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12nov15

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Proposition en vue de l'adoption de procédures équitables et transparentes pour améliorer l'efficacité des régimes de sanctions des Nations Unies


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Nations Unies
Conseil de sécurité

S/2015/867

Distr. générale
12 novembre 2015
Français
Original : anglais

Lettre datée du 12 novembre 2015 adressée au Président du Conseil de sécurité par les représentants permanents de l'Allemagne, de l'Autriche, de la Belgique, du Costa Rica, du Danemark, de la Finlande, du Liechtenstein, de la Norvège, des Pays-Bas, de la Suède et de la Suisse auprès de l'Organisation des Nations Unies

Nous soussignés, représentants de l'Allemagne, de l'Autriche, de la Belgique, du Costa Rica, du Danemark, de la Finlande, du Liechtenstein, de la Norvège, des Pays-Bas, de la Suède et de la Suisse (groupe des États de même avis sur les sanctions ciblées), avons l'honneur de vous écrire au sujet des sanctions imposées par le Conseil de sécurité. Notre groupe est fermement attaché à la pleine application des régimes de sanctions imposés par le Conseil et suit de près l'évolution du régime de sanctions contre Al-Qaida et de l'application des sanctions de l'ONU par les instances judiciaires nationales ou régionales. Tant que celles-ci estimeront que les sanctions imposées par l'ONU ne satisfont pas aux garanties minimales d'une procédure régulière, les autorités nationales se trouveront dans l'impossibilité juridique de les mettre pleinement en œuvre au niveau national. C'est dans ce contexte que nous présentons au Conseil de sécurité le document ci-joint portant sur l'adoption de procédures équitables et transparentes pour améliorer l'efficacité des régimes de sanctions des Nations Unies.

Nous espérons que les membres du Conseil de sécurité s'intéresseront aux idées présentées dans le document, sachant notamment que des consultations vont être engagées en vue de l'adoption d'une résolution qui fera suite à la résolution 2161 (2014) du Conseil. Nous attendons avec intérêt de poursuivre et d'approfondir le dialogue sur cette question cruciale avec toutes les parties prenantes.

Nous vous serions reconnaissants de bien vouloir faire distribuer le texte de la présente lettre et de son annexe comme document du Conseil de sécurité.

(Signé) Harald Braun
L'Ambassadeur,
Représentant permanent de l'Allemagne
auprès de l'Organisation des Nations Unies

(Signé) Jan Kickert
L'Ambassadeur,
Représentant permanent de l'Autriche
auprès de l'Organisation des Nations Unies

(Signé) Bénédicte Frankinet
L'Ambassadrice,
Représentante permanente de la Belgique
auprès de l'Organisation des Nations Unies

(Signé) Juan Carlos Mendoza García
L'Ambassadeur,
Représentant permanent du Costa Rica
auprès de l'Organisation des Nations Unies

(Signé) Ib Petersen
L'Ambassadeur,
Représentant permanent du Danemark
auprès de l'Organisation des Nations Unies

(Signé) Kai Jürgen Mikael Sauer
L'Ambassadeur,
Représentant permanent de la Finlande
auprès de l'Organisation des Nations Unies

(Signé) Christian Wenaweser
L'Ambassadeur,
Représentant permanent du Liechtenstein
auprès de l'Organisation des Nations Unies

(Signé) Geir O. Pedersen
L'Ambassadeur, Représentant permanent de la Norvège
auprès de l'Organisation des Nations Unies

(Signé) Karel van Oosterom
L'Ambassadeur,
Représentant permanent des Pays-Bas
auprès de l'Organisation des Nations Unies

(Signé) Olof Skoog
L'Ambassadeur,
Représentant permanent de la Suède
auprès de l'Organisation des Nations Unies

(Signé) Jürg Lauber
L'Ambassadeur,
Représentant permanent de la Suisse
auprès de l'Organisation des Nations Unies


Annexe à la lettre datée du 12 novembre 2015 adressée au Président du Conseil de sécurité par les représentants permanents de l'Allemagne, de l'Autriche, de la Belgique, du Costa Rica, du Danemark, de la Finlande, du Liechtenstein, de la Norvège, des Pays-Bas, de la Suède et de la Suisse auprès de l'Organisation des Nations Unies

Proposition du groupe des États de même avis sur les sanctions ciblées en vue de l'adoption de procédures équitables et transparentes pour améliorer l'efficacité des régimes de sanctions des Nations Unies

Résumé

Le groupe des États de même avis sur les sanctions ciblées réaffirme que tant que les instances judiciaires nationales et régionales estimeront que les sanctions imposées à des personnes par l'ONU ne satisfont pas aux garanties minimales d'une procédure régulière, les autorités nationales se trouveront dans l'impossibilité juridique de les mettre pleinement en œuvre au niveau national. C'est pourquoi le groupe présente les propositions suivantes en vue de continuer à améliorer le respect de la procédure et l'application de sanctions ciblées.

    a) S'agissant du régime de sanctions contre Al-Qaida :
      i) Habiliter le Médiateur à prendre la décision de radier une personne ou une entité de la Liste;
      ii) Proposer en premier recours la procédure de médiation;
      iii) Restructurer le Bureau du Médiateur en vue de son institutionnalisation, moyennant sa transformation en bureau permanent ou en mission politique spéciale relevant du Secrétariat;
      iv) Améliorer les échanges d'informations entre les États Membres et le Médiateur, d'une part, et entre le Comité des sanctions et les instances judiciaires nationales et régionales, d'autre part;
      v) Renforcer la transparence : chaque décision doit être dûment motivée et les motifs, ainsi qu'une version expurgée du rapport d'ensemble, doivent être rendus publics;
      vi) Élargir le mandat du Médiateur de sorte qu'il soit chargé de transmettre les demandes de dérogation pour raison humanitaire et de venir en aide aux personnes qui ont été radiées de la Liste ou visées à tort par des sanctions;
    b) S'agissant des régimes de sanctions :
      i) Énoncer clairement les motifs d'inscription sur la Liste;
      ii) Demander à chaque comité des sanctions d'examiner régulièrement et de confirmer chaque inscription sur la Liste;
      iii) Mettre en place un comité technique des sanctions permanent;
    c) S'agissant des régimes de sanctions autres que celui contre Al-Qaida :
      i) Renforcer en premier lieu les mesures que le point focal pour les demandes de radiation doit prendre et prévoir une phase de collecte de renseignements, demander au comité compétent d'arrêter une décision officielle concernant chaque demande de radiation ainsi que les motifs communiqués au requérant et élargir le mandat du point focal de sorte qu'il puisse recevoir les demandes de dérogation pour raison humanitaire;
      ii) Élargir à terme le mandat du Médiateur aux autres régimes de sanctions;
      iii) Mettre en place des garanties d'une procédure régulière supplémentaires et notamment accroître la transparence de l'inscription de personnes et d'entités sur la Liste et définir des limitations claires dans le temps;
    d) Éléments de réflexion approfondie : envisager l'introduction de clauses de souplesse de manière à appliquer des sanctions déterminées à des personnes ou entités précises inscrites sur la Liste, au cas par cas.

