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17may11

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Mise à jour des informations sur les répercussions de la condamnation de Demjanjuk en Allemagne, en Espagne et aux États-Unis


Mis à jour régulièrement
4e mise à jour le mardi 24 mai 2011 (13:06 h. UTC/GMT +2 hours)

John Demjanjuk, ancien membre des SS Totenkopf, a été remis par les autorités américaines aux autorités allemandes et est arrivé à Munich le 12 mai 2009.

Le Parquet de Munich a formulé des charges à son encontre et un mandat d'arrêt a été émis en mars 2009, pour sa complicité dans l'assassinat d'environ 29.000 Juifs dans le camp de concentration de Sobibor, sous la Pologne occupée.

Au moment de sa remise à l'Allemagne en mai 2009, Radio Nizkor avait diffusé un programme dans lequel nous clarifiions certains points concernant les preuves existantes, la majorité d'entre elles indiscutables, et dans lequel nous présentions le passé de Demjanjuk en ce qui concerne ses activités dans plusieurs camps d'extermination nationaux-socialistes.

Le 19 juin 2008, plusieurs survivants et familles des victimes espagnoles du régime national-socialiste représentés par Equipo Nizkor ont introduit une plainte pénale devant la Audiencia Nacional de Madrid. La plainte a été jugée recevable par le Tribunal central d'instruction nº 2 de la Audiencia Nacional le 17 juillet 2008. Dans cette plainte sont dénoncés des faits qui constituent des crimes contre l'humanité commis contre des ressortissants espagnols et d'autres pays dans les camps nationaux-socialistes de Mauthausen, Sachsenhausen et Flossenbürg. Les plaignants demandaient l'imputation, en vue de leur extradition, de Johann Leprich, Anton Tittjung, Josias Kumpf et John Demjanjuk, tous anciens membres de l'organisation criminelle SS Totenkopf, afin qu'ils soient jugés par la justice espagnole.

Le 19 juin 2008 également, les autorités allemandes ont manifesté leur volonté de demander aux Etats-Unis la mise à disposition de Demjanjuk. Cette volonté s'est traduite par l'émission d'un mandat d'arrêt contre Demjanjuk en mars 2009. Son expulsion était alors devenue possible, et son procès s'est soldé par le jugement rendu par le Tribunal de Munich le 12 mai 2011.

Photo prise en 1993. Après sa libération
en Israël, Demjanjuk rentra en Ohio
par un vol charter. A ses côtés, James
Traficant, ancien membre du Congrès,
qui a été condamné aux États-Unis
pour subornation et activités mafieuses.

La procédure en Espagne se poursuivait parallèlement et est toujours en cours. Le 18 septembre 2009, le Tribunal central d'instruction nº 2 adressait une commission rogatoire internationale aux autorités compétentes de la République Fédérale d'Allemagne, à savoir le Tribunal de Munich, conformément aux dispositions de la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale.

Le tribunal espagnol demandait aux autorités allemandes qu'elles le mettent au courant des faits imputés à John Demjanjuk (Ivan Nikolaiewich Demjanjuk) par les instances judiciaires allemandes, au cas où ces faits auraient un lien avec ceux examinés en Espagne.

Le Ministère public de Munich a répondu à la comission rogatoire le 7 juin 2010 par le biais d'une communication dans laquelle il fait observer que les faits examinés en Allemagne sont différents. Ils se centrent en effet sur les agissements de Demjanjuk dans le camp de concentration de Sobibor, en Pologne, en 1943. C'est pour ces faits que Demjanjuk a été accusé dans le cadre de la procédure 115Js 12496/08 en Allemagne.

Dans l'ordonnance du 1er juillet 2010, le Tribunal central d'instruction numéro 2 ordonnait l'envoi au Ministère public et aux plaignants de la documentation reçue via la commission rogatoire. Les plaignants représentés par l'Equipo Nizkor ont alors présenté audit tribunal, le 13 juillet 2010, une demande écrite dans laquelle ils sollicitaient la poursuite de John Demjanjuk, ainsi que l'adoption de mesures de précaution et l'émission du mandat d'arrêt européen à son encontre.

