appui apporté à sa mise en œuvre. Elle procède actuellement au recensement des capacités qu'elle pourrait utiliser, en adoptant une approche collective, pour renforcer la stabilisation des zones de conflit, en particulier dans les zones et les points où il sera procédé au dépôt des armes ainsi que dans les municipalités concernées. La prise en compte des besoins socioéconomiques et humanitaires dans ces zones sensibles permettra de renforcer les processus de cessez-le-feu et de dépôt des armes et de faciliter la réintégration initiale des combattants des FARC-EP.
IV. Déploiement et structures de la Mission
36. Le 15 septembre, le Gouvernement et l'ONU ont signé un accord sur le statut de la Mission.
37. La Mission est déjà opérationnelle au niveau national et dans les huit régions. Aux niveaux national, régional et local, elle partage ses locaux avec le mécanisme tripartite de surveillance et vérification. Au niveau local, le personnel de la Mission avait entamé les activités opérationnelles initiales dans 10 sites à la mi-décembre et devrait, à la date de la publication du présent rapport, être déployé dans 16 sièges locaux. Huit autres sièges locaux devraient ensuite être rapidement créés pour le mécanisme. Les négociations concernant la location de terrains se poursuivent pour 3 des 27 secteurs et points où il est prévu d'établir un siège local du mécanisme. Au moment de l'établissement du présent rapport, aucune date d'ouverture n'avait été confirmée pour les autres sites.
A. Observateurs
38. En ce qui concerne l'ensemble des activités de suivi et de vérification du cessez-le-feu et du dépôt des armes, 280 observateurs ont été déployés sur les 450 nécessaires à l'accomplissement de ces tâches. Parmi ceux-ci, 43 sont des femmes, soit 15 % des effectifs. Les autres observateurs devraient arriver par étapes successives et le déploiement devrait être achevé en février 2017.
B. Personnel civil
39. La Mission a adopté une approche proactive pour le recrutement du personnel civil en recensant les besoins et en publiant les avis de vacance de poste dans l'attente de l'approbation des autorités budgétaires de l'ONU. Cette approche était justifiée par le délai très court entre la date d'entrée en vigueur de l'accord de paix et celle du lancement des activités de la Mission et du mécanisme de surveillance et vérification.
40. Avant la signature de l'accord de paix, la Mission avait dressé la liste des membres du personnel et des Volontaires des Nations Unies qui pourraient être déployés dans les sites locaux et a depuis lors entamé leur déploiement au niveau local. La Mission compte aujourd'hui 68 membres du personnel civil et 22 Volontaires.
C. Appui à la Mission
41. La Mission a continué de s'appuyer sur les capacités existantes de l'ONU en Colombie afin de faciliter les services administratifs, logistiques et financiers, principalement par l'intermédiaire du Programme des Nations Unies pour le développement. À l'issue de longues discussions entre la Mission et le Gouvernement, des négociations sont en cours concernant des lettres d'attribution précisant la portée et les spécificités de l'appui logistique et administratif que le Gouvernement devra fournir au mécanisme tripartite de surveillance et vérification et à la Mission. La couverture médicale des observateurs, qui doit être fournie au titre de l'une des lettres d'attribution, demeure un sujet de préoccupation. Aucun effort ne sera épargné pour parvenir à un accord sur cette lettre d'attribution avant la fin de 2016.
42. Comme stipulé dans la résolution 2307 (2016), les coûts afférents au mécanisme de surveillance et vérification sont pris en charge à parts égales avec le Gouvernement. La Mission, en coordination avec le Siège et le Gouvernement, élabore des méthodes visant à comptabiliser et rembourser les frais engagés. La première demande de remboursement introduite par le Gouvernement sera honorée prochainement.