I. Introduction

Les sanctions ciblées restent une mesure essentielle par laquelle le Conseil de sécurité de l'ONU s'acquitte de sa responsabilité principale qui est d'assurer le maintien de la paix et la sécurité internationales, conformément au Chapitre VII de la Charte des Nations Unies. Le Conseil a pris des mesures pour rendre plus équitables et plus transparentes les procédures suivies par le Comité du Conseil de sécurité faisant suite aux résolutions 1267 (1999) et 1989 (2011) concernant Al -Qaida et les personnes et entités qui lui sont associées. La mise en place et le renforcement de la procédure de médiation, en application des résolutions 1904 (2009), 1989 (2011), 2083 (2012) et 2161 (2014) du Conseil, ont constitué des mesures importantes en vue de la mise en place d'un mécanisme indépendant et efficace d'examen des sanctions. Le Bureau du Médiateur contribue dans une large mesure à l'exactitude et à la légitimité de la Liste relative aux sanctions contre Al -Qaida et, partant de là, à son efficacité.

La question de la garantie d'une procédure régulière continue néanmoins de soulever des inquiétudes, et des recours ont été formés devant certaines instances nationales. En Europe, la Cour européenne des droits de l'homme et la Cour de justice de l'Union européenne ont confirmé dans des arrêts (prononcés au sujet du régime de sanctions contre Al-Qaida, mais aussi de sanctions imposées à des pays) |1| que, dans le cadre de l'application des mesures prises par l'ONU, les procédures des États Membres restaient susceptibles de faire l'objet d'un examen juridique complet pour vérifier leur conformité aux normes fondamentales relatives à la garantie d'une procédure régulière. Ces normes portent, entre autres, sur le respect du droit d'être entendu et d'autres droits de la défense (droit d'accès au dossier, sous réserve de l'existence d'intérêts légitimes pour le maintien de la confidentialité; droit de s'enquérir des motifs d'une décision; droit à un recours effectif). Ces droits peuvent être restreints, sous réserve que la restriction soit imposée à des fins légitimes, respecte le principe de proportionnalité (y compris pour ce qui est de la durée des mesures) et ne porte pas atteinte à l'essence même du droit concerné.

Tant que les instances judiciaires nationales ou régionales estimeront que les sanctions imposées par l'ONU à des personnes ne satisfont pas aux garanties minimales d'une procédure régulière, les autorités nationales se trouveront dans l'impossibilité juridique de les mettre pleinement en œuvre au niveau national. Il faut remédier à cette situation qui menace l'application uniforme et universelle des sanctions imposées par l'ONU. Compte tenu de ces considérations ainsi que de la nécessité constante de légitimer davantage les régimes de sanctions imposés par l'ONU, d'accroître leur efficacité et de garantir le respect d'une procédure régulière, le groupe des États de même avis sur les sanctions ciblées invite le Conseil de sécurité à examiner les propositions ci-après. Celles-ci visent à améliorer davantage la procédure de médiation ainsi que celle applicable aux régimes de sanctions autres que celui contre Al-Qaida, en veillant à que le Conseil exerce ses fonctions conformément au droit international, y compris le droit des droits de l'homme, comme énoncé à l'Article 1 de la Charte des Nations Unies.

Si certaines propositions, notamment celles relatives au régime de sanctions contre Al-Qaida (voir section II), pourront être abordées lors de la mise à jour de la résolution 2161 (2014) prévue en décembre 2015, il faudrait, pour donner suite aux propositions relatives aux autres régimes de sanctions et à l'ensemble des régimes de sanction (voir sect. III et IV), élaborer une nouvelle résolution à caractère générale, mettre à jour la résolution 1730 (2006) portant création du point focal pour les demandes de radiation et charger les comités des sanctions de modifier leurs directives en conséquence et d'actualiser chaque régime de sanctions au cas par cas.

II. Propositions visant à améliorer la garantie d'une procédure régulière concernant le régime de sanctions contre Al-Qaida

Plusieurs éléments doivent être étudiés au moment de la mise à jour de la résolution 2161 (2014) du Conseil de sécurité.

A. Habiliter le Médiateur à prendre des décisions en matière de radiation

Il faudrait prévoir une nouvelle disposition afin d'habiliter le Médiateur à décider, sur la base de son rapport d'ensemble, de maintenir une personne ou une entité sur la Liste ou de l'en radier.

Selon le régime en cours, le Médiateur peut recommander la radiation de la Liste relative aux sanctions contre Al-Qaida de personnes ou d'entités qui en ont fait la demande. Le Comité du Conseil de sécurité faisant suite aux résolutions 1267 (1999) et 1989 (2011) a l'option de rejeter cette recommandation par consensus ou de renvoyer la question au Conseil. Si le Médiateur était investi de l'autorité de décider du maintien ou non d'une personne ou d'une entité sur la Liste et si les procédures étaient conformes aux normes fondamentales relatives au respect de la légalité, les requérants auraient intérêt, dans une certaine mesure, à porter leurs demandes de radiation devant l'Organisation des Nations Unies plutôt que devant des instances judiciaires nationales ou régionales. Pour éviter, à l'avenir, que des tribunaux nationaux ou régionaux rendent des jugements invalidant l'application des sanctions de l'ONU au motif de leur non-conformité aux garanties de procédure et à d'autres droits fondamentaux, il faudrait ajouter une disposition habilitant le Médiateur à décider de radier une personne ou une entité de la Liste à la résolution 2161 (2014) du Conseil lors de sa mise à jour prochaine. Le Comité devrait accepter que les rapports d'ensemble du Médiateur sont définitifs car s'il en était autrement, le Comité serait à la fois juge et partie, ce qui est incompatible avec le droit à un recours effectif.

Aucune recommandation formulée par le Médiateur depuis la création du Bureau n'a été rejetée par le Comité ou renvoyée devant le Conseil de sécurité pour être mise aux voix. Cela montre clairement que ses recommandations ont toujours été fondées et que le Comité y a donné suite. Le Bureau du Médiateur reçoit déjà un nombre croissant de demandes depuis qu'il a été mis en place, ce qui a favorisé son renforcement progressif. Afin de veiller à ce que la procédure de médiation soit suffisamment solide et que le Médiateur dispose des moyens nécessaires pour examiner efficacement les demandes de radiation, son pouvoir de décision doit être garanti par la prochaine résolution et ancré dans le système.

