Informations
Equipo Nizkor
        Bookshop | Donate
Derechos | Equipo Nizkor       

16mai16

English | Español | Русский


Rapport du Secrétaire général sur la Mission d'appui des Nations Unies en Libye (fév.-mai 16)


Haut de page

Nations Unies
Conseil de sécurité

S/2016/452

Distr. générale
16 mai 2016
Français
Original : anglais

Rapport du Secrétaire général sur la Mission d'appui des Nations Unies en Libye

I. Introduction

1. Le présent rapport, soumis en application de la résolution 2273 (2016) du Conseil de sécurité, en date du 15 mars 2016, rend compte des faits marquants de l'évolution de la situation politique et des conditions de sécurité en Libye, fait le point sur la situation humanitaire et la situation des droits de l'homme dans le pays et décrit les activités menées par la Mission d'appui des Nations Unies en Libye (MANUL) depuis la publication de mon rapport en date du 25 février 2016 (S/2016/182).

II. Évolution de la situation politique et des conditions de sécurité

2. Quelques retards mis à part, les acteurs politiques libyens ont continué de progresser dans la mise en œuvre de l'Accord politique libyen, signé le 17 décembre 2015 à Skhirat (Maroc). L'Organisation a fait de l'appui à ces efforts de mise en œuvre de l'Accord l'axe central de son action. L'installation à Tripoli, le 30 mars, du Conseil de la présidence du Gouvernement d'entente nationale a marqué une première étape importante sur la voie d'un transfert pacifique et ordonné du pouvoir exécutif. Le calme relatif qui a entouré son arrivée ainsi que les déclarations de soutien émanant des conseils municipaux de l'aire métropolitaine de Tripoli et d'autres parties prenantes ont témoigné du large soutien populaire dont jouit le Conseil. Ce dernier a demandé à l'ONU d'établir rapidement une présence à Tripoli et engagé les États Membres à rétablir leurs missions diplomatiques dans le pays pour soutenir le processus politique. La MANUL a continué d'appuyer les efforts déployés par les membres de la Chambre des députés en vue de l'organisation d'un vote formel sur la composition proposée du Gouvernement d'entente nationale et de la modification de la Déclaration constitutionnelle, comme prévu dans l'Accord.

3. Il reste néanmoins beaucoup à faire pour mobiliser des soutiens supplémentaires à la mise en œuvre de l'Accord politique libyen et appuyer les nouvelles institutions de transition dans l'exercice de leurs fonctions. Malgré le calme relatif qui a entouré l'installation du Conseil de la présidence à Tripoli, un certain nombre d'acteurs politiques ont continué à s'opposer à la mise en œuvre de l'Accord. En outre, la situation sur le plan de la sécurité est demeurée fragile, dans la capitale comme dans le reste du pays. La direction et le comité exécutif du Congrès général national, de plus en plus isolés à la suite de la décision prise le 5 avril par une majorité des membres du Congrès de constituer le Conseil d'État, ont manifesté leur opposition à l'arrivée du Conseil de la présidence. Dans le même temps, des groupes affiliés à l'État islamique d'Iraq et du Levant (EIIL) ont de nouveau tenté de gagner du terrain, et les conflits armés qui se sont déroulés à Benghazi et ailleurs n'ont fait qu'exacerber les souffrances de la population civile.

Mise en œuvre de l'Accord politique libyen

4. Au cours de la période à l'examen, le Conseil de la présidence et les acteurs politiques ont continué à s'efforcer de mettre en œuvre l'Accord politique libyen, notamment en prenant des mesures en vue de la mise en place d'un Gouvernement d'entente nationale épaulé par un dispositif de sécurité, afin de mettre fin au conflit armé et d'unifier des structures de gouvernance éclatées. Dans les semaines qui ont suivi sa session du 23 février, au cours de laquelle elle n'avait pas pu aboutir à un vote sur la composition proposée du Gouvernement d'entente nationale, ce qui avait conduit certains députés à signer une déclaration de soutien à l'équipe proposée, la Chambre des députés n'a pas pu atteindre le quorum nécessaire à la convocation d'une nouvelle session. L'ONU a par conséquent pris l'initiative de faciliter une réunion des parties prenantes au dialogue politique libyen, qui s'est tenue à Tunis le 10 mars. Soulignant qu'elle était totalement compétente pour approuver le Gouvernement d'entente nationale proposé, les parties prenantes ont demandé à la Chambre des députés d'assumer ses responsabilités s'agissant de la mise en œuvre de l'Accord. Elles ont dans le même temps prié instamment le Conseil de la présidence de commencer à travailler rapidement depuis Tripoli et demandé à tous les organismes publics, y compris les institutions financières, de prendre toutes les dispositions nécessaires au transfert immédiat, ordonné et pacifique du pouvoir exécutif.

5. À la suite de cette réunion, le Conseil de la présidence a annoncé, le 12 mars, qu'il donnerait le feu vert au début des travaux du Gouvernement d'entente nationale. Le 30 mars, sept des neuf membres du Conseil sont arrivés à Tripoli par la mer. Leur arrivée a été facilitée par le Comité temporaire de sécurité, qui avait mis en place un dispositif de sécurité associant l'armée de terre, la marine et les forces de police, et assuré la liaison avec les groupes armés. La MANUL a fourni un appui consultatif au Comité et au Conseil de la présidence à cet égard.

6. Installé à titre provisoire à la base navale située dans le centre de Tripoli, le Conseil de la présidence s'est employé à rencontrer diverses parties prenantes, notamment des représentants des municipalités, des institutions publiques et la société civile, et à prendre un certain nombre de décisions. Le 3 avril, il a publié des décrets relatifs à l'instauration d'un contrôle des finances publiques, au gel temporaire des comptes des organismes publics et à la création d'un comité chargé de superviser l'allocation des fonds. Mon Représentant spécial pour la Libye s'est entretenu avec les membres du Conseil de la présidence à Tripoli les 5 et 17 avril pour examiner les modalités envisageables s'agissant de l'appui fourni par l'Organisation à la transition relancée et les domaines sur lesquels cet appui devrait porter de façon prioritaire.

7. La MANUL a poursuivi le dialogue qu'elle avait engagé avec la direction et les membres de la Chambre des députés au sujet de la convocation d'une session de la Chambre consacrée à l'approbation officielle du Gouvernement d'entente nationale et à la modification de la Déclaration constitutionnelle. Après des tentatives infructueuses de convocation de sessions de la Chambre à Tobrouk les 18, 19 et 21 avril, des députés favorables au Gouvernement d'entente nationale ont décidé de signer une déclaration de soutien à ce dernier et de demander que la Chambre se réunisse en dehors de Tobrouk pour procéder à l'investiture du Gouvernement.

8. Dans le même temps, les dirigeants du « Gouvernement de salut public installé » à Tripoli ont continué à s'opposer à l'arrivée du Conseil de la présidence, et ont proclamé l'état d'urgence avant l'arrivée de ce dernier dans la capitale, avant de publier une série de déclarations contradictoires quant à leur intention de transférer le pouvoir au Conseil. Le Conseil de la présidence a néanmoins pris le contrôle de plusieurs ministères. De son côté, le Gouvernement intérimaire installé dans l'est du pays a annoncé le 29 mars qu' il ne se démettrait que lorsque le Gouvernement d'entente nationale aurait été officiellement approuvé par la Chambre des députés.

9. Entre-temps, une majorité des membres du Congrès général national, à Tripoli, a organisé en mars des consultations sur la création du Conseil d'État, le troisième grand organe prévu dans l'Accord. Le 5 avril, ces membres ont voté la modification de la Déclaration constitutionnelle et entrepris de se constituer en Conseil d'État. Les membres de la Chambre des députés ont critiqué cette initiative de modification de la Déclaration, estimant que le Congrès avait par-là empiété sur leurs prérogatives, et ont mis en doute la légalité de la convocation du Conseil d'État.

