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02avr15
Lettre du représentant de la Coalition nationale des forces de la révolution et de l'opposition syriennes sur l'emploi de gaz chloré par le régime syrien dans la province d'Edleb
Nations Unies
Conseil de sécuritéS/2015/230
Distr. générale
2 avril 2015
Français
Original : anglaisLettre datée du 1er avril 2015, adressée à la Présidente du Conseil de sécurité par le Représentant permanent de l'Allemagne auprès de l'Organisation des Nations Unies
J'ai l'honneur de vous faire tenir ci-joint une lettre du représentant de la Coalition nationale des forces de la révolution et de l'opposition syriennes, en date du 1er avril 2015 (voir annexe).
Je vous serais obligé de bien vouloir faire distribuer le texte de la présente lettre et de son annexe comme document du Conseil de sécurité.
Le Représentant permanent de l'Allemagne
auprès de l'Organisation des Nations Unies
(Signé) Harald Braun
Annexe à la lettre datée du 1er avril 2015 adressée à la Présidente du Conseil de sécurité par le Représentant permanent de l'Allemagne auprès de l'Organisation des Nations Unies
Au nom de la Coalition nationale des forces de la révolution et de l'opposition syriennes, c'est avec la plus vive inquiétude que j'appelle votre attention sur une nouvelle série d' attaques au gaz chloré perpétrées par les forces du régime syrien dans la province syrienne d' Edleb et alentours, et sur la nécessité que des mesures soient imposées sans délai en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, comme l'a décidé le Conseil de sécurité dans ses résolutions 2118 (2013) et 2209 (2015).
Le lundi 30 mars 2015, vers 1 h 30, des hélicoptères du régime syrien ont largué quatre barils explosifs remplis d'une substance chimique toxique sur la ville syrienne d'Edleb. Le mardi 31 mars, des hélicoptères du régime ont largué deux autres barils explosifs sur le centre d'Edleb, causant 27 cas de suffocation dus à l'inhalation d'un gaz chimique toxique. Ces attaques ont été commises moins d'une semaine après qu'une attaque comparable a été perpétrée sur les villes des environs d' Edleb. En effet, le 24 mars au soir, les forces aériennes syriennes ont largué des agents chimiques toxiques sur les villes de Binnich et de Qaminas. Des témoins présents sur les lieux ont fait état de barils explosifs largués d'hélicoptères du régime syrien. Une trentaine de personnes au moins, dont un grand nombre de femmes et d' enfants, ont été soignées pour des symptômes correspondant aux conséquences d' une attaque au gaz chloré, notamment des nausées et des difficultés respiratoires.
Les attaques d' Edleb ne sont pas les premières à avoir été perpétrées depuis l'adoption de la résolution 2209 (2015) du Conseil de sécurité. Le 16 mars, les forces aériennes du régime syrien avaient déjà lancé une attaque au gaz chloré à Sarmin (province d'Edleb), tuant une famille de six personnes et faisant des dizaines de blessés.
Les attaques chimiques de Sarmin, Binnich et Qaminas - et, avant elles, celles de Kafr Zita et de l'est de Ghouta - ont été commises en toute impunité. Dans ses résolutions 2118 (2013) et 2209 (2015), le Conseil de sécurité a décidé d'imposer des mesures en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies en cas de nouvelles violations des résolutions. Toutefois, bien que de nouvelles violations aient été perpétrées à de nombreuses reprises, aucune mesure n'a été imposée et aucune responsabilité n'a été engagée. Cette impunité facilite et encourage les atrocités commises par Bachar Al-Assad et l'incite à tuer, à torturer et à terroriser des civils, sans peur de répercussions ou conséquences sérieuses. Par ailleurs, elle prolonge le conflit, alimente la montée en puissance de l'État islamique d'Iraq et du Levant, coûte des vies et porte préjudice à la sécurité mondiale : l'exact contraire du mandat du Conseil de sécurité.