Il convient de noter que le Médiateur ne cherche pas à savoir si la décision d'inscrire une personne ou une entité sur la Liste était raisonnable et souhaitable à l'époque mais à déterminer, en s'appuyant sur les informations dont il dispose, si le maintien de cette personne ou entité sur la Liste se justifie. Au demeurant, rien n'empêche le Comité de réinscrire sur la Liste une personne ou une entité précédemment radiée si de nouveaux éléments sont portés au dossier ou s'il prend connaissance de nouvelles informations.

B. Proposer la procédure de médiation en premier recours

Le Conseil de sécurité devrait encourager les États Membres et les organisations et organes internationaux concernés à pousser les personnes et entités qui envisagent de contester leur inscription sur la Liste devant des instances judiciaires nationales ou régionales à présenter d'abord ou, à tout le moins, en parallèle une demande de radiation auprès du Bureau du Médiateur.

Tout requérant a intérêt, dans une certaine mesure, à porter une demande de radiation au niveau de l'Organisation des Nations Unies plutôt que de saisir une instance judiciaire nationale ou régionale. En effet, la durée de la procédure de médiation est relativement courte : le requérant obtient une réponse dans les neuf mois suivant le dépôt de sa demande, alors que les procédures nationales peuvent prendre des années. C'est donc bien vers la procédure de médiation que devraient se tourner en priorité les personnes ou entités qui souhaitent être radiées de la Liste.

Cette idée figure au paragraphe 48 de la résolution 2161 (2014) du Conseil de sécurité, où il est demandé aux États Membres et aux organisations et organes internationaux concernés de pousser les personnes et entités, qui envisagent de contester leur inscription sur la Liste en passant par des instances judiciaires nationales ou régionales ou ont déjà entrepris de le faire, à chercher à être radiées de la Liste en présentant une demande dans ce sens au Bureau du Médiateur. Il conviendrait d'insister davantage sur cette notion en la reformulant en des termes plus forts. Le Conseil devrait encourager les États à suspendre les procédures judiciaires lorsque le Médiateur a été saisi du dossier et leur demander d'encourager les requérants à présenter d'abord une demande de radiation auprès de lui, sans préjudice de la décision des instances nationales.

C. Assurer l'indépendance du Bureau du Médiateur et en faire une structure permanente

Le Bureau du Médiateur doit devenir un organe permanent et les dispositions contractuelles qui régissent actuellement le poste de médiateur doivent être modifiées et améliorées.

Il existe deux manières d'y parvenir :

    a) Le Conseil de sécurité peut décider de transformer le Bureau du Médiateur en bureau permanent relevant du Secrétariat et demander au Secrétaire général et aux États Membres de prendre les mesures nécessaires à cet effet;

    b) A défaut, le Conseil de sécurité peut décider de transformer le Bureau du Médiateur en mission politique spéciale relevant du Secrétariat et demander au Secrétaire général et aux États Membres de prendre les mesures nécessaires à cet effet.

Dans un cas dans comme l'autre, le Bureau devra disposer de toutes les ressources nécessaires pour exécuter le mandat du Médiateur et conserver, au minimum, sa capacité opérationnelle. Des garanties institutionnelles devront être mises en place et appliquées pour assurer l'indépendance et l'autonomie du Bureau.

Bien que, dans sa résolution 2161 (2014), le Conseil ait prié le Secrétaire général de renforcer encore les capacités du Bureau du Médiateur afin qu'il soit toujours à même de s'acquitter de son mandat « en toute indépendance », les dispositions contractuelles en vigueur restent inefficaces pour ce qui est de mettre pleinement en œuvre les résolutions pertinentes du Conseil, et la capacité du Médiateur de s'acquitter de son mandat en pâtit considérablement, en particulier en matière d'indépendance.

Le Médiateur est recruté en tant que consultant et soumis au contrôle et aux décisions du Secrétariat. Aux termes de son contrat, son comportement professionnel est évalué par la Division des affaires du Conseil de sécurité, alors qu'il doit impérativement en être indépendant. Cette situation n'a pas encore entraîné de conséquences négatives en termes de procédure, mais elle soulève des inquiétudes quant à l'indépendance de la fonction et à la manière dont le dispositif de médiation est considéré.

Par ailleurs, le Médiateur n'a aucun pouvoir de gestion en ce qui concerne l'élaboration du budget, le recrutement, la gestion du personnel et l'utilisation des ressources. Les arrangements administratifs en cours la privent donc d'un trait essentiel : l'autonomie. Plus important encore, le Médiateur n'exerce aucune supervision, dans certains domaines, sur les deux fonctionnaires affectés au Bureau étant donné que ceux-ci rendent compte aux spécialistes des questions politiques du Service du secrétariat des organes subsidiaires du Conseil de sécurité, qui évaluent leur comportement professionnel. En plus de placer les deux fonctionnaires en question et le personnel du Service dans une position difficile, cette situation affaiblit la capacité du Bureau du Médiateur de s'acquitter de ses fonctions efficacement en toute indépendance.

Il semble donc évident que le Bureau du Médiateur doit être restructuré en vue de son institutionnalisation et doté de dispositifs garantissant son indépendance, laquelle est indispensable au respect d'une procédure régulière. De la sorte, le travail du Médiateur aurait plus de poids et de crédibilité.

Dans la résolution 2161 (2014) actualisée, le Conseil de sécurité devrait ajouter une disposition dans laquelle il prierait le Secrétaire général de demander la transformation du Bureau du Médiateur en bureau permanent ou en mission politique spéciale. Si cette transformation doit encore être approuvée par la Cinquième Commission et dépend donc de la décision de l'ensemble des États Membres, il est certain qu'une résolution reformulée de manière plus vigoureuse constituerait le fondement de l'institutionnalisation du Bureau du Médiateur et créerait une dynamique en ce sens.

D. Améliorer les échanges d'informations

1. Entre les États Membres et le Médiateur

Le Conseil de sécurité devrait encourager plus avant les États Membres à communiquer toutes les informations dont ils disposent au Médiateur et à conclure avec son bureau des accords ou arrangements pour en garantir la confidentialité.