Sur base des procédures antérieures, le titulaire du Tribunal central d'instruction numéro 2 de l'Audiencia Nacional espagnole a prononcé, le 7 janvier 2011, une ordonnance de poursuite judiciaire (Auto de procesamiento) et de remise de John Demjanjuk, étant donné que : "Au vu des enquêtes, il ressort que, pendant la Deuxième Guerre mondiale, [...] John Demjanjuk (Ivan Nikolaeiwich Demjanjuk) a été membre des Totenkopf SS, qu'il a servi en tant que garde armé dans des lieux destinés à la persécution de personnes pour des motifs politiques, ethniques et raciaux, entre autres, et plus particulièrement dans le camp de concentration de Flossenbürg en Allemagne", camp où des dizaines de ressortissants espagnols sont morts ou ont été prisonniers, selon des preuves documentaires versées au dossier de la procédure.

Dans cette ordonnance, le Tribunal espagnol ordonne "que l'accusé soit placé en détention provisoire, sans mise en liberté conditionnelle et avec droits de visite. Étant donné qu'il se trouve actuellement en Allemagne et qu'il est jugé dans le cadre de la procédure 115JS12496/08 devant les instances judiciaires compétentes de Munich, l'émission d'un mandat d'arrêt européen à son encontre est ordonnée."

Ce mandat d'arrêt a été envoyé aux autorités allemandes concernées via la procédure formelle. Le Parquet de Munich a répondu le 1er février 2011, en accusant réception du mandat d'arrêt européen le 7 janvier et en sollicitant au tribunal espagnol des informations complémentaires sur la participation de l'imputé à des homicides et sur les victimes.

Le 3 février 2011, le titulaire du Tribunal d'instruction nº 2 notifia le Parquet espagnol afin qu'il fournisse ce qui lui semble opportun en ce qui concerne les demandes du Parquet de Munich. Le Parquet espagnol a répondu à cette notification le 13 avril 2011 par un rapport, qui a lui-même été détaillé par un autre rapport rendu par Equipo Nizkor le 25 avril 2011.

Entre temps, le procès se poursuivait en Allemagne malgré la stratégie dilatoire adoptée par la défense. Il s'est clôturé la semaine du 9 mai, semaine au cours de laquelle la défense prononça ses dernières plaidoiries.

John Demjanjuk a été condamné à cinq ans de prison par la République fédérale d'Allemagne pour avoir collaboré à l'assassinat de 28.000 prisonniers lorsqu'il était garde armé des SS Totenkopf dans le camp d'extermination de Sobibor. La défense a fait appel de cette décision, et Demjanjuk restera en liberté tant que la procédure d'appel ne sera pas terminée, la justice considérant qu'il est peu probable que le condamné prenne la fuite.

Le vendredi 13 mai 2011, il est sorti de la prison de Stadelheim et a été conduit dans une maison de repos dans l'attente de la résolution de l'appel. Margarete Nötzel, porte-parole des tribunaux de Munich, estime, selon des déclarations faites à la presse, que la procédure d'appel peut durer au moins un an et demi, et probablement deux ans, la compilation des documents et la transcription du procès pouvant prendre six mois à eux seuls.

Ce qu'il faut retenir de cette saga judiciaire, c'est qu'au moment où une plainte pour crimes contre l'humanité est introduite à Madrid, le Parquet allemand annonce qu'il est prêt à demander la mise à disposition de Demjanjuk aux autorités américaines pour participation au crime commun d'assassinat, qui, en Allemagne, ne prescrit pas.

Ce qui est réellement en jeu, c'est l'application du droit pénal international et de la catégorie pénale de crimes contre l'humanité par les tribunaux ordinaires des pays européens. La procédure en Espagne est restée dans l'ombre et l'est toujours justement parce qu'elle est envisagée du point de vue de crimes contre l'humanité et pas du point de vue de simples crimes. Ce type de crime a été créé pour pouvoir déterminer la responsabilité pénale individuelle de ceux qui ont participé à la confection et à l'exécution d'un plan préconçu visant à commettre divers crimes de manière systématique et/ou à grande échelle.

