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25oct13
Les USA auraient-ils pris conscience de leurs erreurs ?
Le secrétaire d'Etat américain John Kerry a trouvé une solution incroyablement simple pour en finir avec la guerre civile en Syrie. Il pense que tout s'arrangerait comme par magie si le dirigeant syrien Bachar al-Assad renonçait à ses ambitions pour la prochaine élection présidentielle.
Les Américains ont-ils encore fait preuve de leur aptitude unique, qui consiste à simplifier des problèmes internationaux complexes ? Pas vraiment. La rhétorique habituelle de John Kerry cache cette fois quelque chose de bien plus intéressant. Washington semble insatisfait par son ancienne stratégie au Moyen-Orient. Aujourd'hui, en appliquant la méthode "essais-erreurs", l'administration Obama cherche à tâtons une nouvelle ligne stratégique dans la région.
Charles de Gaulle disait du style diplomatique américain : "Vous pouvez en être certains - les Américains commettront toutes les bêtises imaginables et inimaginables". Je rejoins à moitié l'avis du général. L'habitude de commettre des stupidités incroyables est propre à toutes les grandes puissances que ce soit le Royaume-Uni, la France, la Russie ou encore la Chine.
Mais il faut le reconnaître : la politique syrienne des USA s'est inscrite jusqu'à présent dans la logique du général de Gaulle. Barack Obama s'est retrouvé dans un piège en désignant Assad comme unique source des problèmes syriens. Un piège auquel l'Amérique a réussi à échapper au dernier moment, grâce à une initiative du président russe tant critiqué à Washington.
Il faut aussi noter la détermination de l'administration américaine à vouloir réparer ses erreurs. "Quand on se retrouve dans un trou, il faut arrêter de creuser", a récemment lancé l'ex-ministre des Finances britannique, Denis Healey. Il semble que l'équipe d'Obama ait suivi son conseil sur le dossier syrien.
Au moment où John Kerry s'exprimait à l'issue de son entretien avec le ministre qatari des Affaires étrangères à Paris, un personnage culte de la politique américaine a fait une autre annonce, bien plus importante. Quel personnage culte ? Le prince Bandar, chef des renseignements saoudiens.
Non, l'auteur ne s'est pas trompé en qualifiant le prince saoudien de "personnage culte de la politique américaine". Le prince Bandar a joué - et continue de le faire - un rôle unique à Washington.
Entre 1983 et 2005, le petit-fils du roi Abdelaziz, fondateur de l'Arabie saoudite, a été ambassadeur de son pays aux Etats-Unis. Le diplomate soviétique Anatoli Dobrynine a été ambassadeur aux USA pendant une période encore plus longue - de 1962 à 1986 - mais en dépit du grand respect de la diplomatie américaine pour Dobrynine, il était tout de même perçu par Washington comme un ennemi. Tandis que le prince Bandar a réussi à se faire accepter aux USA.
Nancy Reagan transmettait notamment des messages délicats aux membres du gouvernement de son propre époux par le biais de l'ambassadeur saoudien. Les membres de la dynastie politique des Bush considéraient le prince comme un proche : le président George W. Bush avait même surnommé son ami saoudien "Bandar Bush".
Voici donc ce qu'a déclaré le prince Bandar, cité par l'agence Reuters : "L'Arabie saoudite compte se distancer des USA en signe de protestation contre l'inaction de Washington à l'égard de la Syrie et à cause de son rapprochement avec l'Iran". Selon la source qui a rapporté ces propos, le prince Bandar a déclaré lors d'une réunion avec des diplomates européens que les USA avaient été inefficaces dans le règlement de la crise syrienne et du conflit israélo-palestinien. Sans compter le fait que les USA se rapprochent prudemment de l'Iran.
L'Arabie saoudite fait partie des principaux partenaires étrangers des USA et la déclaration du prince Bandar poursuivait clairement un but précis. Il a clairement mis en garde les Américains : s'ils changent de politique, les choses vont mal se passer. Washington a effectivement toutes les raisons de prendre les menaces saoudiennes au sérieux. Grâce à ses ressources financières et pétrolières l'Arabie saoudite est l'une des puissances les plus influentes de notre époque.
Mais Riyad prend aussi des risques. Les autorités saoudiennes et l'Amérique sont très liées et la maison royale saoudienne pourrait être menacée de perdre le pouvoir dans le pays si elle se fâchait définitivement avec Washington.
Alors pourquoi les Saoudiens n'ont pas eu peur d'aller vers la confrontation ? Parce que les enjeux sont trop importants du point de vue de Riyad. En simplifiant les choses, la superpuissance chiite qu'est l'Iran et la superpuissance sunnite qu'est l'Arabie saoudite sont les deux principaux centres politiques concurrents parmi les Etats islamiques du Moyen-Orient. La guerre civile en Syrie a toujours été et demeure dans une certaine mesure un affrontement entre ces deux forces concurrentes. Le président Bachar al-Assad représente la communauté religieuse chiite des alaouites et c'est un allié de l'Iran. Il est donc logique que Riyad souhaite son renversement. Si le pouvoir à Damas se retrouvait entre les mains de dirigeants amis avec les Saoudiens, l'équilibre des forces dans la région en serait radicalement changé.
Les Etats-Unis ont leurs propres comptes à régler avec l'Iran et il ne faut donc pas s'étonner de la concordance des approches américaine et saoudienne sur la Syrie. Mais aujourd'hui les Américains ont compris que 2+2 ne faisaient pas forcément 4 dans la politique moyen-orientale. Qu'on ne pouvait pas se fixer pour seul objectif le renversement d'Assad car cela pourrait jouer en faveur d'Al-Qaïda.
La dynastie royale saoudienne ne semble pas non plus vouloir le renforcement d'Al-Qaïda. Mais l'Iran semble plus dangereux aux yeux de Riyad que cette organisation terroriste. D'où l'appel saoudien adressé à l'Amérique : Ne sortez pas du rang ! Ne changez pas de position ! Une bonne action ne reste jamais impunie !
Mais la stratégie prônée par les Saoudiens n'a rien d'une bonne action. Au contraire, c'est le meilleur moyen de transformer une situation extrêmement difficile au Moyen-Orient en situation critique. Pour cette raison, le fait que la diplomatie américaine soit passée de la préparation active du renversement d'Assad aux menaces rhétorique ne peut qu'être salué.
[Source: Par Mikhaïl Rostovski, RIA Novosti, 25oct13]
This document has been published on 28Oct13 by the Equipo Nizkor and Derechos Human Rights. In accordance with Title 17 U.S.C. Section 107, this material is distributed without profit to those who have expressed a prior interest in receiving the included information for research and educational purposes. |