La procédure élaborée par le Médiateur pour son analyse, ses observations et ses conclusions consiste à évaluer s'il existe suffisamment d'informations pour justifier l'inscription sur la Liste de façon raisonnable et crédible au moment de l'examen. Sur la base de tous les renseignements alors disponibles, le Médiateur détermine s'il y a lieu de maintenir l'inscription. La coopération des États Membres avec le Médiateur, en termes d'échange d'informations et de communication d'éléments confidentiels ou classés, revêt une importance cruciale pour le bon fonctionnement du Bureau et doit être encore resserrée. Il convient de rehausser le niveau de détail et la qualité des renseignements exploitables. De nouveaux progrès s'imposent par ailleurs en ce qui concerne l'accès aux informations confidentielles. Dans sa résolution 2161 (2014), le Conseil de sécurité a expressément engagé les États Membres à se montrer coopératifs avec le Bureau du Médiateur et précisé que cela devrait inclure de prendre avec celui-ci des dispositions concernant l'échange d'informations confidentielles. Les États Membres qui ne l'avaient pas encore fait ont été encouragés à conclure des accords ou arrangements relatifs à l'échange de renseignements confidentiels ou classés avec le Bureau sans attendre d'y être contraints par une affaire. L'établissement de tels accords ou arrangements témoignerait de l'appui des États en question aux travaux du Bureau et à l'application du régime de sanctions adopté par le Conseil de sécurité.

2. Entre le Comité des sanctions et les instances judiciaires nationales ou régionales

Le Conseil de sécurité devrait donner pour instruction au Comité des sanctions et aux États Membres de fournir aux instances judiciaires nationales ou régionales, lorsqu'elles en font la demande, des informations complémentaires sur les motifs d'une inscription.

Les recours qui ont déjà été interjetés au niveau national ou régional pourraient être maintenus. Il n'est pas exclu que les requérants en déposent de nouveaux. Le cas échéant, les instances judiciaires nationales ou régionales seraient nettement mieux à même de confirmer les inscriptions décidées par l'ONU si elles avaient accès (au moins en partie) aux éléments sur lesquels le Comité s'est fondé pour prendre sa décision. Il importe que l'information circule du Comité des sanctions et des États Membres aux instances judiciaires nationales ou régionales quand des procédures sont en cours au niveau national ou régional.

E. Accroître la transparence de la procédure de médiation

Les cours et tribunaux nationaux, régionaux et internationaux doivent être en mesure de déterminer si la procédure de médiation constitue un recours utile pour les personnes et entités concernées. Ce n'est qu'alors qu'ils seront à même de se prononcer sur le fait que le système des Nations Unies garantit comme il convient les droits fondamentaux à une procédure régulière. Pour cela, il faut renforcer encore la transparence de la procédure de médiation, y compris en publiant le rapport d'ensemble ainsi que le raisonnement qui sous-tend chaque décision.

1. Raisons motivant les décisions de radier un nom de la Liste ou de l'y maintenir

Toutes les décisions, qu'elles tendent au maintien d'une inscription ou à la radiation d'une personne ou d'une entité, devraient contenir des fondements factuels suffisants.

Lorsqu'une inscription est maintenue ou qu'un requérant est radié de la Liste sur la base de la recommandation formulée par le Médiateur, il faudrait assigner à cette dernière la responsabilité de fournir au requérant les motifs de la décision qui le vise, sans retard indu et conformément à toute restriction imposée par les États Membres aux informations confidentielles ou classées, en prenant les précautions requises pour les pièces confidentielles.

Le Conseil de sécurité devrait donner pour instruction au Comité de faire connaître au requérant les motifs réels et particuliers de la décision par l'intermédiaire du Médiateur, sans retard injustifié et en prenant les précautions requises pour les pièces confidentielles, dans le cas où il choisit de ne pas suivre la recommandation du Médiateur. Le Comité devrait également porter ces motifs à la connaissance du Médiateur.

Enfin, il faudrait charger le Médiateur de rendre les motifs publics ou de les communiquer aux personnes, États ou autres organismes intéressés, en prenant les précautions requises pour les pièces confidentielles.

Dans tous ses échanges avec le requérant, les personnes concernées, les États ou d'autres organismes, le Médiateur est tenu de respecter la confidentialité des délibérations du Comité et de ses propres communications privées avec les États Membres.

Il importe particulièrement d'informer le requérant des motifs d'une décision tendant à maintenir son inscription. Il n'y a qu'ainsi qu'il peut modifier son comportement et obtenir gain de cause à la faveur d'une demande ultérieure. Dans sa résolution 2161 (2014), le Conseil a reconnu cet impératif et prévu que le Comité devrait transmettre au Médiateur, dans les 60 jours, sa décision de maintenir l'inscription ou de radier le nom du requérant. Bien que le Médiateur ait fait état de certains progrès quant au fond, il apparaît que dans certains cas l'exposé des motifs ne contenait que des références factuelles et analytiques limitées et ne reflétait pas toujours les observations, les conclusions et l'analyse du Médiateur.

Quand sa recommandation est suivie d'effet, qu'il s'agisse d'une radiation ou d'un maintien, le Médiateur est la mieux à même d'établir les motifs et de les communiquer au requérant. Il devrait par conséquent avoir la possibilité de les lui transmettre directement sur la base du rapport d'ensemble. Cela aurait pour effet d'améliorer la transparence et la crédibilité et d'assurer la cohérence entre le rapport d'ensemble et les motifs.

Lorsque sa recommandation n'est pas suivie d'effet, le Médiateur devrait également être informé, en plus du requérant, des motifs réels et précis de la décision du Comité, étant donné qu'ils peuvent influencer l'évaluation d'autres cas. Autrement, il existe un risque d'incohérence dans la pratique du Médiateur.

Puisque le requérant est informé des motifs de sa radiation ou de son maintien sur la Liste et qu'il est libre de les divulguer, ils pourraient tout aussi bien être rendus publics. Cela renforcerait encore la transparence et la crédibilité de la procédure de médiation.

2. Publication d'une version expurgée du rapport d'ensemble

Il faudrait publier une version expurgée du rapport d'ensemble du Médiateur afin de préserver, comme il est légitime de le faire et ainsi qu 'il convient, les intérêts relatifs à la vie privée, la sécurité et la confidentialité.

Une autre option consisterait à étendre aux États qui ont été sollicités durant la procédure pour fournir des renseignements la possibilité de demander un exemplaire du rapport d'ensemble.

Malgré certains progrès, le rapport d'ensemble n'est pas accessible au requérant ni au public. Il s'ensuit que le raisonnement du Médiateur n'est généralement pas disponible. La publication d'une version expurgée de son rapport d'ensemble renforcerait la transparence de la procédure de médiation. Avant cette publication, l'État ou les États ayant demandé l'inscription et les autres États Membres qui ont communiqué des informations confidentielles doivent donner leur consentement à la divulgation des parties de la version expurgée qui reposent sur les informations confidentielles en question.

