Information
Equipo Nizkor
        Bookshop | Donate
Derechos | Equipo Nizkor       

23déc18


Les Kurdes appellent Washington à prévenir toute offensive turque


Les Kurdes ont toujours entretenu l’espoir de créer leur propre Etat national. En août 1920, conformément aux Accords de Sèvres, un Kurdistan indépendant naît à l’est de l’Anatolie et de la province de Mossoul. L’opposition de Mustafa Kemal et le Traité de Lausanne de 1923 mettent à mort ce projet. Mercredi, Donald Trump a annoncé le retrait de ses troupes du Nord syrien.

Un haut responsable kurde en Syrie, Aldar Khalil, a appelé hier les Etats-Unis à prévenir toute offensive turque contre les zones kurdes du nord, rapporte l’AFP. Cet appel intervient suite à l’annonce mercredi par le président américain, Donald Trump, du retrait de ses troupes stationnées dans le nord-est de la Syrie aux côtés des combattants kurdes.

Soutenues par la coalition internationale antidjihadiste emmenée par les Etats-Unis, les Forces démocratiques syriennes (FDS), alliance de combattants kurdes et arabes, sont depuis plusieurs années aux premières lignes pour la lutte contre le groupe Etat islamique (EI) en Syrie. «Tant que les Etats-Unis et d’autres pays (de la coalition) sont ici, ils se doivent de respecter leurs engagements.

Et même s’ils s’en vont, ils peuvent au moins œuvrer à une résolution internationale», a indiqué A. Khalil, l’un des responsables de l’administration semi-autonome kurde, mise en place en 2013. «Il est de leur devoir d’empêcher toute attaque et de mettre fin aux menaces turques», a-t-il ajouté. Dans le cas contraire, le retrait des quelque 2000 soldats américains présents sur le sol syrien donne carte blanche à Ankara pour lancer une nouvelle offensive.

Le même responsable a aussi exhorté la France à «jouer un rôle positif au sein des Nations unies et du Conseil de sécurité en vue d’une résolution empêchant une offensive turque». Vendredi, deux hauts responsables kurdes ont été reçus par des conseillers du président français, Emmanuel Macron.

La Turquie a déjà lancé deux offensives en 2016 et 2018 dans le Nord syrien. La dernière lui a permis, en début d’année, de prendre le contrôle de la région d’Afrine. Ankara qualifie de «terroriste» la milice syrienne des Unités de protection du peuple (YPG), composante importante des FDS, milice qui a constitué dès 2014 l’une des principales forces combattant l’EI avec l’appui aérien de la coalition internationale conduite par les Etats-Unis.

En octobre 2017, les FDS ont chassé le groupe djihadiste de Raqqa, sa «capitale» de fait dans le Nord. Elles continuent de combattre les djihadistes dans leurs dernières poches dans l’Est. En Irak, les combattants kurdes peshmergas ont aussi pris part à la lutte contre les djihadistes.

Jeudi, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a de nouveau promis d’éliminer les djihadistes et les milices kurdes du nord de la Syrie après le retrait des troupes américaines, avant de tempérer ses propos vendredi en affirmant qu’il ne lancerait pas immédiatement d’offensive.

Longtemps exclus, les Kurdes de Syrie, qui représentent 15% de la population, ont souffert durant des décennies de la marginalisation et de l’oppression du régime. Ils ont adopté une position de «neutralité» envers le pouvoir et la rébellion au début du conflit en 2011, avant d’installer une administration autonome dans des régions du Nord.

En Turquie, le conflit entre le gouvernement et le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) a repris à l’été 2015, faisant voler en éclats les espoirs d’une résolution de cette crise qui a fait plus de 40 000 morts depuis 1984.

En effet, dans le cadre des pourparlers de paix engagés fin 2012 avec les autorités turques, le PKK a décrété un cessez-le-feu en mars 2013 et commencé, deux mois plus tard, à retirer une partie de ses forces de Turquie. Ce retrait a été toutefois suspendu, les Kurdes estiment que le pouvoir n’a pas tenu ses promesses de réforme en faveur de leur communauté.

