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03fév13
Mali : un succès légitimement salué mais encore inachevé
Le succès de l'opération «Serval» ne doit pas éclipser les difficultés restantes au Mali : la poursuite de la lutte contre le terrorisme et la stabilité du pouvoir.
Difficile de ne pas partager la liesse communicative qui a accompagné samedi la visite de François Hollande à Sévaré, Tombouctou et Bamako. Les Maliens ne s'y sont pas trompés, qui ont réservé au chef de l'État un accueil digne d'un «libérateur» lors de ce périple éclair. La «fenêtre» était idéale. Elle s'inscrivait au faîte d'une dynamique qui a conduit, en trois semaines, les militaires français, symboliquement épaulés par leurs frères d'armes maliens, à reprendre sans coup férir le nord du pays, jusqu'à Kidal au nord. Juste avant d'avoir à rentrer dans le dur et que s'engage un combat autrement plus ardu avec les djihadistes retranchés dans leurs montagnes des Iforas.
Sur le plan diplomatique, la visite est intervenue au seuil d'une semaine cruciale qui verra François Hollande, mardi à Strasbourg, jeudi et vendredi à Bruxelles, battre le rappel des Vingt-Sept pour «européaniser» l'effort français au Mali. Dans ce créneau étroit, le président de la République, rehaussé de son statut de chef de guerre, a réussi un sans-faute. Il faut beaucoup d'ingénuité, ou de mauvaise foi, à ceux qui, notamment à droite, s'indignent du bénéfice politique que François Hollande pourrait retirer de cet épisode. Qui, on se le demande, agirait différemment en de telles circonstances? C'est de bonne guerre, si l'on peut dire.
En revanche, la réussite de François Hollande risque fort de demeurer une simple parenthèse, un «instant Bamako» dans la chaîne d'instabilité qui travaille ce pays en profondeur. Car les ambiguïtés, les difficultés et les inconnues de l'équation malienne sont patentes. Elles ont encore été soulignées samedi.
La force panafricaine, une ambition qui reste à concrétiser
Sur le plan militaire, on l'a dit, le plus dur est à venir. «Le terrorisme n'a pas encore été vaincu», a lucidement concédé François Hollande à Bamako. Depuis le début de l'intervention française, le 11 février, le président de la République et son chef de la diplomatie, Laurent Fabius, insistaient, sans convaincre vraiment, que les troupes françaises n'avaient pas vocation à rester sur place et que le passage du relais aux troupes africaines se ferait rapidement. Dans son discours de Bamako, le chef de l'État a concédé que la France restera au Mali «le temps qu'il faudra», traduisez, de longs mois. Malheureusement, et contrairement à ce qui a été dit, la France n'a peut-être pas encore «payé sa dette» de sang aux Maliens, notion d'ailleurs lourde d'implications pour les relations entre la France et l'Afrique.
Certes, des militaires nigériens et tchadiens sont sur place. Mais l'ambition, ancienne, de mettre sur pied une force panafricaine, reste à concrétiser. La formation d'une armée malienne digne de ce nom, en termes d'efficacité et d'éthique, prendra du temps. «On ne répare pas une injustice par une autre injustice», a déclaré François Hollande, pointant notamment les représailles contre les populations «arabes». Les observateurs internationaux se font toujours attendre.
Le sort des otages toujours incertain
Sur le terrain politique, la visite de samedi n'a pas levé les incertitudes, ni sur la stabilité du pouvoir intérimaire, ni sur l'engagement d'un processus politique avec les représentants des populations du Nord délaissé, principalement les mouvements touaregs. Face à François Hollande, son homologue Dioncounda Traoré n'a, semble-t-il, pas témoigné d'une prise de conscience des responsabilités de Bamako dans les dérives qui ont conduit au délitement du Mali, véritable puits sans fond pour l'aide internationale qui s'y est déversée par centaines de millions d'euros ces dernières années avec le bénéfice que l'on voit.
Une autre hypothèque pèse sur le «triomphe» de François Hollande au Mali: le sort des otages. «Nous sommes tout près, les ravisseurs doivent comprendre que le moment est venu de les libérer», a dit le chef de l'État en une formule qui résume son jeu à haut risque: faute de négociations conclusives avec les djihadistes, la pente des combats pourrait mener à des tentatives de libération dont l'issue, si elle était malheureuse, ternirait par contrecoup l'éclat de la visite triomphale de Bamako.
[Source: Le Figaro, Paris, 03fév13]
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