Mobilisation aux niveaux régional et international

10. Les pays voisins de la Libye ont continué de jouer un rôle important dans l'appui à la mise en œuvre de l'Accord politique libyen. Mon Représentant spécial a assisté à la conférence ministérielle des Ministres des affaires étrangères des pays voisins de la Libye, tenue en Tunisie le 22 mars. Les pays voisins se sont félicités de la participation à cette réunion du Conseil de la présidence en tant que représentant de la Libye. Le 24 mars, mon Représentant spécial a assisté à la cinquième réunion des ministres de la défense de la Communauté des États sahélo-sahariens, tenue en Égypte, qui a été l'occasion pour les participants d'examiner la dimension régionale des problèmes de sécurité découlant de l'instabilité en Libye.

11. Plus largement, le processus politique a continué à bénéficier de soutiens cruciaux émanant d'acteurs régionaux et internationaux. Mon Représentant spécial a continué de travailler en étroite collaboration avec les représentants de l'Union africaine, de l'Union européenne et de la Ligue des États arabes, ce qui a permis de veiller à la coordination et à la cohérence de l'appui de la communauté internationale à la mise en œuvre de l'Accord.

Situation dans l'ouest du pays

12. Les conditions de sécurité dans la capitale et ses environs sont restées satisfaisantes dans l'ensemble après l'arrivée à Tripoli du Conseil de la présidence. Ce dernier a pris pour siège provisoire la base navale située dans le centre de la ville, où il est placé sous la protection de l'Armée libyenne et d'unités de police sous le commandement du Comité temporaire de sécurité, ainsi que de groupes armés théoriquement placés sous la tutelle du Ministère de l'intérieur. Cela n'a pas empêché la survenue de quelques accrochages entre les forces de sécurité et des groupes armés de l'opposition. Lors d'un de ces incidents, survenu le jour de l'arrivée des membres du Conseil, les membres d'un groupe ont brièvement occupé la place des Martyrs, dans le centre de Tripoli, avant de se retirer rapidement après s'être retrouvés face aux forces favorables au Conseil. Le 3 avril, des affrontements ont éclaté à proximité des locaux de la station de télévision Al-Nabaa, média largement perçu comme opposé à l'Accord.

13. Malgré un calme relatif, des tensions ont continué à se faire sentir à Tripoli, qui est restée sous le contrôle de plus d'une quarantaine de groupes armés rivaux provenant de la capitale et des villes et zones voisines. Le 28 mars, des affrontements ont éclaté dans le quartier de Gorji, à l'ouest de la ville, entre un groupe armé local et la Force nationale mobile, dominée par les Amazigh, après que l'un des membres de cette dernière a été tué. Le 16 avril, un autre affrontement, survenu dans le centre de Tripoli, à proximité du domicile d'un membre du Conseil de la présidence, a impliqué lui aussi la Force nationale mobile, dont deux membres ont été tués.

14. Bien que la situation sur le plan de la sécurité dans l'ensemble de l'ouest du pays soit restée précaire, les accords de cessez-le-feu en vigueur au niveau local se sont avérés suffisamment robustes pour empêcher toute escalade. Des combats ont toutefois éclaté le 23 mars entre des groupes armés rivaux de Warchefana et Zaouïa, faisant au moins 15 morts. Après plusieurs jours d'affrontements, la médiation des anciens des tribus concernées et d'autres groupes armés a permis de mettre fin aux combats.

Situation dans l'est du pays

15. L'est de la Libye a continué d'être le théâtre d'affrontements armés. À Benghazi, il y a eu une escalade dans les combats entre les forces fidèles au général Khalifa Haftar, la Choura des révolutionnaires de Benghazi, une coalition de groupes armés islamistes, et l'EIIL. Le 20 février, le général Haftar a lancé une nouvelle offensive militaire dont l'objectif déclaré était d'expulser de la ville la Choura et ses alliés. Dans un premier temps, les forces fidèles au général Haftar ont largement gagné du terrain, chassant la Choura et l'EIIL de Leithi, quartier du centre de la ville et de Bouatni, à l'est de la ville, ainsi que de la plus grande partie du quartier de Haouari, dans le sud de la ville. C'était la première fois depuis la fin de l'année 2014 que les forces du général Haftar faisaient d'importants progrès sur le terrain, aidées en cela par l'arrivée de nouvelles recrues et par la fourniture d'armes et de munitions supplémentaires.

16. Après trois semaines de violents affrontements, les combats à Benghazi ont perdu en intensité à la mi-mars et se sont poursuivis de façon plus feutrée. Bien qu'ils aient subi d'importantes pertes, la Choura des révolutionnaires de Benghazi et ses alliés, ayant reçu de leurs alliés dans l'ouest de la Libye des renforts en armes, en munitions et en combattants arrivés par la mer, ont défendu leurs positions à Qar Younès, Qaouarsha et Qanfouda, dans le sud de la ville, et à Sabri, au nord, zones sur lesquelles ils ont réussi à garder le contrôle. Sabri est un bastion de l'EIIL. À la mi-avril, les forces du général Haftar, appuyées par des frappes aériennes continues, ont pris le contrôle de l'usine de fabrication de ciment dans le quartier de Haouari et de l'Université de Benghazi à Qar Younès, deux positions qui étaient contrôlées de longue date par la Choura.

17. À Derna, l'EIIL s'est retiré de ses dernières positions dans le quartier 400 de la ville et de la zone de Fataeh, au sud de la ville, à la suite d'affrontements survenus à la mi-avril avec la Choura des moujahidin de Derna et des éléments de l'armée alliés à cette dernière. La Choura a par la suite annoncé que la ville avait été débarrassée de la présence de l'EIIL.

Situation dans le sud du pays

18. À Aoubari, l'accord de cessez-le-feu conclu le 22 novembre au Qatar par des représentants des Touaregs et des Tébou a été appliqué sans incident majeur au cours de la période considérée. Conformément à l'accord, tous les groupes armés se sont retirés de la ville et 44 détenus ont été libérés dans le cadre d'un échange de prisonniers. La réouverture de l'aéroport de la ville et de la route principale qui la relie au nord-est du pays a facilité la circulation des biens et des personnes, en plus de contribuer à la stabilisation progressive de la situation dans son ensemble.

19. À Sabha, les tensions intercommunautaires ont continué à peser sur les conditions de sécurité; des actes de représailles meurtriers entre les Aoulad Souleïman d'un côté et les Qadhadfa et les Tébou de l'autre ont été signalés.

20. À Koufra, dans le sud-est du pays, la levée partielle du siège imposé par les milices armées zoueï aux quartiers tébou a permis une légère amélioration des conditions de sécurité.

Présence de l'EIIL

21. Au cours de la période considérée, l'EIIL a gardé le contrôle effectif de la zone côtière autour de Syrte, dans le centre de la Libye, soit une bande d'environ 250 kilomètres. Il a également gardé la mainmise sur une zone restreinte de Benghazi, qui est toutefois encerclée par les forces d'opposition locales. À l'ouest, le groupe a été affaibli par la perte de sa principale base régionale, à Sabrata. À l'est, l'EIIL a perdu sa base de Derna, la toute première qu'il ait eue en Libye.

22. Le revers qu'a essuyé l'EIIL à Sabrata a fait suite aux affrontements qui avaient opposé ses combattants à des groupes armés locaux et aux forces de sécurité, fin février. Une opération locale d'arrestation en avait été l'élément déclencheur; après celle-ci, l'EIIL avait occupé brièvement des bâtiments de la police et de la municipalité dans le centre de la ville, tuant 17 personnes. Les combattants de l'EIIL, qui seraient environ 250 dans la région et dont beaucoup sont de nationalité tunisienne, ont été vaincus au terme de plusieurs jours de combats. Deux Italiens retenus en otage par l'EIIL ont été libérés durant les affrontements mais deux autres otages ont été tués.