La publication du rapport expurgée revêt une importance particulière dans les cas de maintien de l'inscription. En effet, l'amélioration de la transparence à l'échelle de l'ONU par la mise à disposition du raisonnement suivi par le Médiateur réduirait très probablement le nombre de recours (auxquels il est fait droit) devant les instances judiciaires nationales ou régionales étant donné que celles-ci pourraient ainsi mieux comprendre les procédures au niveau de l'Organisation, les conclusions qui ont été tirées et, surtout, la manière dont on y est parvenu.

La transparence de la procédure se trouve à présent accrue par la possibilité, introduite dans la résolution 2161 (2014) du Conseil de sécurité, de fournir à tout État concerné (État à l'origine de l'inscription ou État de nationalité, de résidence ou de constitution) qui en fait la demande, et avec l'approbation du Comité, un exemplaire du rapport d'ensemble assorti des corrections nécessaires pour protéger les éléments confidentiels. Actuellement, le rapport d'ensemble n'est toujours pas accessible aux autres États qui pourraient avoir un intérêt particulier dans le cas considéré. Comme la Médiatrice l'a suggéré dans son dixième rapport, il conviendrait d'incorporer dans la mise à jour de la résolution 2161 (2014) une disposition permettant de fournir au moins à ces États un exemplaire du rapport d'ensemble s'ils en font la demande.

3. Codification et extension de la pratique existante

Il faudrait inclure une disposition qui donne au Médiateur la possibilité d'informer le requérant, dans les meilleurs délais et avant notification publique, d'une décision tendant à la radiation.

Il faudrait ajouter une disposition analogue qui donne au Médiateur la même possibilité en cas de maintien de l'inscription.

Le Médiateur a pour coutume d'avertir le requérant, de manière informelle et avant la notification publique, de la décision de radier. Il le fait pour des questions d'équité, et la confiance des requérants dans la procédure de radiation serait renforcée si le Médiateur était expressément investi du pouvoir d'agir de la sorte dans les cas de radiation mais aussi dans les cas de maintien de l'inscription.

F. Élargissement du champ d'action et du mandat du Médiateur

1. Incorporation de la responsabilité de transmettre les demandes de dérogation pour raison humanitaire

Le Bureau du Médiateur devrait être habilité à recevoir des demandes de dérogation pour raison humanitaire de la part de personnes ou d'entités inscrites sur la Liste, à transmettre ces demandes au Comité, assorties d'une recommandation quant à l'octroi de la dérogation, et à faire connaître la décision du Comité au requérant et à l'État ou aux États concerné(s).

Tandis que le groupe des États de même avis sur les sanctions ciblées reconnaît le progrès que constitue le fait d'habiliter le point focal chargé de recevoir les demandes de radiation à recevoir les demandes de dérogation pour raison humanitaire émanant de personnes ou d'entités inscrites sur la Liste [voir résolution 2083 (2012)], il serait utile, pour assurer la cohérence du régime de sanctions contre Al-Qaida, d'assigner cette responsabilité au Médiateur à la faveur d'un mandat renforcé. On pourrait également élargir le mandat du point focal afin que celui-ci puisse recevoir des demandes de dérogation pour raison humanitaire au titre de tous les régimes de sanctions (voir proposition A.2. dans la section III ci -après).

2. Assistance aux personnes qui ont été radiées de la Liste des sanctions contre Al-Qaida ou indûment soumises à des mesures de sanction

Le Bureau du Médiateur devrait se voir confier l'attribution de recevoir des communications de personnes qui ont été radiées de la Liste des sanctions contre Al-Qaida ou qui affirment avoir été soumises à des sanctions parce qu 'elles ont été identifiées à tort ou par erreur comme des personnes désignées, ou confondues avec elles.

En particulier, le Médiateur devrait être compétent pour présenter à l'examen du Comité des propositions de documents attestant que l'identification est négative ou que l'inscription est devenue caduque. Une fois approuvés par le Comité, ces documents permettraient aux personnes concernées de prouver qu'elles ne sont pas visées par des sanctions du Conseil de sécurité.

Dans plusieurs cas de radiation par le Comité à l'issue de la procédure de médiation, la personne concernée a pris contact avec le Médiateur et indiqué qu'elle était encore soumise à des mesures de sanction alors même que son nom ne figurait plus sur la Liste. Le Médiateur devrait avoir les moyens de prêter assistance lorsque cela se produit.

Dans sa résolution 2161 (2014), le Conseil a donné au point focal la possibilité de recevoir et de transmettre au Comité, pour examen, les « communications adressées par les personnes qui ont été radiées de la Liste relative aux sanctions contre Al-Qaida » ou « les personnes qui estiment avoir été soumises à des sanctions alors qu'il y avait erreur ou confusion sur la personne » ou qu'elles ont été prises pour quelqu'un d'autre. Si cette modification facilite indéniablement la tâche consistant à appeler l'attention du Comité sur les communications relatives à ces cas de figure, la procédure serait encore plus efficace et gagnerait en clarté pour les requérants si la responsabilité en était transférée du point focal au Médiateur.

III. Propositions visant à ce que les inscriptions soient plus justes et plus efficaces : renforcer la légitimité, la proportionnalité et la transparence de la procédure d'inscription pour tous les régimes de sanctions

Il convient d'aborder certains aspects au moyen d'une nouvelle résolution à caractère général, d'une version actualisée de la résolution 1730 (2006), par laquelle le Conseil a créé le point focal chargé de recevoir les demandes de radiation, ou d'une mise à jour individuelle de chaque régime de sanctions et des directives du Comité.

A. Clarification des critères d'inscription

Il faudrait envisager de préciser les critères d'inscriptions sur les listes relatives aux différents régimes de sanctions.

Le Conseil de sécurité notamment devrait définir, dans un souci de clarté juridique, ce que veut dire « soutenir des actes ou activités du réseau Al-Qaida ou de toute cellule, filiale ou émanation ou tout groupe dissident de celui -ci » » et peut aboutir à une inscription en vertu du régime de sanctions établi par les résolutions 1267 (1999) et 1989 (2011) du Conseil. Il devrait également préciser ce qui peut être qualifié d'agissement visant à « soutenir les actes ou activités des personnes précédemment désignées et autres personnes, groupes, entreprises et entités associés aux Taliban dans la menace qu'ils constituent pour la paix, la stabilité et la sécurité de l'Afghanistan » et peut aboutir à une inscription en vertu du régime des sanctions établi par la résolution 1988 (2011).

Afin d'obtenir une exactitude et une efficacité accrues et des sanctions plus ciblées, il convient de s'employer à préciser les critères d'inscription dans le cadre des régimes de sanctions. Cela s'applique en particulier aux régimes de sanctions contre Al-Qaida et les Taliban, mais la démarche devrait également concerner les autres régimes de sanctions.