L' impunité doit cesser dès maintenant. Quiconque utilise des armes chimiques pour tuer des civils doit répondre de ses actes, et des mesures fermes doivent être prises pour empêcher l'utilisation du gaz chloré comme arme de guerre, ainsi que l' emploi disproportionné et aveugle des armes classiques. Les textes visant à décourager de nouvelles attaques existent déjà et les membres du Conseil doivent œuvrer sans délai à :
- Instaurer une zone d'exclusion aérienne. Imposée en vertu des résolutions 2118 (2013) et 2209 (2015) du Conseil de sécurité, l'instauration d'une zone d' exclusion aérienne applicable et juridiquement obligatoire mettrait un terme immédiat aux attaques au gaz chimique aériennes que le régime de Bachar Al-Assad ne cesse de commettre, protègerait les civils syriens d'une guerre chimique aérienne et permettrait l'acheminement de l'aide humanitaire et le retour en toute sécurité des civils syriens dans certaines régions de la République arabe syrienne. Si le Conseil de sécurité n 'est pas en mesure d'agir du fait de l' utilisation irresponsable du droit de véto, les États Membres concernés ont l'obligation juridique et morale d'intervenir unilatéralement;
- Déférer la situation en République arabe syrienne à la Cour pénale internationale. À maintes reprises, le Conseil de sécurité a demandé que le principe de responsabilité soit appliqué, notamment dans ses résolutions 2118 (2013), 2139 (2014) et 2209 (2015). À ce jour, l'absence de consensus en son sein a toutefois empêché le Conseil d'autoriser le recours au principal dispositif à même de permettre aux victimes d'obtenir justice : le déferrement de la situation en République arabe syrienne à la Cour pénale internationale. Les membres du Conseil ont le pouvoir et le devoir de sortir de cette impasse en adoptant une nouvelle résolution aux termes de laquelle la situation en République arabe syrienne serait déférée à la Cour pénale internationale. Si le Conseil n'est pas en mesure d'agir du fait de l'utilisation irresponsable du droit de véto, les États Membres concernés doivent mettre en place un autre dispositif, par exemple un tribunal ad hoc;
- Autoriser la mission d'établissement des faits de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques en République arabe syrienne à établir les responsabilités dans les attaques chimiques perpétrées à Edleb. À ce jour, la mission d'établissement des faits n'a pas été chargée d'établir les responsabilités dans l'utilisation du gaz chloré, ce qui a permis à Bachar Al-Assad de déclarer publiquement et indûment - encore le dimanche 29 mars dans un entretien accordé à 60 Minutes - qu'il n'utilisait pas d'armes chimiques contre son propre peuple. Les propos mensongers de ce type devraient être démentis par des faits avérés, faits que la mission pourrait prouver si elle était chargée d' établir les responsabilités. La neutralisation délibérée de la mission d'établissement des faits par l'un des membres du Conseil de sécurité encourage honteusement la violation du principe de responsabilité.
Bien qu'accueillant avec satisfaction l'information selon laquelle des experts de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques pourraient mener des enquêtes sur les attaques perpétrées au moyen d'armes chimiques dans la province d'Edleb, nous sommes conscients que ces enquêtes n'ont pas, à ce jour, dissuadé le régime de Bachar Al-Assad. La mission d'établissement des faits n'empêchera pas à elle seule Bachar Al-Assad de commettre des meurtres, ni à ce que des armes chimiques fassent de nouvelles victimes. S'il veut mettre un terme aux actes meurtriers perpétrés par Bachar Al-Assad, le Conseil de sécurité doit priver le régime de sa capacité à tuer par voie aérienne, et l'instauration d'une zone d'exclusion aérienne reste le moyen le plus réalisable et le meilleur d'y parvenir.
Le Représentant spécial
auprès de l' Organisation des Nations Unies
(Signé) Najib Ghadbian
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