23. L'EIIL a pris des mesures visant manifestement à asseoir son emprise sur la population locale; il aurait imposé de nouvelles règles, notamment des impôts supplémentaires et des cours d'éducation religieuse obligatoires pour les hommes âgés de 20 à 50 ans. Il a également continué de procéder à des exécutions et d'infliger des châtiments corporels cruels.

24. Depuis ses bases de Syrte et notamment de Naufaliya, l'EIIL a poursuivi ses incursions dans les zones adjacentes situées au sud, à l'ouest et à l'est de la ville, à la recherche de butins et de revenus et en vue d'étendre sa zone de contrôle. Le 9 mars, il a attaqué un point de contrôle au sud de Ghariyan, à près de 300 kilomètres à l'est de Syrte, et enlevé un policier. Cette attaque a déclenché des affrontements avec des groupes armés de Zintan et les membres de la tribu Aoulad Abou Seïf, qui ont fait de nombreuses victimes. Le même jour, l'EIIL a attaqué un point de contrôle à Abou Qrein, à quelque 110 kilomètres au sud de Misrata, attaque au cours de laquelle quatre combattants de Misrata sont morts.

25. Plus dans le sud-est du pays, l'EIIL a attaqué, le 14 mars, la centrale électrique située à proximité du champ pétrolifère de Sarir, à environ 350 kilomètres au sud d'Ajdabiya, provoquant un affrontement avec les gardiens de l'installation pétrolière. Le 2 avril, l'EIIL a attaqué le champ pétrolifère nº 47 de Beïda, à environ 250 kilomètres au sud de Ras Lanouf. Au cours des combats avec les forces locales qui ont duré plusieurs jours, cinq combattants locaux ont été tués et sept blessés. Le 4 avril, l'EIIL s'en est pris à un point de contrôle situé à environ 160 kilomètres au sud de Syrte, tuant un soldat et en blessant deux autres. Les forces locales de Soukna et de Houn ont ensuite repris le contrôle de la zone, tuant six combattants de l'EIIL.

26. Les forces libyennes de Misrata ont poursuivi les frappes aériennes ciblant des positions de l'EIIL à Syrte et aux alentours. Le 6 mars, au moins 15 combattants de l'EIIL auraient été tués par des frappes aériennes. Les forces de Misrata et d'autres villes de l'ouest de la Libye ont gardé le contrôle de la route qui relie Misrata à Waddan, bloquant ainsi l'avancée de l'EIIL vers l'ouest et vers le sud, tandis que les forces de surveillance des champs pétrolifères ont continué de bloquer l'expansion de l'EIIL vers l'est. Le 23 avril, ces dernières se sont retrouvées face à un groupe de combattants de l'EIIL au sud de Brega. Les affrontements qui ont suivi ont fait des victimes dans les deux camps.

III. Rédaction de la Constitution

27. Après avoir examiné une série de recommandations reçues à la suite de la publication de la première version du projet de constitution, le 6 octobre 2015, une commission composée de 12 membres de l'Assemblée constituante a élaboré et rendu publique une deuxième version du projet début février. Comme cela avait déjà été le cas pour la première version du projet, certaines dispositions ont créé une controverse et fait ressortir des désaccords persistants entre les membres de l'Assemblée constituante, qui avaient principalement trait au rôle de la deuxième chambre du parlement, aux droits des femmes et des minorités, à la capitale nationale, aux élections présidentielles, au pouvoir judiciaire, à la décentralisation et au gouvernement local.

28. Désireux d'aider l'Assemblée à parvenir à un consensus, le Gouvernement d'Oman a généreusement accueilli 32 de ses 56 membres, y compris des représentants de la minorité, dans le cadre d'une retraite de trois semaines, qui s'est ouverte à Salala le 18 mars. La MANUL et le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) ont aidé à l'organisation de cette manifestation et dépêché sur place des experts internationaux de haut niveau en vue de faciliter les débats. Onze membres de l'Assemblée, qui avaient déjà fait part de leurs objections aux deux versions du projet de constitution et de leur opposition à la façon dont l'Assemblée menait ses travaux, ont boycotté les débats d'Oman.

29. La majorité des membres présents à Salala, représentants touaregs y compris, est parvenue à un consensus sur les questions en suspens. Le 6 avril, tous les membres présents de l'Assemblée constituante, à l'exception des deux représentants tébou, ont signé un document consensuel reprenant les articles qui avaient fait l'objet d'un accord.

30. L'Assemblée constituante s'est à nouveau réunie à Beïda le 10 avril afin de modifier son règlement intérieur et en particulier les points relatifs au quorum et aux procédures régissant le vote d'une nouvelle version du projet de constitution. Si certains membres ont continué de boycotter le processus, une majorité a voté en faveur de la nouvelle version du projet de constitution le 19 avril.

IV. Autres activités de la Mission d'appui des Nations Unies en Libye

A. Appui électoral

31. Au cours de la période à l'examen, l'Équipe des Nations Unies pour l'appui électoral, gérée conjointement par la MANUL et le PNUD, a continué à travailler avec la Haute Commission électorale nationale à la planification d'activités visant principalement à renforcer les capacités techniques de la Commission : il s'agit essentiellement de préparer les prochaines échéances électorales et de sensibiliser les principaux décideurs aux questions électorales et de renforcer leurs connaissances en la matière. L'Équipe a continué à faciliter les contacts entre la Commission et les institutions homologues dans la région arabe et à coordonner les efforts des acteurs internationaux dans le domaine électoral. En outre, l'équipe a fourni des conseils techniques dans le cadre des débats sur la rédaction de la Constitution, qui se sont déroulés sous les auspices de l'ONU.

B. Droits de l'homme, justice transitionnelle et état de droit

32. Toutes les parties au conflit en Libye ont continué à commettre des violations du droit international des droits de l'homme et du droit international humanitaire ainsi que des atteintes aux droits de l'homme, dont certaines pourraient constituer des crimes de guerre; les civils ont subi les conséquences des combats prolongés et de violations découlant de la débâcle des institutions. Tout au long de la période considérée, la MANUL a recensé des cas d' homicides, des enlèvements, des prises d'otage, des disparitions forcées, des actes de torture et des attaques visant des défenseurs des droits de l'homme, des journalistes et des blogueurs; il y a peut-être eu aussi des attaques aveugles perpétrées contre des civils.

33. La MANUL a également appuyé la mission d'enquête menée par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme en application de la résolution 28/30 du Conseil des droits de l'homme. Dans le rapport issu de cette enquête |1|, qui a été présenté au Conseil en mars, le Haut-Commissaire a décrit un vaste éventail de violations et d'atteintes aux droits commises par toutes les parties au conflit et formulé un certain nombre de recommandations, en mettant particulièrement l'accent sur l'application du principe de responsabilité et le rétablissement de l'appareil judiciaire libyen.

34. Au cours de la période considérée, la MANUL a par ailleurs lancé un projet visant à publier des recensements mensuels des victimes civiles. La majorité des victimes recensées par la Mission étaient imputables à des bombardements ou à des tirs à l'arme à feu. On a également signalé des attaques contre des sites protégés par le droit international humanitaire. Ainsi, au moins six civils ont été tués ou blessés dans des hôpitaux. Le 23 mars, une infirmière a été blessée lors de tirs croisés dans la salle d'attente du centre médical de Benghazi, et le 24 mars, une infirmière et son fils de deux ans ont été tués dans leur sommeil dans leur appartement situé dans le complexe de l'hôpital de Zaouiya. Des affrontements entre groupes armés rivaux survenus dans le voisinage de l'hôpital de Sabha le 31 mars et le 3 avril ont tué trois civils, ainsi qu'un gardien de l'hôpital et un combattant.

