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27fév13
Les combats ont dévasté le marché central de Gao
Un tas d'ordure brûle et exhale une odeur fétide. Le feu n'a pas vraiment quitté le marché central de Gao, dévasté, méconnaissable. Quelques dizaines de femmes et d'enfants balaient les cendres du pied, sans vraiment savoir ce qu'ils espèrent trouver… N'importe quoi, qui n'ait pas été détruit, et dont tirer profit.
La vie reprend peu à peu dans la ville. En fin de semaine dernière, une attaque de djihadistes du Mujao (Mouvement pour l'unicité et le djihad en Afrique de l'Ouest) infiltrés dans la ville a fait au moins deux morts. Au-delà du bilan des victimes, c'est la durée et l'intensité des combats qui a traumatisé la population: plus de six heures d'échanges de tirs, en plein centre-ville. C'est un bombardement effectué par l'aviation française qui a mis un terme aux combats. Mais il a coûté à Gao le poumon de son activité: son marché central.
Tout le week-end, les habitants sont restés terrés chez eux, de crainte de nouvelles attaques. Pour la première fois, en ce début de semaine, les habitants de Gao osent enfin sortir, pour constater les dégâts. «Je suis venu regarder, explique une mère de famille, escortée de plusieurs de ses filles et d'un bébé. Jusqu'ici, on restait à la maison. Vraiment, on ne voulait pas sortir, insiste-t-elle. Nous sommes venues aujourd'hui seulement». Mais cette première balade dans le centre-ville n'est pas un réconfort. Le retour à la vie est synonyme d'amertume. «Le marché est gâté (endommagé, NDLR), ça me fait tellement mal au cœur! Tout est détruit!»
«Je ne sais pas comment nous allons vivre»
Tous ressentent la même tristesse, le même écœurement. Juchée sur un monceau de détritus, une jeune femme reste immobile. Son long voile jaune lui recouvre parfaitement les cheveux, mais laisse voir à tous ses grands yeux noirs qui regardent au loin, comme perdus. «Je suis trop touchée, je ne sais pas quoi dire, soupire-t-elle, ça me dépasse.» En un tour de tête son regard revient au monde et embrasse les débris alentours. «Tout est cassé, tout est détruit. Il ne reste rien. J'avais entendu que le marché avait brûlé, mais je n'imaginais pas que c'était à ce point». Elle habite loin du centre-ville, n'a pas voulu revenir plus tôt. «On disait que c'était dangereux, qu'ils étaient peut-être encore là, explique-t-elle, en parlant des combattants islamistes infiltrés au sein de la population.» À nouveau, son regard se perd. «Je ne sais pas comment nous allons faire, je ne sais pas comment les habitants de Gao vont vivre.»
Pourtant, les habitants de Gao sont bien décidés à reprendre une vie normale. Comme ce commerçant, de l'autre côté du marché, dont la boutique a été épargnée. «Je viens de rouvrir. Il n'y a personne». Un double constat qui résume parfaitement la situation: difficile, mais il faut bien aller de l'avant. Le commerçant reste assis devant sa porte, parce que c'est tout ce qu'il peut faire. À quelques mètres, un confrère patiente aussi. Les pinasses, sorte de pirogues locales, restent amarrées au bord du fleuve. Un peu plus loin, un ouvrier de l'EDM (Électricité du Mali), répare une ligne électrique. «Elle a été endommagée par les tirs de la semaine dernière, raconte-t-il, et depuis tout ce bloc de maisons est privé d'électricité.»
Sur les murs, les impacts de balle résonnent encore, comme une menace… Ici, tout le monde craint de nouveaux affrontements. Mais veut croire qu'il n'y en aura plus.
[Source: Le Figaro, Paris, 27fév13]
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