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Equipo Nizkor





L'AMI: vers le gouvernement mondial des multinationales?

Par Hugo Ruiz Diaz Balbuena. Equipo Nizkor. Janvier 1999


Índice

Introduction

I. Contenu du Projet de Traité de l'AMI

A. Nature et objet de l'AMI: une simple étape de transition vers son application mondiale?

B. Les principaux traits de l'AMI

1. La protection générale de l'investisseur: sens et contenu de l'obligation

2. Des protections particulières: glissement vers la logique répressive de l'Etat?

3. Une autre protection très particulière

C. Un mécanisme assez original en matière de Réglèment des différends

1. Champ d'application

2. L'application des mécanismes

II. La fin d'un droit au développement, des droits sociaux et économiques?

A. Vers de nouvelles règles en droit international?

1. L'anéantissement de la charte des droits et devoirs économiques des Etats et du droit des peuples à disposer d'eux mêmes?

2. A quoi se réduit le rôle de l'Etat? L'irresponsabilité de l'Etat devant les aspirations légitimes des citoyens?

B. Un Etat pourrati-il invoquer un changement fondamental de circonstances pour récuperer ses droits?

Conclusions


Le Projet d'Accord Multilatérale: une approximation juridique.

Introduction

Le projet d'Accord a été discuté et négocié de manière presque secrète au sein de l'OCDE depuis 1995. Le projet d'Accord traite de manière spéciale les investissements dans l'industrie, dans les services, les acquisitions des ressources naturelles, etc. Les peuples en général ont été tenus à l'écart de toute possibilité de débat sur un futur accord qui aura des conséquences si importantes, sur leur niveau de vie, sur leurs droits civils et politiques, sur leurs droits sociaux et économiques. La même sorte pour les Parlements nationaux des différents Etats qui n'ont appris que pour une ppure casualité l'existence de négociations.

Le projet avait été étudié principalement par les ministères des finances des Etats de l'OCDE et par des technocrates de dite organisation dans un environnement qui nous fait rappeler le temps où les traités étaient négociés et conclus dans le secret le plus absolu et dans l'ignorance totale des peuples.

Toutefois, des Confédérations Syndicales Internationales représentées au sein de l'OCDE ont participé dans les négociations préalables, sans pour autant mettre en question les fondements même du projet d'accord (1).

Quel est l'intérêt pour analyser un tel projet? Nous pouvons en citer deux:

a- le contexte international dans lequel le dit projet est mis au point

b- le projet d'accord, tel quel il est formulé, met en question certaines règles du droit international, et plus particulièrement le droit des peuples à disposer d'eux mêmes qui auront des incidencces directes sur les droits economiques, sociaux et culturels sans écarter ses effets possibles sur les droits civils et politiques. Des nouvelles règles de droit verront le jour (2). Et cela sans encore parler des problèmes liés à l'exercice de la démocratie comme pouvoir de décision des peuples.

Par rapport au premier point il est intéressant de prendre en compte que le dit projet se place dans un contexte d'offensive général du neo-libéalisme. Si l'OMC est le fer de lance de la libre circulation des marchandises et la libéralisation totale des services, l'AMI, s'il voit le jour, sera le point culminant de cette offensive (3).

A l'égard du futur accord, Renato Ruggiero avait affirmé sans aucune ambiguïté que c'est la constitution d'une économie mondiale unifiée qui est en train d'être écrite (4).

Dans l'esprit de cette déclaration il semblerait clair que l'objectif de l'AMI est d'uniformiser les règles mondiales par rapport aux investissements. Le champ d'application, tel comme il est conçu dans le projet actuel, sera limité dans un premier moment aux pays membres de l'OCDE. Son application au sein des ces pays constituerait seulement une étape vers l'extension postérieure vers les pays du tiers monde.

Il faut remarquer que l'AMI ne met pas de en cause l'institution étatique comme entité politique des relations internationales. Il s'agit plutôt de redéfinir le rôle de l'Etat comme une entité qui garanti les profits des multinationales, touchant cependant à fond sa nature.

Cette redéfinition, comme nous le verrons plus loin, pourrait avoir des conséquences particulièrement graves sur le rôle de l'Etat comme une entité à l'intérieur de laquelle la puissance publique est exercée.

Il y aurait même une tendance particulière dans le projet de limiter l'action de l'Etat pratiquement sur le plan sécuritaire: comme dernier gardien des profits des investisseurs. Cela pose beaucoup de questions. Nous analiserons aussi ce point plus en avance.

Le premier pas consistera à exposer de manière brève les principales règles contenues dans le projet. Le deuxième s'occupera des possibles effets sur les règles du droit international ainsi qu'une analyse du possible rôle réservé à l'Etat.