35. Le nombre le plus élevé de victimes civiles a été relevé à Benghazi. L'augmentation du nombre de victimes imputables aux restes explosifs de guerre, en particulier parmi les personnes déplacées dans leur propre pays qui retournaient chez elles, y compris des enfants, est un sujet de préoccupation majeure. Des civils ont également signalé des attaques délibérées contre leurs biens menées aussi bien par la Choura des révolutionnaires de Benghazi que par l'opération Dignité, et notamment des cas de maisons brûlées et pillées. Un certain nombre de civils ont été piégés dans les zones de Benghazi touchées par les conflits, notamment les quartiers de Qanfouda, Qaouarsha et Marissa. Les parties au conflit n'ayant pas organisé l'évacuation en toute sécurité de ceux qui voulaient quitter ces zones, les civils se sont retrouvés en grand danger. Trois Bangladais et un Pakistanais ont été tués par balle le 25 mars tandis qu'ils tentaient de fuir le quartier de Qaouarsha.

36. En mars, l'intensification des combats à Zaouïa s'est soldée par la mort de cinq civils, dont trois enfants. Des centaines de familles ont dû quitter leurs maisons pour chercher refuge dans des zones plus sûres. Plusieurs maisons, biens et entreprises ont été détruits ou endommagés au cours des combats ou par des groupes armés ciblant leurs adversaires.

37. Au cours de la période considérée, la MANUL a également recensé 18 exécutions de personnes retenues en captivité. Le 20 mars, suite à une décision d'un tribunal de la charia autoproclamé de Derna, la Choura des moujahidin de Derna a exécuté huit hommes soupçonnés d'être des partisans de groupes affiliés à l'EIIL. Le 24 mars, des groupes armés de Warchefana ont enlevé six hommes chez eux à Toubiya avant de les exécuter. Les corps portaient des traces de torture. À Syrte, entre le 25 et le 28 mars, des groupes affiliés à l'EIIL ont exécuté au moins cinq hommes, sous prétexte de trahison.

Enlèvements et torture

38. Dans toute la Libye, les groupes armés ont continué d'enlever des civils. Certaines personnes ont été prises pour cibles en raison de leur appartenance familiale ou tribale, ou encore de leur affiliation politique. D'autres ont été enlevées en vue d'une demande de rançon ou d'un échange de prisonniers.

39. Trois enfants d'une même famille de Sorman, enlevés au début du mois de décembre 2015, sont encore retenus captifs. Par ailleurs, le corps d'un garçon de 11 ans portant des traces de torture a également été retrouvé à Tripoli fin février; l'enfant avait été enlevé par un groupe armé. Sa famille n'aurait pas payé la rançon qui lui avait été demandée.

40. La MANUL a également eu connaissance de cas de privation de liberté et d'actes de torture commis dans l'ensemble du pays, y compris dans certaines sections du centre de détention de Mitiga à Tripoli, qui est placé sous le contrôle de la Force spéciale de dissuasion, dans le centre de détention d'Abou Salim et dans les centres de détention contrôlés par d'autres groupes armés à Tripoli. D'autres violations et atteintes du même ordre ont été signalées dans des centres de détention de Beïda, Bani Walid, Benghazi, Khoms, Marj, Warchefana et Zintan.

41. Les détenus se voyaient fréquemment refuser l'autorisation de recevoir la visite de membres de leur famille et d'avocats et ils étaient soumis à des actes de torture et à d'autres types de mauvais traitements. La MANUL a recensé quatre cas de décès survenus à la suite d'un enlèvement par des groupes armés à Bani Walid, Khoms, Tripoli et Zintan. Dans tous les cas, les corps des victimes portaient des traces de torture. À Tripoli, la victime semble avoir été prise pour cible en raison de son identité ethnique et tribale. Le 21 mars, des groupes armés de Misrata, basés à Khillet el-Firjan à Tripoli, auraient enlevé un homme âgé de 26 ans originaire de Taourgha, dont le corps couvert d'ecchymoses et de contusions a ensuite été retrouvé à la morgue de Tripoli.

42. Les femmes ont également été prises pour cibles par les groupes armés. À Benghazi, une femme de 65 ans est détenue de façon arbitraire depuis 11 mois, sans qu'aucune charge n'ait été retenue contre elle, en raison des liens présumés que ses enfants entretiendraient avec la Choura des révolutionnaires de Benghazi.

Groupes en situation de vulnérabilité

43. Les migrants, les demandeurs d'asile et les réfugiés continuent de subir toutes sortes de violences, notamment des actes de torture et de maltraitance dans des lieux de détention contrôlés par le Département de la lutte contre la migration illégale ou par des groupes armés. Ils sont souvent détenus dans des cellules surpeuplées, sans bénéficier d'air frais, de sanitaires, d'une literie, de nourriture et de soins médicaux adéquats. Beaucoup sont battus et contraints au travail forcé.

44. Des enfants ont continué d'être victimes d'homicides illégaux, d'enlèvements et de détention arbitraire, et ont compté aussi parmi les victimes civiles des combats. Dans les lieux de détention, les enfants se retrouvaient souvent détenus avec des adultes et non pas séparément comme le prescrit le droit international des droits de l'homme. Les femmes sont souvent victimes d'enlèvements ou de détentions arbitraires commis par des groupes armés qui les ciblent en raison de l'affiliation de membres de leur famille. Les femmes étaient fréquemment détenues dans des lieux où il n'y avait que des gardiens hommes.

45. Au cours de la période à l'examen, les enlèvements de militants et les agressions violentes à leur encontre se sont poursuivis. Le 8 mars, un militant politique a été enlevé à Benghazi, interrogé et apparemment brutalisé avant d'être relâché une semaine plus tard. Le 17 mars, Abdul Basit Abu -Dahab, une figure de la défense des droits de l'homme, a été assassiné à Derna au moyen d'un engin explosif improvisé placé sous son véhicule. On est sans nouvelles des trois blogueurs enlevés à Benghazi le 28 mars. Un autre blogueur a été enlevé à Tripoli par deux groupes armés le 30 mars et détenu pendant quatre jours. Il aurait été torturé par ses ravisseurs, qui lui ont notamment fait subir des mutilations infligées par un chien.

46. Le 30 mars, 12 hommes lourdement armés ont attaqué les locaux de la station de télévision Al-Nabaa. Ils ont menacé le personnel, brutalisé au moins un employé et exigé la fermeture de la station. Le 3 avril, la station a été la cible d'une seconde attaque menée à l'aide d'explosifs et d'armes à feu, qui ont causé de graves dégâts dans les locaux, mais elle a cependant recommencé à émettre.

Justice transitionnelle

47. Dans le cadre des efforts déployés par le Comité conjoint de dialogue Misrata -Taourgha pour mettre en œuvre le plan d'action du 18 décembre 2015, la MANUL et le PNUD ont aidé les membres du Comité à se réunir deux fois au cours de la période à l'examen. Le repérage non technique visant à déterminer les niveaux de pollution par les mines et autres restes explosifs de guerre à Tamina, Karzaz, Kararem et Taourgha a progressé. Cependant, les travaux de repérage à Taourgha ont été suspendus début mars après que des groupes armés de Misrata ont refusé de continuer d'assurer la sécurité. Au cours d'une seconde réunion, le Comité conjoint a examiné les bonnes pratiques mises en œuvre dans les programmes de réparations menés ailleurs dans le monde et a commencé à travailler sur les détails de son propre programme.