Aux paragraphes 2 de la résolution 2161 (2014) et 2 de la résolution 2160 (2014), le Conseil a défini les actes et activités qui indiquent l'existence d'une association avec, respectivement, Al-Qaida et les Taliban. Ces actes et activités constituent les critères présidant à l'inscription et donc la clef de voûte des régimes de sanctions considérés. Pour des raisons de sécurité juridique et de prévisibilité, les critères en questions devraient satisfaire à certaines normes de clarté juridique, notamment pour permettre aux personnes, groupes, entreprises ou entités visés de modifier leur comportement en vue d'être radiés de la Liste. Compte tenu de la portée large de l'expression « soutenir, de toute autre manière, des actes ou activités » figurant aux paragraphes 2 c) de la résolution 2161 (2014) et 2 d) de la résolution 2160 (2014), le Conseil devrait préciser la nature et donner des exemples possibles d'actes ou activités de soutien autres que le recrutement, tels que l'incitation au terrorisme.

B. Examen et limitation dans le temps de toutes les inscriptions

Chaque comité des sanctions doit régulièrement procéder à l'examen opportun et approfondi de toutes les inscriptions et informer les États Membres de ce qu 'il en est ressorti pour chaque cas. Dans le cadre des examens, il faudrait que les Comités confirment expressément chaque inscription afin qu'elle soit maintenue et indiquer les motifs qui justifient ce maintien. Dans les cas où une inscription n 'est pas examinée ni confirmée dans les délais prescrits, elle devrait être automatiquement supprimée. Il serait également souhaitable de tirer profit de l'examen périodique pour actualiser les informations relatives aux inscriptions afin de rendre compte des inculpations ultérieures décidées par les mécanismes de la justice internationale.

Le résultat des examens est fortement tributaire des arguments avancés par l'État ayant demandé l'inscription sur la Liste et de la coopération dont il fait preuve. Pour l'heure, les comités doivent prendre une décision pour supprimer une inscription alors que le cas correspondant est à l'examen; sans intervention, l'inscription demeure. En exigeant des Comités une confirmation expresse, on les obligera à décider de maintenir l'inscription. Autrement dit, si le maintien de l'inscription ne fait pas consensus au sein d'un comité, la personne ou l'entité sera radiée. L'instauration de conditions plus strictes pour le maintien d'une inscription soulignera le caractère préventif et provisoire des mesures de sanction.

C. Établissement d'un comité technique des sanctions permanent

Le Conseil de sécurité devrait établir un comité technique permanent des sanctions, composé d'experts des comités de sanctions faisant partie des missions de chaque membre du Conseil.

Seize régimes de sanctions sont actuellement en vigueur, conformément aux résolutions applicables du Conseil de sécurité en vertu du Chapitre VII de la Charte. Afin de garantir l'interprétation et l'application uniformes des mesures de sanctions dans le cadre des différents régimes, il faudrait établir un comité technique des sanctions, suivant la proposition qui figure dans le Compendium de l'Examen de haut niveau des sanctions imposées par l'Organisation des Nations Unies (voir S/2015/432). Ce comité pourrait être chargé d'élaborer un ensemble standard de directives applicables aux travaux des divers comités des sanctions, et ceux-ci ne devraient dévier de ces directives que lorsque l'exigent les dispositions des résolutions pertinentes.

IV. Propositions s'agissant de régimes de sanctions autres que celui visant Al-Qaida

Nombre d'éléments doivent être examinés par l'intermédiaire d'une nouvelle résolution à portée générale, d'une version actualisée de la résolution 1730 (2006), qui porte création du point focal pour les demandes de radiation, et d'une mise à jour de chacun des régimes de sanctions et des directives du Comité au cas par cas.

A. Renforcement des compétences du point focal pour les demandes de radiation

1. Introduire le respect des garanties s'agissant de la procédure de radiation de la Liste à suivre par le point focal

Lorsqu'il est saisi d'une demande de radiation, le point focal devrait être habilité à la transmettre au comité compétent et à l'État à l'origine de l'inscription sur la Liste, à l'État de nationalité, de résidence ou de constitution et aux autres États qui ont un intérêt particulier dans l'affaire (l'État où se trouvent les avoirs de la personne ou de l'entité inscrite sur la Liste, qui ont été gelés à l'issue de son inscription).

Le point focal devrait ensuite être habilité à entamer une phase de collecte d'informations.

Les renseignements recueillis devraient par la suite être transmis au comité qui, en fonction des informations fournies par le point focal et les États intéressés qui ont été saisis de la demande, prendrait officiellement la décision de maintenir ou non l'inscription sur la Liste.

En cas de maintien sur la Liste, le comité doit donner les arguments d'ordre factuel invoqués à l'appui du motif, qui sont transmis au requérant par l'entremise du point focal.

Il faudrait comme première mesure temps modifier le mandat du point focal établi par la résolution 1730 (2006) de manière à lui conférer des compétences supplémentaires pour intégrer les garanties d'une procédure régulière et veiller au respect des droits les plus fondamentaux. Le Conseil de sécurité doit donner pour instruction à tous les comités des sanctions de modifier leurs directives en conséquence.

En vertu du système actuel, la procédure de radiation de la Liste suivie par le point focal ne s'est pas avérée efficace du fait qu'elle est fortement tributaire de l'approbation ou de l'opposition des États qui « examinent » la demande (État à l'origine de l'inscription sur la Liste, État de citoyenneté et de résidence). Aucune phase de collecte d'informations n'est prévue, aucune décision officielle n'est prise et aucun motif n'est communiqué à la personne ou à l'entité qui a formulé la demande. Pour cette raison, rares sont les recours auxquels il est fait droit.

En l'absence de respect des formes régulières, il est capital de renforcer la procédure et notamment d'élargir le mandat du point focal et de demander au comité compétent, concernant chaque demande de radiation de la Liste, de prendre une décision officielle, dûment motivée, qui sera transmise au requérant.

2. Élargissement du mandat du point focal s'agissant des dérogations pour raison humanitaire

La compétence du point focal à recevoir directement, de la part de personnes, des demandes de dérogations pour raison humanitaire devrait s'étendre à tous les régimes de sanctions.

Il faudrait normaliser les conditions et la procédure en matière de dérogation pour veiller à appliquer une démarche cohérente à l'égard de tous les régimes de sanctions.

Actuellement, le régime de sanctions contre Al-Qaida est le seul en vertu duquel des personnes peuvent adresser des demandes de dérogation au point focal. Dans le cadre des autres systèmes et régimes offrant la possibilité de faire une demande de dérogation pour raison humanitaire, les seuls habilités à le faire sont les États Membres. Ils n'ont souvent pas la volonté ou les ressources nécessaires pour présenter des demandes de dérogation au comité concerné. Afin de garantir le plein respect des droits fondamentaux, les personnes et les entités doivent se prévaloir du droit de présenter elles-mêmes une demande de dérogation par l'entremise du point focal.