C'est pour cette raison qu'il est trompeur, d'une certaine manière, lorsque les médias écrivent des phrases du style : "La condamnation de Demjanjuk montre que ceux qui commettent des crimes de lèse-humanité ne seront pas à l'abri de la justice même après de longues années", car ce n'est pas cette catégorie pénale qui a été utilisée en Allemagne.

Autre aspect important : la procédure entamée contre Demjanjuk en Espagne concerne des crimes commis dans le camp de concentration de Flossenbürg, donc, pour des faits distincts.

C'est un fait qu'aujourd'hui, alors que les autorités espagnoles n'ont pas encore fait part de leur réponse au parquet de Munich, Radio Nizkor a reçu des informations provenant de sources fiables selon lesquelles le mandat d'arrêt européen lançé par l'Espagne n'a toujours pas été notifié à l'accusé. Nous dépendons donc du tribunal de Munich, qui doit garantir que le condamné ne prenne pas la fuite.

Pour anticiper cette situation qui pourrait survenir, les parties représentées par Equipo Nizkor ont présenté le 10 mai 2011 une demande écrite au Tribunal d'instruction nº 2, en mettant en évidence le risque que représente le fait que le tribunal de Munich pourrait ordonner la mise en liberté de Demjanjuk le 12 mai, alors que le mandat d'arrêt européen lancé par les autorités espagnoles ne lui a pas été notifié.

Après sa mise en liberté, le Parquet de Munich a annoncé le 16 mai qu'un recours contre la décision de laisser le condamné en liberté allait être présenté. Ce recours aurait été déjà introduit sur la base qu'il existe un risque réel de fuite du condamné, puisque celui-ci ne dispose d'aucune adresse fixe et peut compter sur de nombreux sympathisants prêts à faciliter sa fuite, surtout dans son pays d'origine, l'Ukraine, où il pourrait trouver refuge.

Au même moment, le 29 avril 2011, soit à peine deux semaines avant que ne tombe le jugement en Allemagne, la défense de John Demjanjuk sollicita à la Cour de District des États-Unis pour le district nord de l'Ohio que le Bureau du défenseur public soit nommé à nouveau pour représenter Demjanjuk dans l'affaire concernant sa dénaturalisation dans ce pays - qui est supposé être terminé - et dans les procédures qui auraient lieu au vu des documents récemment déclassifiés. Cette demande a été introduite car une preuve à sa décharge serait apparue dans un rapport du FBI, preuve qui aurait été "découverte" par l'agence Associated Press (AP). Dans un article publié le 12 avril 2011, AP informait qu'elle "a découvert le rapport du FBI dans les archives nationales de College Park, dans le Maryland, parmi les rapports déclassifiés après que Demjanjuk, d'origine ukrainienne, ait été remis par les États-Unis en mai 2009 pour qu'il soit jugé en Allemagne."

La Cour de District en question a ordonné en ce mois de mai que le Bureau du défenseur public soit à nouveau nommé pour s'unir à la défense de Demjanjuk dans lesdites procédures.

En Ukraine, pays de naissance de Demjanjuk, sa condamnation a suscité de nombreuses réactions. Cette année, un tribunal de la ville de Lvov, dans l'ouest de l'Ukraine, a pour la première fois interdit la célébration du Jour de la victoire sur le nazisme, qui a lieu le 9 mai.

En outre, les autorités de Lvov ne se sont pas opposées à la marche de commémoration du 68e anniversaire de la création de la 14e division des Waffen SS, le 29 avril. Le Conseil régional de Lvov a demandé au président Yanoukovich qu'il sollicite la libération de Demjanjuk, et en Ukraine, certains envisagent d'accueillir Demjanjuk dans sa région natale.

Dans son édition du dimanche 22 mai 2011, le journal allemand Bild publie, sous le titre "Récupération miraculeuse du mauvais garçon", quelques photos de Demjanjuk en train de se balader près de la maison de repos bavaroise où il séjourne. Ces photos contrastent avec les images de Demjanjuk alité, pendant les sessions du procès tenu à Munich, dont plusieurs avaient été reportées pour des présumées raisons de santé.

Le titre du rapport d'Equipo Nizkor datant de mai 2009 est donc toujours d'actualité : "L'arrestation de John Demjanjuk ouvre la réflexion sur l'impunité en Europe".

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Caso SS Totenkopf
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