Systèmes judiciaire et pénitentiaire

48. Vingt-quatre prisonniers, dont des criminels de droit commun et des personnes détenues pour des raisons liées au conflit, ont réussi à s'échapper d'une prison de Zlitan le 16 mars, à la suite d'une attaque à la roquette. Sept d'entre eux ont été repris. Les importants dégâts causés aux installations ont entraîné la fermeture de la prison et le transfert des détenus restants à Misrata.

49. Le 1er avril, à Zawiyat, 4 détenus du centre de détention d'El -Nasr, qui est administré par le Département de la lutte contre la migration illégale, ont été abattus et 20 autres blessés par balles à l'occasion, semble -t-il, d'une tentative d'évasion. Un gardien a également été blessé. Ces événements ont mis en lumière la situation désespérée et très préoccupante des migrants, des demandeurs d'asile et des réfugiés en Libye, notamment en ce qui a trait à leurs conditions de détention et à la durée de celle-ci.

50. La persistance des combats et de l'insécurité ont continué d'entraver le fonctionnement des tribunaux, en particulier à Benghazi, Derna et Syrte.

C. Secteur de la sécurité

Appui au plan libyen concernant les dispositions de sécurité transitoires

51. L'un des principaux axes de l'action de la MANUL en matière de sécurité a été l'appui apporté au Comité temporaire de sécurité en vue de l'élaboration du plan de mise en œuvre des dispositions de sécurité transitoires énoncées dans l'Accord politique libyen. Il est notamment question de la mise au point d'un plan d'action d'ensemble destiné à faciliter l'arrivée à Tripoli du Conseil de la présidence, de l'appui de la communauté internationale aux institutions libyennes chargées de la sécurité et de la promotion d'un cessez-le-feu à l'échelle nationale, y compris à Benghazi.

52. Conformément à sa stratégie de collaboration concernant les dispositions de sécurité transitoires, et en coordination avec le Comité temporaire de sécurité, la MANUL a consulté des acteurs très divers du secteur de la sécurité en Libye. Les discussions ont porté entre autres sur l'élaboration d'un code de conduite régissant le comportement des groupes armés, la cartographie de la localisation des forces de police et des unités militaires capables d'assurer la protection des membres du Conseil de la présidence et du Gouvernement d'entente nationale, et la mise au point d'un modèle en vue de la création d'une garde présidentielle. Après l'arrivée du Conseil de la présidence à Tripoli, la MANUL lui a fourni des conseils stratégiques concernant les structures de commandement et de contrôle et les étapes de la mise en œuvre des dispositions de sécurité transitoires.

53. En parallèle, la MANUL a collaboré avec la communauté internationale pour définir les modalités possibles d'un appui international aux institutions libyennes chargées de la sécurité. Elle a ainsi participé à une conférence tenue le 15 mars à Rome sur la formation et l'encadrement de l'armée et de la police libyennes, qui pourraient éventuellement être assurés par la communauté internationale si les autorités libyennes en faisaient la demande. La MANUL continuera d'aider le Comité temporaire de sécurité et le Conseil de la présidence à recenser en détail les besoins pressants, dont la liste sera communiquée à la communauté internationale pour examen immédiat.

54. Une équipe restreinte de la MANUL s'est rendue plusieurs fois à Tripoli en avril pour s'entretenir avec des membres du Conseil de la présidence et du Comité temporaire de sécurité des mesures nécessaires à la poursuite de la mise en œuvre à Tripoli des dispositions de sécurité transitoires, notamment la création d'un mécanisme de contrôle qui permette de s'assurer que les groupes armés respectent leurs obligations au titre de l'Accord politique et l'élaboration et la mise en œuvre d'un plan visant à faire assurer la sécurité des principaux ministères et d'autres sites stratégiques par des unités régulières de la police et de l'armée.

Gestion des armes et des munitions

55. Dans le cadre des efforts déployés pour résoudre le grave problème de la prolifération des armes et munitions non protégées, qui touche l'ensemble de la Libye, et de ses conséquences pour la région du Sahel, le Service de la lutte antimines de l'ONU a finalisé ses propositions relatives à l'élaboration d'un document-cadre régissant la gestion des armes et des munitions en Libye, qui sera soumis à l'examen du Gouvernement d'entente nationale. Au cours de la période considérée, le Service a également organisé une formation de sensibilisation aux risques des armes légères et de petit calibre à l'intention des Libyennes.

D. Autonomisation des femmes

56. La MANUL a continué d'encourager la participation des femmes au processus politique. Le 10 mars, la Mission a célébré la Journée internationale de la femme en réunissant plus de 30 Libyens et Libyennes pour débattre de l'autonomisation des femmes et en particulier de leur rôle dans la promotion de la paix.

57. La MANUL et le PNUD ont conjointement appuyé la participation, du 19 au 25 mars, de six Libyennes à la soixantième session de la Commission de la condition de la femme, qui s'est tenue à New York. Les participantes libyennes représentaient la Chambre des députés, le Congrès général national, les participants au dialogue politique et la société civile. En collaboration avec les Pays-Bas et la Suisse, la MANUL a organisé le 23 mars, en marge de la session, une manifestation sur la Libye à laquelle ont participé plus de 60 représentants des missions des États Membres, de la Ligue des États arabes, de l'Union africaine et des organismes des Nations Unies.

58. La MANUL a également continué de promouvoir l'insertion dans le projet de constitution de dispositions relatives à la problématique hommes-femmes, notamment en facilitant l'organisation de réunions entre des militantes libyennes des droits des femmes et des membres de l'Assemblée constituante. Ces réunions ont donné aux Libyennes l'occasion de donner leur avis, notamment sur les systèmes de quotas électoraux et le droit des Libyennes mariées à des ressortissants d'autres pays de transmettre leur nationalité à leurs enfants.

E. Coordination de l'aide internationale

59. L'arrivée à Tripoli du Conseil de la présidence a donné un nouvel élan à l'action menée par l'Organisation en vue de coordonner l'aide internationale fournie à la Libye. Le 31 mars, la MANUL, en partenariat avec le PNUD, le Fonds monétaire international et le Groupe de la Banque mondiale, a organisé à Tunis le troisième Forum d'experts libyens pour la coopération en matière de développement. Les discussions ont essentiellement porté sur les moyens de s'attaquer à certains des questions urgentes que doit régler la Libye : la dégradation du statut des femmes et leur effacement progressif de la vie publique, la nécessité de donner plus de moyens d'agir à la société civile, la radicalisation de la jeunesse et l'élaboration d'un programme national pour le développement intégré de la Libye.

60. Le 12 avril, l'Organisation et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord ont organisé à Tunis une réunion de hauts fonctionnaires pour examiner l'appui international à fournir au Gouvernement d'entente nationale. Lors de cette réunion, un accord a été trouvé quant à la mise en œuvre de la structure de coordination de l'aide internationale en Libye proposée, qui reflète la vision présentée par le Conseil de la présidence du Gouvernement d'entente nationale et qui instaure un mécanisme de collaboration pour la fourniture rapide d'un appui international respectueux des priorités nationales, notamment : le rétablissement de la sécurité et de la stabilité; la démobilisation, le désarmement et la réintégration des combattants, priorité essentielle à moyen terme; le relèvement économique, y compris le renforcement du rôle du secteur privé; l'instauration d'une gouvernance sans exclusive aux niveaux national et local; et la reprise de la fourniture des services de base.

61. Le projet de Fonds de stabilisation pour la Libye du PNUD a été dévoilé le 12 avril en présence du Ministre pressenti de la planification dans le Gouvernement d'entente nationale, d'un haut représentant du Gouvernement allemand et de représentants de 47 autres États Membres et organisations internationales. Ce projet vise à aider le Gouvernement d'entente nationale à mobiliser de plus larges soutiens au sein de la population grâce à des interventions rapides et produisant des résultats tangibles, comme par exemple la réhabilitation d'infrastructures essentielles, la restauration des services municipaux essentiels et l'amélioration de la collaboration entre le Gouvernement central et les municipalités. Depuis la présentation du projet, les contributions promises par les États Membres ont atteint 30 millions de dollars sur une période de deux ans.