43. Conformément aux dispositions relatives à la participation aux coûts, le Gouvernement a fourni à ce jour 63 des 158 véhicules dont le mécanisme de surveillance et vérification et la Mission ont besoin. Les autres véhicules devraient être livrés au fur et à mesure de l'ouverture des sièges locaux du mécanisme. Sur les 158 véhicules, le mécanisme en utilisera 102 et la Mission 56. En ce qui concerne le transport aérien dans le cadre de ses opérations, la Mission dépend à l'heure actuelle de l'équipement que lui fournit le Gouvernement mais elle a demandé au Siège de pouvoir disposer de ses propres moyens de transport aérien. Pour ce qui est des moyens de communication mobiles et statiques dans les régions reculées, la Mission a étendu la couverture du réseau actuel de communication radio du Département de la sûreté et de la sécurité à l'aide de répéteurs et d'équipements supplémentaires afin de répondre à ses besoins et à ceux du mécanisme. La connectivité a déjà été améliorée dans cinq des huit régions et des efforts sont en cours pour connecter les autres régions en ayant recours aux ondes décamétriques, aux ondes métriques et à la téléphonie par satellite.
D. Sécurité
44. Le Gouvernement, en particulier la police nationale, continue d'assurer en permanence la sécurité de la Mission et du mécanisme de surveillance et vérification. Le système de gestion de la sécurité des Nations Unies couvre l'équipe de pays et la Mission dans le cadre d'une structure de sécurité intégrée. Des responsables régionaux de la sécurité ont été détachés auprès de chaque bureau régional pour veiller au respect des directives et des procédures du système de gestion de la sécurité. Ils conseillent les chefs des bureaux régionaux de la Mission et le Chef des observateurs régionaux sur les questions de sécurité. Des coordonnateurs pour les questions de sécurité au sein de la Mission ont été désignés dans chaque siège local. Les responsables de la sécurité ont fait partie des équipes tripartites qui ont effectué des visites techniques sur les sites et les points où les armes seront collectées. Compte tenu de ces visites, et si toutes les mesures de gestion des risques de sécurité proposées sont effectivement mises en œuvre en temps voulu, le risque résiduel et le risque attendu devraient être moyennement élevés. Le Département de la sûreté et de la sécurité estime que les activités de la Mission seront viables du point de vue de la sécurité tant que ces mesures seront en place.
E. Éthique et discipline
45. La Mission est déterminée à prévenir tout comportement répréhensible de la part des membres de son personnel et notamment l'exploitation et les atteintes sexuelles. À cette fin, une analyse des risques liés à la situation a été menée au siège et dans les bureaux régionaux de la Mission afin de déceler les facteurs internes et externes susceptibles d'avoir une incidence sur le comportement des membres du personnel des Nations Unies. Le groupe spécial pour la protection contre l'exploitation et les atteintes sexuelles a été chargé de recenser les mesures d'atténuation des risques, notamment d'établir une liste d'endroits où le personnel de la Mission ne serait pas autorisé à se rendre, et de formuler des recommandations à cet égard.
46. Dans le cadre de ses efforts de prévention et de sensibilisation, la Mission maintient des contacts réguliers avec les organismes, les fonds et les programmes des Nations Unies, ainsi qu'avec des associations humanitaires et des associations de femmes aux niveaux national et local, afin de faire connaître la politique de tolérance zéro de l'ONU et les mesures de prévention qu'elle a adoptées. La Mission a également demandé à bénéficier d'un appui pour mettre en place un mécanisme efficace de signalement des cas éventuels d'exploitation et d'atteintes sexuelles et faciliter l'assistance aux victimes.
V. Observations
47. Au cours de la période considérée, de nombreux événements sont venus ébranler le processus de paix en Colombie pour, en fin de compte, le conforter. L'incertitude politique prolongée a été exacerbée par au moins deux facteurs, à savoir la persistance de la violence dans les zones de conflit et les difficultés initiales rencontrées dans la mise en œuvre et le suivi du protocole de cessez-le-feu. Néanmoins, la capacité des parties à préserver le cessez-le-feu prouve qu'elles sont déterminées à passer de la guerre à la paix, outre la volonté de l'immense majorité de la population de voir cesser le conflit. Le succès de la séparation des forces prévue par le protocole, rendue possible par la coopération sur le terrain entre les membres des forces armées nationales et ceux des FARC -EP, montre l'importance de cette relation et la nécessité de la renforcer.