Un peuple réprimé

En Irak, les Kurdes persécutés sous Saddam Hussein se soulèvent en 1991 après la débâcle de l’Irak au Koweït et instaurent une autonomie de fait, légalisée par la Constitution irakienne de 2005 qui a fondé une République fédérale. En septembre 2017, les Kurdes ont massivement voté pour la sécession, contre l’avis de Baghdad et de la communauté internationale.

En représailles, le pouvoir central leur a repris des zones disputées. Peuple d’origine indo-européenne, les Kurdes descendent des Mèdes de l’ancienne Perse, qui fondèrent un empire au VIIe siècle avant J.-C. Répartis sur quatre pays, à savoir l’Irak, l’Iran, la Syrie et la Turquie, ils ont vu leur destin tracé en dehors d’eux et à leurs dépens par les grandes puissances.

A la suite de la Première Guerre mondiale et du démantèlement de l’empire ottoman, les Alliés décident de créer un Etat kurde. Le 10 août 1920, conformément aux Accords de Sèvres, un Kurdistan indépendant naît à l’est de l’Anatolie et de la province de Mossoul. L’opposition de Mustafa Kemal et le Traité de Lausanne de 1923 mettent à mort ce projet.

Mustafa Kemal mène une politique d’assimilation, la langue kurde est interdite. Et les Kurdes deviennent les «Turcs des montagnes». Cela ne les empêche pas de se révolter en Turquie en 1925, 1930 et 1937. Le 8 juillet 1937, la Turquie, l’Irak, l’Iran et l’Afghanistan signent le pacte de Saadabad qui consacre la coordination de ces pays pour laminer toute rébellion kurde.

Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, avec l’appui de l’URSS, les Kurdes créent leur Etat à Mahabad, en Iran, en janvier 1946. En décembre de la même année, les troupes iraniennes écrasent cette République. Quant aux Kurdes irakiens, ils continuent à se révolter contre le pouvoir central avec pour leader Mustafa Barzani.

Ce dernier, face au refus de Baghdad de tenir ses promesses, déclenche une insurrection en 1961 au nord du pays pour l’«autonomie pour le Kurdistan, la démocratie pour l’Irak». En 1970, semble se dessiner un accord entre le Baas irakien et les Kurdes, qui reconnaît ces derniers comme composante de la nation irakienne, la reconnaissance de leur langue et la création d’une zone autonome kurde.

Cependant, des désaccords apparaissent et, en 1974, Baghdad décide d’appliquer unilatéralement ces accords. La guerre froide influe sur le conflit.

Les Etats-Unis et leur allié, l’Iran du shah Pahlavi, encouragent l’insurrection kurde en Irak, jugé trop proche de l’Union soviétique. Mais les Accords d’Alger signés par Baghdad et Téhéran en 1975 mettent fin à leur différend frontalier et décrètent la cessation de l’aide iranienne aux Kurdes irakiens.

La fin de la guerre irano-irakienne (1980-1988) n’a pas mis un terme aux souffrances des Kurdes. Le pouvoir de Saddam Hussein va jusqu’à utiliser des armes chimiques pour les anéantir, à l’exemple du village de Halabja en 1988.

Le 13 août 1989 est assassiné, par des agents de Téhéran à Vienne, le Dr Abdul Rahman Ghassemlou, secrétaire général du Parti démocratique kurde d’Iran (PDKI). Suit l’élimination le 17 septembre 1992 à Berlin de quatre hauts dirigeants de ce même parti. Quant aux kurdes turcs engagés dans une guerre contre Ankara, ils sont classés comme organisation terroriste par l’Occident et la Turquie.

[Source: El Watan, Alger, 23déc18]

Bookshop Donate Radio Nizkor

Syria War
small logoThis document has been published on 22Dec18 by the Equipo Nizkor and Derechos Human Rights. In accordance with Title 17 U.S.C. Section 107, this material is distributed without profit to those who have expressed a prior interest in receiving the included information for research and educational purposes.