62. Dans le cadre des efforts déployés pour renforcer les capacités des organisations de la société civile qui appuient la transition démocratique en Libye, le PNUD a fourni en février une assistance technique à une initiative portant sur la sensibilité aux conflits qui vise à créer en Libye un « groupe d'influence » qui agisse en tant qu'instance centrale produisant une analyse commune du conflit, laquelle orienterait l'action de l'Organisation et de la communauté internationale en Libye s'agissant des problèmes liés au fonctionnement du Gouvernement, au redressement du pays et à la transition après le conflit.

F. Assistance humanitaire

63. Le Plan d'aide humanitaire pour la Libye continue de manquer cruellement de fonds. En conséquence, la communauté humanitaire est restée dans l'incapacité de répondre pleinement aux besoins en Libye. Ce plan, lancé en novembre 2015, n'avait reçu au 30 avril que 18,2 % du financement nécessaire, soit 30 millions de dollars au total. Les crédits alloués par le Fonds central pour les interventions d'urgence représentaient 12 millions de dollars de ce total et portaient sur 12 projets. Les partenaires humanitaires nationaux et internationaux opérant en Libye ont tenu leur deuxième réunion le 30 mars à Tunis et débattu essentiellement des lacunes constatées et des difficultés rencontrées dans la mise en œuvre du Plan d'aide humanitaire, des principaux mécanismes de coordination et de l'amélioration des interventions grâce à l'établissement de partenariats.

64. D'après des chiffres fournis par l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), on a recensé 331 662 déplacés en Libye (Benghazi exceptée) auxquels viennent s'ajouter 150 362 rapatriés et 142 370 migrants. D'après des chiffres officiels communiqués par la municipalité, la ville de Benghazi abriterait 180 000 déplacés.

65. Malgré la pénurie de crédits, les organismes des Nations Unies ont continué à fournir des secours et une assistance humanitaires d'urgence pendant la période considérée. Le Programme alimentaire mondial a fourni des vivres à 59 100 personnes, pour la plupart des personnes déplacées. L'Organisation mondiale de la Santé (OMS) a acheminé des quantités considérables de médicaments et de matériel de survie à Baida, Benghazi, Tripoli et Zliten. Du matériel de traumatologie et des médicaments antirétroviraux d'urgence ont été livrés en fonction des besoins et sur la base des chiffres communiqués par le Ministère libyen de la santé. De plus, l'OMS a fourni 5 trousses de médicaments antidiarrhéiques, 20 trousses sanitaires d'urgence interinstitutions et 3 trousses de traumatologie, qui ont permis de traiter 27 000 patients en état critique. Des antipaludéens et des médicaments destinés au traitement de la leishmaniose ont été fournis et 10 000 sacs de transfusion sanguine étaient en cours d'envoi à Benghazi. En collaboration avec l'OMS et le Ministère de la santé, le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) a livré 1,5 million de doses de vaccin antipolio avant la campagne de vaccination qui a débuté le 16 avril et ciblé plus de 1,2 million d'enfants.

66. L'UNICEF a permis à 593 enfants de participer à des programmes de protection de l'enfance et d'appui psychosocial structurés, durables et réalisés à l'échelon de la collectivité dans des lieux fixes ou mobiles adaptés aux enfants. De plus, les partenaires d'exécution appuyés par l'UNICEF ont distribué du matériel récréatif à 453 enfants en Libye. Fin février, l'UNICEF et le conseil municipal de Zintan sont convenus d'établir un comité directeur conjoint afin d'élaborer un plan complet aux fins de la libération, de la réadaptation et de la réinsertion des enfants engagés dans le conflit armé.

67. Au 13 avril, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) avait recensé 237 réfugiés de plus par rapport à la fin février, ce qui porte à 37 000 le nombre total des réfugiés et des demandeurs d'asile enregistrés. On estime qu'environ 100 000 réfugiés et demandeurs d'asile se trouvent en Libye; il s'agirait pour moitié de ressortissants syriens, et pour l'autre de Palestiniens, de Somaliens, de Soudanais, d'Érythréens et d'autres nationalités. Les partenaires du HCR ont continué à se rendre dans des centres de détention à Tripoli et dans les environs pour fournir une assistance médicale. Plus de 1 500 personnes ont bénéficié de consultations médicales en mars. En avril, les garde-côtes libyens ont procédé au sauvetage de plus de 550 personnes, qui ont débarqué à Zaouïa et à Tripoli, où les partenaires du HCR ont fourni une assistance.

68. L'OIM indique qu'entre le 26 février et le 14 avril, 15 082 migrants ont atteint les côtes européennes en empruntant le couloir central de la mer Méditerranée. Sept cent trente-cinq migrants ont trouvé la mort au cours de la traversée. L'OIM a facilité le rapatriement de 347 migrants au Bangladesh, au Burkina Faso, au Mali, au Nigéria, en République démocratique du Congo, en Sierra Leone et au Togo. Elle a distribué 1 838 trousses d'articles non alimentaires et 1 904 trousses d'hygiène à des migrants se trouvant dans des centres de détention et à d'autres personnes sauvées en mer actuellement placées dans des centres de détention à Zaouïa et à Abou Salim.

69. L'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) a poursuivi son intervention d'urgence destinée à lutter contre l'épidémie de grippe aviaire en renforçant les services vétérinaires en Libye. Elle s'efforçait également de fournir une assistance d'urgence à l'Office libyen de l'agriculture pour lutter contre le problème croissant que constitue la propagation du charançon rouge du palmier.

70. Suite à des allégations faisant état de dommages causés au patrimoine culturel, de destruction de monuments et de fouilles illicites en Libye, l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO), œuvrant en coopération avec l'Institut des Nations Unies pour la formation et la recherche, a continué à aider le service des antiquités libyen à surveiller les sites du patrimoine mondial grâce à l'imagerie satellite. L'UNESCO a également contribué au renforcement des capacités des établissements culturels libyens en ce qui concerne la préparation aux risques et les mesures de sécurité à appliquer dans les sites et musées exposés et menacés.

V. Déploiement de la Mission d'appui des Nations Unies en Libye et dispositions en matière de sécurité

71. Le montant total des crédits approuvés pour la MANUL pour 2016 s'élève à 41 181 500 dollars. Le budget prévoit un tableau d'effectifs comprenant 195 postes et 2 postes de Volontaires des Nations Unies. Compte tenu de la situation en matière de sécurité en Libye, le personnel de la MANUL recruté sur le plan international est resté déployé à Tunis, où se trouve le quartier général temporaire de la Mission. Au 31 mars, 125 agents de la MANUL recrutés sur le plan international, 3 membres du personnel détachés par les gouvernements et 2 Volontaires des Nations Unies étaient déployés à Tunis et 29 autres agents recrutés sur le plan national se trouvaient en Libye. La Mission disposait en outre de trois fonctionnaires recrutés sur le plan international et d'un agent des services généraux au quartier général et de quatre autres membres du personnel au Centre de services mondial à Brindisi.

