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26aoû14
L'urgence libyenne
Si rien n'est fait, la crise libyenne deviendra un vaste champ de désordre général qui risque d'empoisonner durablement la Méditerranée et le Sahel.
La Libye, un pays qui se somalise ? En proie à une inextricable crise sécuritaire sur fond de fragilité politique, Tripoli concentre tous les signaux d'une conflagration régionale. Les acteurs régionaux, dont l'Algérie, sont fortement sollicités pour agir et éviter que la crise interne ne devienne un conflit durable avec tous les dangers qu'il fait peser sur une région déjà précaire. Le pays pris dans l'engrenage d'une violence armée, sombre de plus en plus dans le chaos, alors qu'il devait prendre le chemin de la construction politique.
Depuis la chute du régime tribal d'El Gueddafi à la suite d'une insurrection populaire suivie d'une intervention militaire de l'OTAN, la Libye a fait un grand saut dans le vide. Installée dans une guerre civile, elle risque la partition. L'urgence libyenne appelle un diagnostic juste pour ne pas se tromper de solutions à préconiser.
L'option d'une intervention militaire à laquelle l'on veut pousser les pays voisins de la Libye n'est pas souhaitable. Ses conséquences seraient encore plus désastreuses. La mise en place d'un processus politique sérieux pouvant amorcer une transition moins coûteuse est l'option la mieux indiquée.
Trou noir
Il est vrai que la mission est délicate dans un pays dangereusement fragmenté en raison d'un fort soubassement tribal. C'est une tâche extrêmement difficile dans un pays où tout est faire à partir du néant. La Libye est soumise à une intenable et violente lutte entre clans tribaux et milices armées rivales pour la prise du pouvoir menant vers le contrôle des richesses du pays.
Si certains observateurs s'emploient à ramener la crise à un conflit de nature idéologique, d'autres plus lucides jugent que la situation est d'une extraordinaire complexité aux multiples belligérants. Les clivages idéologiques apparaissent accessoirement secondaires ou du moins ils ne sont pas l'essence de la crise.
Le chaos sécuritaire dominant empêche les acteurs politiques à mettre en place des institutions solides pouvant servir de socle pour l'émergence d'un Etat. Mises sous l'éteignoir durant le règne despotique du colonel Mouammar El Gueddafi, les principales tribus libyennes lourdement armées ressurgissent et se mettent en mouvement pour la conquête du pouvoir. Les milices qui se sont emparées de l'arsenal militaire d'El Gueddafi qui font régner la terreur apparaissent aujourd'hui comme les principales forces qui fixent les règles du jeu. Elles se livrent une guerre acharnée et violente pour la prise du pouvoir et le contrôle des richesses du pays.
Leur capacité de nuisance est telle que le Parlement élu et le gouvernement provisoire sont réduits à de simples appareils sans réelle emprise politique sur la situation. L'escalade de ces derniers jours avec des raids aériens énigmatiques enfonce encore plus le pays dans l'irréparable.
Les appels internes et externes au désarmement des milices solidement organisées ne trouvent pas écho. En l'absence de mouvements politiques et sociaux capables d'impulser au pays une dynamique politique qui sécrète ses propres organisations, les milices armées doublées à leur droite par des groupes djihadistes refusent d'adhérer à une démarche politique pouvant mettre la Libye sur le chemin institutionnel.
Elles sont dans la même logique qui a prédominé durant le règne d'El Gueddafi. Elles sont dans une impitoyable compétition si ce n'est pas pour le contrôle du pays en entier, c'est pour s'emparer des territoires pouvant leur permettre de négocier leur part du pouvoir.
Les acteurs politiques sont difficilement identifiables et quand ils le sont, leur légitimité est fortement contestée, comme c'est le cas en ce moment avec la polémique entre le gouvernement et l'Assemblée nationale sortante. La Libye se rapproche redoutablement de la Somalie. Le péril n'est pas loin. Si rien n'est fait, elle deviendra un vaste champ de désordre général qui risque d'empoisonner durablement la Méditerranée et le Sahel.
[Source: Par Hacen Ouali, El Watan, Alger, 26aoû14]
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