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04mai17

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Le ministre Luis Alberto Sánchez fait du droit à la consultation une mascarade


Le ministère des Hydrocarbures a été très critiqué pour sa réaction en relation avec, d'une part, la marche de protestation des paysans de la zone protégée de Tariquía, dont le nom officiel est "Réserve nationale de flore et de faune de Tariquía", contre l'exploitation des gisements d'hydrocarbures sur ce territoire, et d'autre part, le processus juridique de consultation pour le projet "Jaguar X6 du bloc Huacareta", effectué à Entre Ríos (Tarija), qui concerne lui aussi des paysans.

Le ministre avait pour devoir de protéger les caractéristiques de ce qu'on appelle la consultation préalable, qui sont déterminées par la Constitution politique de l'État, la Convention nš 169 de l'OIT, la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et même par la Cour constitutionnelle bolivienne dans son arrêt 2003/2010-R du 25 octobre 2010, qui servit de référence dans l'arrêt de la Cour interaméricaine des droits de l'homme du 27 juin 2012 dans l'affaire du Peuple Sarayaku en Équateur.

Pourtant, sa réaction s'inscrit dans le non-respect de la Constitution et des lois et, à la honte générale, dans la déconsidération des paysans pauvres qui ont toujours vécu dans la "Zone protégée de Tariquía", comme on l'appelle de manière euphémique.

Pour le ministre et sa cohorte de fonctionnaires satrapes, le fait qu'il s'agisse de paysans pauvres les place à l'endroit qui leur revient dans son imaginaire idéologique, où il n'existe que la marginalisation, le mépris et l'ignominie.

Entre janvier et la date de ce communiqué, le département responsable de la communication du ministère des Hydrocarbures (UCOMH) a fait la promotion de faits contradictoires, qui sont donc faux, en termes de logique formelle pure, ce qui implique la violation flagrante du principe de bonne foi. Ce qu'il a affirmé en janvier, il l'a nié en avril.

Alors qu'en janvier, en parlant de la Zone protégée de Tariquía, le ministère avançait "que rien n'a encore été concrétisé, c'est un processus de longue haleine", le 21 avril, il certifiait que l'exploration des gisements d'hydrocarbures avait été autorisée, avec l'intention évidente de déconsidérer et de désavouer les représentants de la "Grande marche, pas à pas pour la dignité". Tout ce que l'UCOMH a réellement fait a été de créer une "post-vérité", une vérité imaginaire que seul le pouvoir peut interpréter.

À Entre Ríos, avec le soutien du malveillant Walter Ferrufino, les agents du ministère ont confirmé que les autochtones guaranis sont en faveur du développement énergétique de Tariquía, alors que ce n'est pas du développement mais bien du droit à la consultation dont il est question, et que les Guaranis qui étaient présents ne résident pas sur le territoire de Tariquía.

Comme si cela ne suffisait pas, pour que la post-vérité soit intrinsèquement cohérente, ils ont profité du processus de consultation d'un autre projet, celui de Jaguar X6 du bloc Huacareta, qui n'a rien à voir avec Tariquía (il suffit de regarder une carte pour s'en rendre compte) et ont fait participé des autochtones guaranis du groupe des kapangas, qui n'habitent pas dans cette zone protégée et n'en font pas partie.

Tout ceci a eu lieu alors que les propos tenus par le vice-ministre Salinas étaient visibles sur la page web du ministère, selon laquelle la consultation avait été menée auprès des habitants du lieu concerné : "Salinas a précisé qu'un accord est conclu sur les thèmes socio-environnementaux avec les habitants des lieux directement touchés et que ce n'est pas quelque chose qui est imposé par l'entreprise. C'est pour cette raison que cela s'appelle 'processus de consultation et de participation', car les intéressés y participent et sont parties prenantes."

Cette déclaration a été faite via le département de communication le 21 janvier. Le 21 avril, le même vice-ministre Fernando Salinas, en compagnie du ministre Sánchez, se félicitaient de la "présence du peuple guarani", qui ne fait pas partie de la zone de Tariquía et n'a pas pris part à la consultation concernant Jaguar X6, puisque ce gisement pétrolier se trouve sur un territoire appartenant à des communautés paysannes.

Pour couronner le tout, le ministre des Hydrocarbures, à nouveau via le site web officiel, soulignait le 24 janvier 2017 : "'Grâce [au processus de] consultation et [de] participation mené à bien dans les communautés des zones concernées, ce sont elles qui décideront si l'activité exploratoire a lieu ou non. Si elles disent oui, l'exploration sismique a lieu. Si elles disent non, elle ne se fait pas, mais ce sont elles qui décident, pas ces personnes assises au coin de la place principale de Tarija et qui disent être de bons citoyens', a manifesté Sánchez."

Comme si cette ignominie ne suffisait pas, le docte et imaginatif vice-président García Linera a fait son apparition lors de l'acte public et transformé ce qui devait être un acte juridique de consultation préalable pour le projet Jaguar X6, manifestant que cette consultation concernait aussi la zone de Tariquía et proférant des choses extravagantes, par exemple, ceux qui s'opposent et protestent dans les rues de Tarija "sont ceux qui gagnent 5000 dollars par mois" et (crime infâme) "ont étudié à l'université".

