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16mar18
Affaire Skripal: et si l'agent Novitchok n'existait pas?
Les preuves de l'existence du gaz neurotoxique Novitchok, avec lequel ont été possiblement empoisonnés Sergueï Skripal et sa fille, sont maigres et sa composition inconnue, a affirmé l'ex-ambassadeur britannique en Ouzbékistan, Craig Murray, invitant à fouiller en profondeur dans ses origines.
L'agent neurotoxique Novitchok, qui fait polémique dans le cadre de l'affaire Skripal, a également fait l'objet d'un article de Craig Murray, ancien ambassadeur britannique en Ouzbékistan, qui a creusé dans les publications sur le sujet. De fait, son existence même et pas seulement ses possibles composants devraient être mis en cause, a-t-il estimé, se référant au docteur Robin Black, chef du laboratoire de détection à Porton Down, une installation de recherche militaire.
Ces dernières années, nombreuses ont été les spéculations sur le fait que l'agent neurotoxique de 4e génération, Novichok («novice»), ait été développé en Union soviétique dans les années 1970 alors en quête d'agents qui pourraient contrer les contre-mesures défensives, a expliqué M.Black dans son livre «Élaboration, usage historique et particularités des armes chimiques».
«Les informations sur ces composants étaient limitées dans le domaine public et provenaient principalement du chimiste militaire russe dissident, Vil Mirzayanov. Aucune confirmation indépendante des structures ni des propriétés de ces composants n'a été publiée», avait-il écrit en 2016.
À l'heure actuelle, le gouvernement britannique se dit pourtant capable d'identifier instantanément une substance que son centre de recherche sur les armes biologiques n'a jamais vue et dont l'existence même pose question. De plus, Londres prétend pouvoir identifier son origine. Mais, à en croire l'œuvre de M.Black, il est improbable que cette déclaration se traduise en faits, a déduit M.Murray.
De même, les experts internationaux en armes chimiques partagent pour la plupart l'opinion de M.Black. Voici la conclusion présentée par l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) en 2013 par de hauts responsables américain, français, allemand, russe et britannique (en la personne de M.Black lui-même):
«Le mot "Novitchok" est mentionné dans une publication d'un ancien scientifique soviétique qui a signalé avoir étudié une nouvelle classe d'agents neurotoxiques pouvant être utilisés comme armes chimiques binaires. Le Comité consultatif scientifique [de l'OIAC, ndlr] a déclaré ne pas disposer d'informations suffisantes pour commenter l'existence ou les propriétés de l'agent Novitchok.»
De fait, aucun pays ayant signé la Convention sur l'interdiction des armes chimiques (CIAC) n'a affirmé posséder d'agents toxiques Novitchok, a annoncé vendredi l'OIAC.
Le scepticisme de l'OIAC, quant à la viabilité des substances de ce genre, a enfin poussé l'organisation à ne pas les inscrire, ni leurs prétendus précurseurs, dans sa liste d'agents interdits, ceci avec l'accord des États-Unis et du Royaume-Uni. Globalement, la communauté scientifique accepte le fait que Mirzayanov travaillait sur le Novitchok mais doute qu'il y parvienne, a souligné l'ancien ambassadeur Murray.
Tandis que la Première-ministre britannique a estimé que le Novitchok ne pouvait être élaboré que dans des installations militaires, ce constat est «manifestement faux», a indiqué M.Murray. Si cet agent neurotoxique existe, il a été vraisemblablement conçu pour pouvoir être fabriqué au niveau de n'importe quelle installation chimique commerciale.
«Il faut garder à l'esprit que les composants chimiques ou les précurseurs de A-232 ou sa version binaire novitchok-5 sont des organophosphorés ordinaires qui peuvent être fabriqués dans des entreprises chimiques commerciales qui fabriquent des produits comme des engrais et des pesticides», avait écrit à l'époque le chimiste Mirzayanov.
Du point de vue scientifique, il est impossible que l'installation de Porton Down puisse tester les Novitchok russes si elle n'a jamais possédé un échantillon russe pour les comparer, a fait remarquer M.Murray. Ils peuvent analyser un échantillon conforme à une formule de Mirzayanov, mais comme il l'a rendu public il y a 20 ans, ce n'est pas une preuve de l'origine russe. Si Porton Down peut l'élaborer, plusieurs autres, pas seulement les Russes, peuvent le faire aussi, a-t-il souligné.
Finalement, «Mirzayanov» est un nom ouzbek et le programme Novitchok, si l'on suppose qu'il existait, se déroulait en URSS, loin de la Russie moderne, à Noukous dans l'actuel Ouzbékistan.
«J'ai moi-même visité le site d'armes chimiques de Nuokuos. Il a été démantelé et sécurisé, tous les stocks ont été détruits et l'équipement a été retiré par le gouvernement américain», a raconté l'ex-ambassadeur. «En fait, il n'y a jamais eu de preuve que le Novichok ait jamais existé en Russie même», a-t-il résumé.
Le 4 mars, Sergueï Skripal et sa fille ont été retrouvés inconscients aux abords d'un centre commercial de Salisbury. M.Skripal a reçu l'asile au Royaume-Uni en 2010 après un échange d'agents de renseignement entre la Russie et les États-Unis lorsque 10 agents russes, dont Anna Chapman, sont rentrés dans leur patrie.
Le 11 mars, la Première ministre britannique Theresa May a accusé la Russie d'implication dans l'empoisonnement de Sergueï Skripal et de sa fille Ioulia, sans toutefois présenter de preuves tangibles pour appuyer ses allégations. Qualifiant l'affaire de «provocation», la porte-parole de la diplomatie russe Maria Zakharova a de son côté estimé que les propos de la Première ministre britannique étaient un «cirque en plein parlement».
Le Royaume-Uni a refusé de fournir des éléments de preuve, que Vassili Nebenzia, représentant permanent de la Russie auprès de l'Onu, avait demandés auparavant.
[Source: Sputnik News, Moscou, 16mar18]
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