Finalement , malgré que le projet secret de l'Accord sur les investissement a dû être suspendu (5), grâce à la pression internationale et nationale (6) maintenant les pays développés vont essayer que le projet soit discuté au sein de l'OMC. Cependant, cette donnée signifie simplement que le projet et les débats sur les investissements ont été transféré vers une autre institution, mais elle ne signifie pas que le projet a subi des modifications substantielles ou que les multinationales, agissant é travers les Etats développés, ont renoncé à leur objectif de


I. Contenu du Projet de Traité de l'AMI

A. Nature et objet de l'AMI: une simple étape de transition vers son application mondiale?

Comme dans tout traité, nous pouvons trouver dans le Préambule l'expression générale de bonne volonté.

Par rapport à sa nature, l'accord doit être considéré comme un traité classique sur le plan du droit international. Ce seront les Etats qui le signeront et le ratifieront. Dès ce point de vue il n'y a vraiment aucune nouveauté et il n'y a rien à redouter. Du point du vue formelle, l'accord réunit toutes les conditions formulées dans la Convention de Vienne sur le Droit des Traités de 1969 (7).

Comme tout traité international, le projet d'Accord contient des dispositions qui règlent les droits et les obligations entre les parties signataires. L'existence des droits et obligations suggère donc que nous sommes devant un cadre volontariste, dans lequel les parties décident de s'engager en respectant certaines règles. La nouveauté dans l'Accord est le statut juridique qui atteignent aujourd'hui les multinationales devant les Etats.

Quant à l'objet, l'Ami vise régler les relations entre les investisseurs étrangers et les Etats objets de ces investissements. Il est dit qu'un accord "...sur le traitement à accorder aux investisseurs et à leurs investissements contribuera à une mise en oeuvre efficiente des ressources économiques, créera des possibilités d'emploi et améliorera le niveau de vie" (8).

Il est aussi exprimé le souhait que "..cet accord renforce la coopération internationale en matière d'investissement et la mise au point des règles mondiales concernant l'investissement direct étranger dans le cadre du système commercial mondial tel qu'il s'incarne dan l'Organisation mondiale du commerce" (9).

L'Accord cherche également à "...établir pour l'investissement international un large cadre multilatéral comportant des normes élevées de libéralisation des régimes d'investissement et de protection de l'investissement ainsi que des procédures efficaces de règlement des différends" (10). Les conséquences de cette libéralisation se font déjà faire sentir aujourd'hui même dans les pays développés. L'AMI prétend les approfondir.

Il existe aussi l'intention explicitement formulée d'étendre l'adhésion à tous les pays (11). L'Accord selon cette proposition devrait viser tous les Etats, même si dans un premier moment il reste limité aux pays développés. Si une telle proposition est reprise cela affectera directement les pays du tiers monde. Les pays du tiers monde n'auront aucune possibilité de changer une seule virgule de l'Accord (12).

Mais indépendamment des considérations d'analyse des effets sur les tiers monde, ce qui est en jeu, même pour les peuples des pays développés et l'abrogation pur et simple des droits politiques, économiques et sociaux.

D'autre part les gouvernements se verront presque totalement immobilisées par le simple fait qu'une multinationale ait fait des investissements. In contrarium, la liberté presque absolue des investisseurs est totalement garantie. Les mouvements sociaux des citoyens à l'intérieur des Etats développés, n'auront presque aucune chance de faire valoir leurs droits devant l'intérêt individuel privé.

Dans ce sens l'un des effets possibles de l'AMI pourrait être de soumettre les droits collectifs aux intérêts privés individuels de quelques multinationales dirigées par un petit nombre d'hommes d'affaires. Les droits de quelques entrepreneurs pourront valoir plus que les droits des peuples et. La priorité revient aux chefs de multinationales. C'est la préparation d'une nouvelle forme de pillage des peuples.


B. Les principaux traits de l'AMI

1. La protection générale de l'investisseur: sens et contenu de l'obligation

Les règles qui régissent l'AMI sont toutes basées sur celles qui régissent les rapports commerciaux multilatéraux dans le cadre du GATT/OMC. Le principe clé autour duquel l'Accord tourne est celui de la non discrimination et les principes que s'y dégagent tels le traitement national et la transparence (13). Le traitement national a un champ trop large d'application. Celui-ci se réfère à l'établissement, l'acquisition, l'expansion, l'exploitation, la gestion, l'entretien, l'utilisation, la jouissance et la vente ou tout autre aliénation.

Il s'agit clairement de garantir une liberté absolue aux multinationales (14). Le traitement national s'étend aussi aux investissements faits par les multinationales des parties non contractantes (15). Autrement dit, il n'y a vraiment pas besoin de devenir partie au traité pourqu'une multinationale devienne l'objet de l'application automatique de ces clauses (16).

Sous le titre de "Protection de l'investissement" le projet établit une série de règles qui attirent particulièrement l'attention. En premier lieu, se référant aux obligations envers les investisseurs, il est dit que "...ces obligations sont valables en toutes circonstances ( c'est-à-dire " à tout moment")... (17).