48. À la suite de la décision rendue le 14 décembre par la Cour constitutionnelle, dans laquelle celle-ci autorise l'adoption accélérée du volet législatif de l'accord de paix, la mise en œuvre peut désormais commencer réellement, avec toute l'attention des parties et des acteurs nationaux et internationaux attachés à la réussite du processus de paix. Il s'agit là d'un point essentiel. Je me félicite de la création rapide par les parties des principales commissions de mise en œuvre, ainsi que de la décision du Gouvernement de redoubler d'efforts eu égard aux questions logistiques concernant les camps des FARC-EP et au déploiement du mécanisme de surveillance et vérification. J'encourage les acteurs internationaux à accompagner ce qui devrait être un effort résolu et soutenu mené collectivement afin que les régions touchées par le conflit puissent rapidement récolter les fruits de la paix, y compris bénéficier d'un renforcement de la sécurité. Je saisis cette occasion pour remercier le Conseil de sécurité de son soutien ininterrompu au processus de paix et les États Membres qui ont fourni à la Mission les observateurs dont elle a besoin pour s'acquitter de son mandat. Je souhaiterais saluer une fois encore les pays garants, Cuba et la Norvège, ainsi que les pays accompagnateurs, la République bolivarienne du Venezuela et le Chili, pour le rôle majeur qu'ils ont joué dans le processus de paix.
49. J'ai pris note de l'annonce faite récemment par les dirigeants des FARC-EP, indiquant que plusieurs commandants sur le terrain refusaient d'adhérer au processus de paix. Bien que cette position ne soit pas partagée par l'ensemble des membres des FARC-EP, elle nous rappelle que le chemin vers la paix en Colombie est semé d'embûches, notamment l'insécurité chronique dans les régions rurales délaissées par les institutions de l'État, une économie illicite en plein essor et des fractures sociales, économiques et politiques héritées d'une longue période de conflit. Le déplacement de certains groupes armés, qu'ils soient ou non paramilitaires, vers des zones évacuées par les FARC-EP, où ils pourraient tenter d'imposer leur autorité par la force, illustre concrètement les obstacles que rencontre le pays sur la voie de la paix.
50. Il convient de garder à l'esprit que les dispositions de l'accord de paix vont au-delà du cessez-le-feu et du dépôt des armes et portent notamment sur la réforme agraire, la lutte contre les substances illicites et des garanties plus étendues pour une participation politique sans exclusive. Par conséquent, j'appuie la stratégie des parties qui consiste à progresser simultanément dans tous ces domaines. La transition ne pourra réussir au coup par coup.
51. Il importe d'insuffler une dynamique au processus de mise en œuvre, ce que permet la procédure accélérée. Le lancement imminent de la campagne électorale de 2018 rend cette entreprise nécessaire. Des efforts communs pour dépasser les divisions politiques concernant l'accord de paix doivent également être menés afin de consolider la paix. La cessation des hostilités et le dépôt des armes font l'objet d'un consensus national, tout comme de nombreuses étapes qui en découlent, telles que la réintégration des membres des FARC-EP en toute sécurité et l'objectif plus large de stabilisation des zones de conflit. J'encourage les initiatives visant à parvenir à l'unité la plus vaste possible autour de la mise en œuvre de l'accord de paix, en particulier en milieu rural, où la polarisation conjuguée au recours généralisé à la violence peut avoir des conséquences meurtrières.
52. Bien que je ne doute pas de l'engagement des parties en faveur de la paix, j'ai constaté quelques difficultés initiales dans la mise en œuvre du protocole de cessez -le-feu, notamment le non-respect de plusieurs délais, des problèmes logistiques et des manquements à certaines obligations. Alors que le processus de mise en œuvre débute véritablement, il faut absolument régler ces questions et œuvrer dans un esprit de respect minutieux et intransigeant des obligations contractées à La Havane. Il en va tout autant de la crédibilité du processus de paix que du soutien dont il bénéficie aux niveaux national et international. En étroite coopération avec les parties, la Mission des Nations Unies en Colombie continuera de faire tout son possible pour garantir que ces objectifs ambitieux soient atteints.
53. Je tiens à exprimer ma gratitude à mon Représentant spécial, Jean Arnault, ainsi qu'aux observateurs internationaux et aux membres du personnel civil qui servent sous sa direction pour leur soutien sans faille au processus de paix en Colombie.
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