72. Dans sa résolution 2273 (2016), le Conseil de sécurité a estimé que la MANUL devait rétablir sa présence en Libye, qu'il fallait prendre les dispositions en matière de sécurité requises à cette fin et m'a prié de lui faire rapport à ce sujet. Depuis le 30 mars, la Mission a établi des liaisons aériennes régulières entre Tunis et Tripoli et d'autres villes de Libye. Cela a facilité la présence continue dans le pays de personnel de la MANUL, lequel s'emploie essentiellement à appuyer le Conseil de la présidence ainsi que son Comité temporaire de sécurité. Si cette action a été vitale pour appuyer le Conseil de la présidence et ses efforts visant à établir sa présence dans la capitale et à traiter des affaires urgentes de l'État, la Mission n'a pas été en mesure de rouvrir son bureau de Tripoli et de redéployer en permanence du personnel sur le terrain. Tel est encore le cas, bien que le Conseil de la présidence ait demandé à maintes reprises que la MANUL soit immédiatement réimplantée à Tripoli.

73. Comme je l'ai déjà noté, la situation en matière de sécurité demeure essentiellement instable et l'on constate de graves incidents liés au conflit armé et au terrorisme. L'EIIL, en plus de lancer des attaques surprises contre les installations pétrolières dans la région centrale, a recouru récemment à des attaques au cours desquelles des engins explosifs improvisés ont été utilisés et des attentats-suicides au moyen de véhicules piégés ont été perpétrés. L'activité criminelle constitue également une source importante de préoccupation, avec des cas de piraterie routière et des enlèvements de personnes contre rançon. Cette situation engendre des risques notables pour la population locale et pour les populations provenant d'autres régions présentes en Libye et complique sérieusement les opérations de l'ONU sur le terrain.

74. Dans mon précédent rapport, en date du 25 février 2016 (S/2016/182), j'ai indiqué au Conseil de sécurité qu'une mission d'évaluation des besoins s'était rendue à la MANUL du 11 au 16 janvier. Cette mission a recommandé des dispositions spécifiques et nécessaires en matière de sécurité afin de permettre le rétablissement de la présence de l'ONU à Tripoli, dans des conditions de sûreté et de sécurité. L'une des priorités est le déploiement d'une équipe de sécurité de l'ONU de bonne taille et armée, condition préalable au retour permanent à Tripoli de mon Représentant spécial, d'autres hauts fonctionnaires de l'ONU et de leurs équipes. Il faudra aménager les locaux de la MANUL à Tripoli et en moderniser le dispositif de sécurité et les infrastructures, ce qui nécessitera d'accroître les ressources humaines affectées aux fonctions d'appui à la Mission. De plus, la MANUL réorganise actuellement son dispositif de sécurité en vue d'optimiser l'utilisation des ressources existantes tout en veillant à sécuriser les opérations de plus en plus fréquentes et complexes qu'elle mène dans le pays.

75. Dans ce contexte, la MANUL a sollicité une autorisation d'engagement de dépenses de 10 millions de dollars environ, pour obtenir les ressources nécessaires. Toutefois, si l'on veut que ces efforts se poursuivent, il faudra nettement augmenter les ressources et l'appui logistique dont dispose la Mission, à mesure que le processus de retour en Libye de la Mission s'accélérera.

76. Un processus de planification a été entrepris en coordination avec le Siège pour faciliter l'application rapide des recommandations formulées à l'issue de la mission d'évaluation des besoins et appuyer la prochaine phase de l'action de l'Organisation en Libye, aussi bien pour la MANUL que pour les équipes humanitaires et l'équipe de pays. Ce processus sera crucial pour assurer une approche coordonnée et obtenir les ressources et l'appui nécessaires pour faciliter l'action de la Mission pendant la période critique à venir.

77. L'objectif essentiel de l'Organisation en Libye consiste toujours à mener à bien la transition démocratique moyennant la mise en œuvre de l' Accord politique libyen. Compte tenu de l'évolution de la conjoncture politique et des conditions de sécurité en Libye, la MANUL continuera à examiner l'assistance qu'elle doit fournir dans le cadre de son mandat, en particulier en ce qui concerne le processus politique et les dispositions en matière de sécurité. Il faudra également prendre en compte les perspectives à plus long terme, en mettant l'accent sur la réconciliation nationale et la prévention des conflits et en s'intéressant davantage à l'appui fourni s'agissant des dispositions en matière de sécurité, notamment aux efforts consentis pour appuyer et conseiller les autorités libyennes dans ce domaine et coordonner l'assistance qui leur est fournie. Cette vision devra également englober l'appui aux institutions essentielles, dont la Haute Commission électorale nationale et l'Assemblée constituante. En outre, compte tenu de la dégradation de la situation, la MANUL devrait continuer à suivre la situation des droits de l'homme et à établir des rapports à ce sujet et à coordonner l'assistance fournie par la communauté internationale sur le plan humanitaire et en matière de développement.

78. Pour continuer à répondre efficacement aux besoins spécifiques en Libye, il pourra être nécessaire d'adapter des éléments du mandat de la Mission, en consultation avec les autorités libyennes. D'éventuelles modifications du mandat pourraient également entraîner des modifications de l'organisation actuelle de la MANUL et du niveau de ses effectifs. Je continuerai à tenir le Conseil de sécurité informé de la situation, alors que la MANUL progresse sur la voie de sa réimplantation en Libye et de l'évaluation de l' appui qu'elle fournira au cours de la prochaine phase de la transition démocratique de la Libye.

VI. Observations et recommandations

79. En dépit des progrès accomplis, la mise en œuvre intégrale de l'Accord politique libyen demeure freinée par de graves difficultés sur le plan politique et dans le domaine de la sécurité. Cela étant, il convient de rappeler aux dirigeants libyens que cet accord qu'ils ont signé il y a cinq mois reste le seul cadre de travail dont ils disposent pour mettre un terme au conflit et pacifier la Libye, et qu'il constitue également un plan d'action viable qui leur permettra de gérer le reste de la période de transition. C'est donc bien à eux, dirigeants de la Libye, qu'incombe au premier chef la tâche de faire avancer le processus politique. Je les engage à faire montre d'une détermination, d'un courage et d'une bonne volonté comparables à ceux dont ils ont fait preuve au cours du dialogue politique, afin de faciliter la mise en œuvre intégrale et sans conditions de l'Accord politique.

80. À cet égard, je prie instamment toutes les institutions créées par l'Accord politique de faire sans tarder et dans les délais prescrits le nécessaire pour exécuter les missions qui leur ont été confiées aux termes de l'Accord. Ce n'est qu'en gardant à l'esprit l'intérêt national supérieur de la Libye et en faisant preuve d'une volonté d'ouverture et de réconciliation que l'on peut raisonnablement espérer voir aboutir la mise en œuvre de l'Accord et faire en sorte que la période de transition permette de surmonter efficacement les difficultés immédiates et de jeter les bases de l'édification d'un État moderne et démocratique fondé sur la primauté du droit et le respect des droits de l'homme.

81. L'arrivée pacifique du Conseil de la présidence à Tripoli et le bon accueil qui lui a été réservé depuis montrent que le peuple libyen aspire ardemment à la paix et à la stabilité, et qu'il souhaite voir progresser l'action visant à mettre fin à la division politique et institutionnelle qui a mis l'État libyen sens dessus dessous. Le peuple libyen compte et exige que les nouvelles autorités fassent rapidement et significativement évoluer la situation dans le bon sens s'agissant des services de sécurité, du renforcement des institutions et des réformes ainsi que de la fourniture de services. Il est donc impératif que le Conseil de la présidence dialogue avec toutes les parties concernées, acteurs politiques et acteurs du secteur de la sécurité, et accélère l'action qu'il mène pour instaurer un climat propice lui permettant d'assumer ses responsabilités, conformément à l'Accord politique.