L'harmonisation de la procédure de dérogation pour raison humanitaire améliorerait la cohérence entre les différents régimes de sanctions.

B. Élargissement du mandat du Médiateur à d'autres régimes de sanctions

Il faudrait envisager d'étendre progressivement les principales garanties de procédures offertes par le mécanisme de médiation à d'autres régimes de sanctions. Il faudrait également envisager de doter le Bureau du Médiateur des ressources correspondantes.

À présent, seules les personnes et entités figurant sur la Liste relative aux sanctions contre Al-Qaida ont accès à la procédure de médiation. Pourtant, des problèmes analogues concernant le respect de la procédure se posent pour d'autres régimes de sanctions du Conseil de sécurité. Certains des régimes de sanctions définis comme visant des États ne concernent en fait ni un pays, ni un régime et ses politiques, mais des personnes, groupes et entités foncièrement et parfois violemment opposés au gouvernement reconnu par la communauté internationale et à ses politiques. Ceux-ci ne bénéficient pas de la protection de leurs droits et intérêts qu'un gouvernement ayant accès aux voies diplomatiques et représenté à l'Organisation des Nations Unies offrirait normalement. Certaines personnes inscrites sur les listes établies au titre de ces régimes de sanctions du Conseil ont également commencé à demander leur radiation en arguant qu'elle n'était pas motivée. En novembre 2013, la Cour européenne des droits de l'homme a statué en l'affaire Al-Dulimi et Montana Management Inc. c. Suisse, qui fait référence à la résolution 1483 (2003) du Conseil de sécurité. La Chambre de la Cour a déclaré que la protection des droits de l'homme offerte par la procédure permettant de déposer une demande de radiation auprès d'un point focal n'était pas équivalente à celle qu'exige la Convention européenne des droits de l'homme. L'affaire a été déférée par la suite devant la Grande Chambre, qui devrait se prononcer à la fin de 2015. Le Conseil de sécurité devrait donc envisager d'étendre, selon que de besoin, le mandat du Médiateur à d'autres régimes de sanctions à l'occasion du prochain renouvellement des mandats. La possibilité d'adapter le mandat du Médiateur aux divers régimes de sanctions devrait également être étudiée.

C. Garanties supplémentaires d'une procédure régulière

1. Accroître la transparence de l'inscription sur la Liste

Le Conseil de sécurité doit demander aux États Membres de fournir un exposé détaillé de l'affaire lorsqu'ils proposent l'inscription d'un nom sur une liste récapitulative. Ils doivent, pour chaque demande d'inscription, préciser les éléments du mémoire correspondant qui pourraient être divulgués et les éléments qui pourraient être communiqués sur demande aux États Membres intéressés.

Une fois qu 'un nom est inscrit sur une liste récapitulative, le résumé des motifs présidant à l'inscription sur la liste doit être disponible sur le site Web du comité.

Le Secrétariat doit être chargé de notifier la mission permanente du ou des pays où l'on est fondé à croire que la personne ou l'entité se trouve et, dans le cas d'une personne, le pays de nationalité de l'intéressé. Par conséquent, ces États Membres doivent aviser ou informer en temps voulu la personne ou l'entité concernée de l'inscription de son nom sur la Liste. L 'avis ou la note d'information doit comprendre une copie de la partie du mémoire pouvant être divulguée, le résumé des motifs, une description des effets de la demande d'inscription ainsi que des informations sur l'instance auprès de laquelle l'individu ou l'entité concerné peut introduire une demande de radiation.

Une transparence accrue au niveau de l'ONU par l'intermédiaire de la mise à disposition de chaque mémoire pour chaque inscription sur la Liste serait à même de réduire le nombre de recours devant des instances judiciaires nationales ou régionales auxquels il est fait droit, étant donné que ces dernières comprendraient mieux la procédure suivie au niveau de l'Organisation des Nations Unies et notamment le fondement de l'inscription sur la Liste.

Un autre élément de la transparence liée à la garantie d'une procédure régulière et d'un procès équitable réside dans les informations mises à la disposition de la personne ou de l'entité inscrite sur la Liste. L'avis doit être communiqué dans les délais et de la façon la plus détaillée possible.

2. Extension à d'autres régimes de sanctions de la limitation dans le temps de la procédure de « mise en attente » adoptée par le Comité du Conseil de sécurité faisant suite aux résolutions 1267 (1999) et 1989 (2011) concernant Al-Qaida et les personnes et entités qui lui sont associées

Le Conseil de sécurité devrait donner comme instruction à tous les comités des sanctions de revoir leurs directives pour veiller à ce qu'aucune affaire de maintien sur la Liste ou de radiation de la Liste ne soit laissée en suspens pendant plus de six mois. Les comités des sanctions doivent donc modifier leurs directives.

Le droit d'obtenir une décision dans un délai raisonnable constitue un élément essentiel de la procédure régulière. À la fin de 2010, il a été mis fin à la pratique du Comité du Conseil de sécurité faisant suite aux résolutions 1267 (1999) et 1989 (2011) qui consistait à mettre en attente les décisions proposées, parfois pendant des années. Le fait d'étendre cette disposition à tous les comités des sanctions améliorerait la procédure et rendrait les décisions de tous les comités des sanctions beaucoup plus justes et transparentes.

V. Éléments de réflexion approfondie

Introduction de clauses de souplesse

Le Conseil de sécurité doit envisager d'introduire des clauses de souplesse dans chaque régime de sanctions, de façon à appliquer des sanctions spécifiques dans des cas précis, dont on déciderait au moment de l'inscription sur la Liste ou de l'examen d'un nom inscrit sur la Liste, en se fondant sur toutes les informations disponibles.

En introduisant des clauses de souplesse dans les différents régimes de sanctions, les comités chargés des inscriptions sur la Liste pourraient être habilités à décider au cas par cas quel type de sanction serait le plus indiqué à une inscription précise. Cela permettrait aux comités de sanctions d'imposer par exemple seulement le gel des avoirs, sans recourir à l'interdiction de voyager (ou vice versa) pour chaque personne ou entité au moment de l'inscription ou de l'examen de l'inscription, en se fondant toutes les informations dont dispose le comité. Le critère pour l'application des différentes mesures doit être clairement mentionné dans la résolution. Les mesures concrètes pour chaque inscription doivent être précisées dans la liste récapitulative et ne pas entraver la procédure de mise en œuvre sur le plan national.