Cela fait longtemps que García Linera a perdu les pédales, mais ces expressions racistes et classistes ne font que confirmer sa dérive intellectuelle et sa volonté de consolider le paradigme de la "post-vérité" contre les paysans pauvres qu'il considère, par exception, ignorants et indignes d'être éduqués.

Dans une démonstration digne d'un "acte de foi" inquisitorial, le ministre des Hydrocarbures Luis Sánchez déclarait le 21 avril à Entre Ríos : "L'équipe du ministère des Hydrocarbures a très honnêtement popularisé les implications du nouveau projet potentiel, et aujourd'hui les communautés ont dit oui au projet. Je suis tout à fait satisfait de voir que les habitants ont donné le feu vert au projet, comme de véritables Tarijeños et de véritables Boliviens. Oui, nous pouvons investir tout en conservant l'équilibre avec la Terre nourricière [...]".

Cependant, les habitants de Tariquía eux-mêmes avouaient que la condition pour pouvoir bénéficier du programmes de logement du gouvernement central était de ne pas mettre en doute l'"honnêteté" du ministère et de ne pas soutenir la "Grande marche" qui, selon la version de l'acte de foi, était composée de personnes manipulées par des ONGs ou des "pseudo-environnementalistes".

Ces paysans pauvres de Tariquía, parmi d'autres questions très fines, demandent au gouvernement présent sur place, pourquoi cela s'appelle "consultation préalable" si elle a lieu après la signature du contrat d'exploration et lui demandent s'il est prêt à respecter la décision du peuple si ce dernier dit non.

Signalons que cette coercition sociale pratiquée par l'État et que nous pourrions qualifier d'extorsion introduit un vice de nullité irrémédiable dans n'importe quel processus de consultation.

En fait, le gouvernement croit qu'avec de la propagande, des personnes embauchées pour être "leurs" représentants autochtones ou pour se déguiser en autochtone et danser devant les autorités lors des cérémonies diffusées à la télévision à travers le pays, il respecte les conditions nécessaires à la légalité d'un processus de consultation préalable.

À vrai dire, il agit de la même manière et utilise les mêmes pratiques néolibérales mises en place lors des processus de consultation à l'époque de la capitalisation, des joint ventures, sachant que la consultation préalable est d'application en Bolivie depuis 1991.

Une révision des études d'impact environnemental et des licences environnementales montre qu'il n'y a aucune différence substantielle par rapport à l'époque du président Goni. Une ancienne vice-ministre de Goni, Mme María Cristina Arellano de Frank, a même été directrice générale de gestion socio-environnementale du ministère des Hydrocarbures et de l'Énergie et en charge de la consultation sous le gouvernement actuel.

Aucun changement substantiel, donc. En revanche, nous voyons qu'il s'agit d'une démarche planifiée dénaturant le processus de consultation et le réduit à de simples échanges économiques.

Or noir contre perles de verre : voici la signification de la consultation pour le gouvernement actuel, comme il ressort du témoignage rendu le 21 avril par une des personnes consultées : "Freddy Tejerina, Corregidor de la communauté San Diego Sud, dans la province d'O'Connor du département de Tarija, a signalé que les processus de consultation et de participation mis en place par le ministère des Hydrocarbures sont importants car les habitants peuvent ainsi participer et donner leur opinion sur les projets qui pourraient être menés sur le territoire de leur communauté. 'Maintenant nous savons que la consultation et la participation nous permettent de prendre part au projet' a assuré M. Tejerina qui, tout comme les habitants de San Diego Sud, a pris part au processus de consultation et de participation pour le projet de perforation du puits d'exploration Jaguar X6, qui a eu lieu en ce mois d'avril et auquel les habitants ont apporté leur soutien."

Nous pourrions supposer que ce citoyen, occupant un poste dont l'origine remonte à l'époque coloniale et qui fait partie des paysans pauvres d'une région dans laquelle le système économique est celui de la subsistance, dit vrai. Mais ce n'est pas le cas ; monsieur le Corregidor n'a pas été pris de délire vice-royal. Il s'agit simplement de l'opinion imposée par le ministère des Hydrocarbures telle qu'elle ressort des dires du ministre Luis Alberto Sánchez : "Pendant son discours, le ministre a souligné que le gouvernement actuel respecte les règles et que pour chaque projet lié aux hydrocarbures, les communautés concernées sont consultées. 'Entre 2006 et 2016, 69 consultations ont été menées, une pour chaque projet. Ce sont les communautés qui décident en quoi va consister la compensation, si elles veulent des hôpitaux, des écoles. C'est facile pour ceux qui ont des routes, des hôpitaux, des écoles, de dire non à l'exploration. Sánchez a précisé que la main d'oeuvre qui devra être embauchée pour le développement du projet sera de la communauté de San Diego ou d'autres communautés proches. De la même manière, les environnementalistes qui prennent part au projet devront provenir du même secteur'".

Il n'y a pas de doute à avoir : le ministre Sánchez et sa cour de dirigeants cooptés, vice-ministres, assesseurs et autres, ont manqué à leurs obligations publiquement et de manière flagrante. Mais leurs actions resteront dans l'impunité car en Bolivie la justice ne fonctionne pas, comme le reconnaît le Président Evo Morales.

Heureusement pour eux, le néolibéralisme a créé le paradigme de la "post-vérité", dont la définition sied comme un gant à leurs discours.

[Source: Par Irandey Tupapire, Correspondant de Radio Nizkor, La Paz, Bolivie, 04mai17]

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