82. Comme les administrations précédentes, les nouvelles autorités de transition au pouvoir en Libye doivent faire face de toute urgence à un problème crucial, à savoir lutter contre la prolifération massive d'armes et le grand nombre de groupes armés actifs dans le pays. Bien qu'ils soient en théorie placés sous l'autorité de l'État, ces groupes continuent pour la plupart d'opérer en dehors du contrôle effectif de l'État et du Gouvernement libyens. Il est crucial que les autorités libyennes mettent en place un plan d'action viable qui permette à l'État d'exercer progressivement un monopole intégral sur l'usage de la force, comme énoncé dans les dispositions pertinentes de l'Accord politique. Ce plan doit organiser, entre autres choses, la mise en place d'institutions professionnelles chargées de la sécurité de l'État, la démobilisation et l'intégration ou la réintégration réussies des combattants et la mise en œuvre de programmes efficaces de réforme du secteur de la défense et de la police. Je sais gré aux États Membres de continuer à respecter les résolutions relatives à l'embargo sur les armes en Libye qu'a adoptées le Conseil de sécurité et de s'abstenir de contribuer aux hostilités armées, lesquelles pourraient sérieusement entraver les progrès sur le front politique et saper l'action du Conseil de la présidence du Gouvernement d'entente nationale.

83. Je reste profondément alarmé par la menace que continuent de faire peser sur la Libye et sur la région les groupes extrémistes et terroristes, et au premier rang d'entre eux l'EIIL. Au cours de la période à l'examen, le groupe n'a eu de cesse de consolider sa présence dans le pays, en tirant parti des divisions politiques et institutionnelles auxquelles ce dernier est en proie depuis deux ans, de la faiblesse des contrôles aux frontières et du réseau de groupes terroristes opérant dans les pays voisins de la Libye et dans l'ensemble de la région. Les tentatives répétées de l' EIIL de faire des incursions dans le Croissant pétrolier au cours de la période considérée doivent rappeler au Conseil de la présidence du Gouvernement d'entente nationale la nécessité d'agir immédiatement et collectivement pour guider la lutte contre cette menace et son élimination. L'Organisation des Nations Unies et la communauté internationale sont prêtes et déterminées à aider les autorités libyennes dans leur lutte contre ces groupes terroristes, qui sont mus par le désir de propager une culture de l'extrémisme, de la violence et de la destruction.

84. Bien que je me félicite des progrès accomplis dans la lutte contre les groupes terroristes à Benghazi, Derna et Sabrata, je note avec une vive inquiétude qu'il existe un risque d'hostilités armées entre les divers acteurs militaires en raison de l'absence d'un commandement et d'une structure militaires unifiés. À cet égard, le meilleur moyen de prévenir l'éclatement d'un conflit armé général en Libye, de restaurer la sécurité publique sur l'ensemble du territoire et de lutter contre le terrorisme est que le Conseil de la présidence prenne un engagement politique fort et que la communauté internationale s'efforce de son côté d'agir de façon unie et coordonnée.

85. Je suis particulièrement préoccupé par les victimes civiles que cause le conflit en cours dans le pays et par les informations faisant état d'attaques contre des infrastructures civiles, notamment des hôpitaux. Il incombe aux parties engagées dans les hostilités de prendre toutes les mesures nécessaires pour épargner la vie des civils, éviter que des civils soient blessés et des installations civiles endommagées, notamment des hôpitaux et d'autres établissements médicaux, et permettre que l'aide humanitaire soit acheminée sans entraves vers tous les lieux où elle est nécessaire.

86. Je demande également à toutes les parties de prendre des mesures fermes pour mettre fin à toutes les formes d'enlèvement motivées par des appartenances tribales, des liens familiaux ou des affiliations politiques, et de faciliter la libération immédiate et sans conditions de toute personne détenue pour de telles raisons, et de veiller par ailleurs à ce que les personnes privées de liberté soient traitées avec humanité. J'exhorte également les autorités libyennes à procéder avec toute la diligence voulue à une vérification des motifs judiciaires justifiant la détention de toutes les personnes qui sont actuellement privées de liberté afin que celles qui sont détenues illégalement puissent être relâchées et les autres traduites en justice dans le cadre d'une procédure régulière. Comme prescrit par l'Accord politique, il faut retirer aux groupes armés le pouvoir d'arrêter des personnes, de les interroger et de les placer en détention.

87. La violence et l'insécurité continuent d'avoir des effets dévastateurs sur la vie des personnes touchées par le conflit sur le territoire libyen. Lors des récents mouvements à l'intérieur du pays, les personnes déplacées tentant de rentrer chez elles ont été exposées au risque que posent les restes explosifs de guerre, notamment dans la région de Benghazi, où ces engins abondent. Les financements destinés aux programmes de lutte contre ces risques demeurent largement insuffisants. Je prie donc instamment la communauté internationale de contribuer au Plan d'aide humanitaire pour la Libye, qui établit un cadre permettant d'atténuer immédiatement les souffrances de millions de personnes qui ont besoin d'une assistance en Libye.

88. Le flot toujours plus abondant de migrants et de réfugiés qui depuis la Libye entreprennent la périlleuse traversée de la mer Méditerranée pour gagner l'Europe nous rappelle l'urgente nécessité de redoubler d'efforts pour prévenir les pertes de vies en mer qui peuvent être évitées et pour améliorer les conditions de vie des migrants en Libye, lesquels sont pour la plupart parqués dans des centres d'accueil surpeuplés et ne disposant pas de suffisamment de personnel. Les autorités libyennes et la communauté internationale doivent agir sans plus tarder pour traduire en justice les passeurs et les trafiquants et soutenir les programmes de protection humanitaire en Libye.

89. Pour maintenir l'élan politique actuel, il est crucial de donner à la MANUL les ressources nécessaires pour lui permettre de se réinstaller complètement dans la capitale libyenne et ailleurs. La stratégie de la famille des Nations Unies en Libye doit être fondamentalement dictée par les besoins et alignée sur les priorités du Gouvernement d'entente nationale, et la première étape doit être d'assurer l'institutionnalisation de l'autorité de ce dernier à Tripoli. Une fois que cette institutionnalisation sera lancée, l'action des Nations Unies devrait à l'avenir être orientée par un modèle général fondé sur la réactivité et la souplesse. Dans ce cadre, je compte sur les États Membres pour continuer à fournir à la MANUL les ressources financières et logistiques et les moyens de sécurité dont elle a besoin.

90. À cette fin, je recommande que le Conseil de sécurité proroge pour une durée de six mois le mandat qu'il a confié à la MANUL en tant que mission politique spéciale intégrée dans les domaines énoncés dans ses résolutions 2238 (2015) et 2273 (2016). Au cours de cette période, la MANUL pourra continuer à appuyer les autorités pendant qu'elles s'établissent dans le pays et s'entretenir avec elles des priorités autour desquelles devrait être organisée l'aide internationale. En outre, ce délai donnera à l'Organisation le temps d'élaborer un plan à plus long terme concernant la façon dont elle peut participer à la transition politique libyenne et l'appuyer et à la MANUL l'occasion de poursuivre ses efforts en vue de rétablir sa présence en Libye.

91. Je tiens à remercier les organisations régionales et les États Membres pour l'appui solide qu'ils ont apporté à l'action que mène l'Organisation en Libye en vue de la mise en œuvre de l'Accord politique. Je salue tout particulièrement les efforts déployés par le personnel de la MANUL et des organismes des Nations Unies en cette phase critique et je rends hommage à mon Représentant spécial, Martin Kobler, qui travaille sans relâche et avec un grand sens de l'initiative à aider les Libyens à relancer leur transition démocratique.


Notes :

1. A/HRC/31/CRP.3, disponible sur le site Web du Conseil des droits de l'homme. [Retour]


Bookshop Donate Radio Nizkor

Libya War
small logoThis document has been published on 15Jun16 by the Equipo Nizkor and Derechos Human Rights. In accordance with Title 17 U.S.C. Section 107, this material is distributed without profit to those who have expressed a prior interest in receiving the included information for research and educational purposes.