En imposant seulement le type de sanctions nécessaire pour obtenir les résultats escomptés, ces sanctions pourraient devenir plus proportionnelles (on peut envisager, dans l'affaire Nada c. Suisse devant la Cour européenne des droits de l'homme, seulement un gel des avoirs).

Pièce jointe

Cour européenne des droits de l'homme, Nada c. Suisse, septembre 2012

L'Article 13 de la Cour européenne des droits de l'homme dispose qu'il faut qu'existe un recours dans le cadre duquel l'instance nationale compétente peut examiner les griefs fondés sur la Convention et ordonner le redressement approprié (par. 207 de l'arrêt du 12 septembre 2012).

L'Article 13 vise seulement à offrir à ceux qui expriment un grief défendable de violation d'un droit protégé par la Convention un recours effectif dans l'ordre juridique interne (par. 208).

La Cour européenne a cité que le Tribunal fédéral suisse avait par ailleurs admis expressément que « la procédure de radiation devant l'Organisation des Nations Unies...ne pouvait pas être considérée comme un recours effectif au sens de l'article 13 de la Convention » (par. 211). Mais la déclaration du Tribunal fédéral suisse a été faite en 2007, avant la création du Bureau du Médiateur.

Les autorités suisses n'ont pas examiné quant au fond ses griefs concernant les violations alléguées de la Convention (par. 210).

La Cour estime de surcroît qu'aucun élément dans les résolutions du Conseil de sécurité n'empêchait les autorités suisses de mettre en place des mécanismes de vérification des mesures prises au niveau national en application de ces résolutions (par. 212).

Cour de justice de l'Union européenne, Commission européenne et autres c. Yassin Abdullah Kadi, juillet 2013

La Cour a constaté que pour ce qui est d'inscrire une personne sur la Liste ou de maintenir l'inscription, l'autorité compétente doit se référer exclusivement à l'exposé des motifs fourni par le comité des sanctions aux fins de la prise de telles décisions. Il n'est pas prévu de mettre à disposition d'autres éléments que cet exposé des motifs (par. 107 à 110 de l'arrêt du 18 juillet 2013).

L'autorité compétente communique l'exposé des motifs fourni par le comité des sanctions (par. 111) et doit permettre à cette personne de faire connaître utilement son point de vue à l'égard des motifs retenus à son encontre (par. 112).

L'autorité compétente a l'obligation d'examiner, avec soin et impartialité, le bien-fondé des motifs allégués (par. 114).

À ce titre, le Comité et l'État à l'origine de l'inscription de la Liste doivent communiquer des informations ou des éléments de preuve (par. 115). Cela implique une vérification des faits allégués dans l'exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, c'est-à-dire il faut savoir si ces motifs, ou, à tout le moins, l'un d'eux considéré comme suffisant en soi pour soutenir cette même décision, sont étayés. Si les informations divulguées sont insuffisantes, la décision sera fondée uniquement sur les éléments qui ont été divulgués (par. 119).

Un tel contrôle s'avère d'autant plus indispensable que, en dépit des améliorations qui leur ont été apportées (notamment, après l'adoption du règlement litigieux, c'est-à-dire après le 28 novembre 2008) les procédures de radiation et de révision d'office instituées au niveau de l'ONU n'offrent pas à la personne dont le nom est inscrit sur la liste les garanties d'une protection juridictionnelle effective (par. 133).

En effet, le propre d'une protection juridictionnelle effective doit être de permettre à la personne concernée de faire constater par le juge, par un arrêt d'annulation en vertu duquel l'acte attaqué est éliminé rétroactivement de l'ordre juridique et est censé n'avoir jamais existé, que l'inscription ou le maintien de son nom sur la liste en cause a été entachée d'une illégalité, dont la reconnaissance est susceptible de réhabiliter cette personne ou de constituer pour elle une forme de réparation du préjudice moral subi (par. 134).

Cour européenne des droits de l'homme, Al-Dulimi et Montana Management Inc. c. Suisse, novembre 2013 (l'affaire est pendante devant la Grande Chambre)

La Convention n'interdit pas aux Parties contractantes de transférer des pouvoirs souverains à une organisation internationale. Les États demeurent néanmoins responsables au regard de la Convention de tous les actes et omissions de leurs organes qui découlent du droit interne ou de la nécessité d'observer les obligations juridiques internationales. En d'autres termes, si l'on considère que l'organisation offre semblable protection équivalente, il y a lieu de présumer que les États respectent les exigences de la Convention lorsqu'ils ne font qu'exécuter des obligations juridiques résultant de leur adhésion à l'organisation. En revanche, un État demeure entièrement responsable au regard de la Convention de tous les actes ne relevant pas strictement de ses obligations juridiques internationales (par. 114 de l'arrêt du 26 novembre 2013).

La résolution 1483 (2003) du Conseil de sécurité ne confère aux États visés aucun pouvoir discrétionnaire dans la mise en œuvre des obligations en découlant (par. 117). Le critère de la protection équivalente s'applique également à l'Organisation des Nations Unies (par. 116).

Le mécanisme de point focal n'offre pas une protection équivalente à celle qu'exige la Convention. La Cour se rallie à la conclusion du Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, à savoir que le régime des sanctions contre Al-Qaïda établi par la résolution 1267 (1989) ne garantit toujours pas le respect des normes internationales minimales en la matière [même après la résolution 1989 (2011)]. Il s'ensuit, a fortiori, que la protection offerte au niveau international par la résolution 1483 (2003) n'est pas équivalente à celle découlant de la Convention (par. 118 à 120).

La Cour a donc examiné la question de savoir si le droit du requérant à un recours avait été violé. Elle a conclu que l'absence de protection équivalente au niveau de l'ONU n'avait pas été compensée par la procédure nationale, étant donné que le Tribunal fédéral suisse ne s'était pas penché sur la légitimité des mesures prises. Une attention particulière a donc été accordée au laps de temps qui s'était écoulé depuis que le gel des avoirs avait été appliqué (proportionnalité) (par. 126 à 134).


Notes :

1. Voir : Cour européenne des droits de l'homme (Grande Chambre), Nada c. Suisse, Requête nº 10593/08, arrêt du 12 septembre 2012; Cour européenne des droits de l'homme (Deuxième Section), Al-Dulimi et Montana Management Inc. c. Suisse, Requête nº 5809/08, arrêt du 26 novembre 2013; Cour de justice de l'Union européenne, Commission européenne et autres c. Yassin Abdullah Kadi, affaires jointes C-584/10 P, C-593/10 P et C-595/10 P, arrêt du 18 juillet 2013. À titre de référence, on trouvera en annexe un bref résumé officieux des principaux motifs et arguments avancés par les cours concernées. [Retour]


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