Ainsi, "..chaque partie contractante accorde aux investissements qui sont réalisés sur son territoire par des investisseurs d'une autre partie contractante un traitement loyal et équitable ainsi qu'une protection et une sécurité complètes et constantes. En aucun cas, une partie contractante n'accorde un traitement moins favorable que celui qui exige le droit international" (18).

En conséquence "...une partie contractante n'entrave pas, par des mesures (déraisonnables ou discriminatoires) (déraisonnables et discriminatoires); l'exploitation, la gestion, le maintien , l'utilisation, la jouissance ou l'aliénation d'investissements qui sont réalisés sur son territoire par des investisseurs d'une autre partie contractante" (19).

Quelle interprétation juridique donner à toutes ces règles?

D'abord il peut être affirmé que les Etats (ceux qui accueillent les investissements) restent obligés envers les investisseurs en dehors de toute circonstance et n'importe pour quelle période de temps. En principe il n'y aura aucune cause atténuante pour cette obligation. Il s'agit bel et bien d'une obligation absolue de résultat. Par conséquent, aucun gouvernement, sans importer le régime politique auquel il appartient, dans aucun cas pourra contester les droits des investisseurs à être protèges. Il s'agit d'une norme de nature obligatoire qui doit être respectée. Toutes les obligations qui en découlent doivent être exécutées.

La phrase "valables en toutes circonstances" indique clairement que même si l'Etat remplit ses obligations envers les investisseurs et que les obligations exécutées aient des effets catastrophiques sur l'environnement, sur la situation économique, sociale, culturelle des populations, sur les droits politiques et économiques, etc. Ces facteurs dans aucun cas exonéreront aux gouvernements pour ne pas les remplir.

L'Etat peut engager sa responsabilité internationale s'il viole l'une de ces règles. Dans ce cas, un mécanisme de règlement totalement en faveur des investisseurs devra décider sur les droit des investisseurs.

La violation d'une obligation, indépendamment de l'existence d'un mécanisme de règlement de différends, pourrait donner lieu à des représailles. Il s'agira de l'application de la loi du plus fort. C'est un cas fréquent dans le cadre du GATT/OMC où en théorie l'utilisation de la force économique et commerciale est interdite, sauf autorisation expresse des parties contractantes.

Toutefois, la pratique montre que la seule existence de tels mécanismes ne signifie pas nécessairement que les Etats les plus forts vont respecter ces règles. Tel est le cas des Etats-Unis qui de manière courante applique des sanctions commerciales contre les parties qui ne se plient pas à leurs exigences commerciales. De là qu'il sera illusoire de croire que parce le mécanisme prévu dans le projet de l'AMI exige une intervention institutionnelle pour prendre de telles mesures, que les Etats forts vont renoncer à de telles mesures de force.

Comme exemple nous pouvons citer l'embargo général à l'importation de thon et des produits de thon en provenance du Mexique, l'embargo intermédiaire contre certains pays des Communautés Européennes ( 1991) et dernièrement l'embargo général à l'importation des crevettes en provenance de la Thaïlande (1997).

Les investisseurs auront le droit privé absolu d'investir, d'acheter des ressources naturelles mais aussi que d'être payés de manière prompte, adéquate et effectif pour des pertes subies.

Comment le droit des investisseurs sera-t-il protège?. En reprenant le principe de non discrimination et celui du traitement national du GATT 1994, les gouvernements seront obligés à donner à tous les investisseurs le même traitement.

La règle de non discrimination laisse en apparence la liberté apparente aux Etats d'établir leurs propres politiques sociales, économiques, de santé publique, etc.

Toutefois les Etats qui appliquent de telles politiques doivent se limiter à respecter la dite règle. C'est une interprétation positive de la clause.

Mais l'interprétation la plus courante (20) laisse en réalité les Etats une marge de manoeuvre très limité. Donc, un investisseur, en base à cette règle, peut mettre en question toute politique d'un Etat, car discriminatoire envers l'investissement (21).

Autrement dit, il n'y aura presque aucune possibilité qu'un gouvernement puisse développer une activité économique tendant à la croissance économique, au développement social et culturel d'un peuple, si cette politique est considérée, logiquement de manière subjective de la part de l'investisseur qui pourrait voir ses revenus diminuer, comme étant déraisonnable ou discriminatoire (22). Tout acte gouvernemental devra être apprécié à partir de ce principe.

Dire ou affirmer que les Etats ont une large marge pour mener sa propre politique ne correspond pas à la réalité.

Une seule politique d'intervention d'un gouvernement sur le plan économique pour garantir un certain niveau de vie à la population, (une politique publique de création d'emploi dans un secteur déterminé par le pouvoir public la poste publique par exemple) pourrait être considéré par un multinationale comme protectionniste ou attentatoire contre le principe de non discrimination. La conséquence de la "discrimination" entraînera obligatoirement par un Etat une réparation égale à la perte de profits qu'une multinationale aura subi pour le dit traitement discriminatoire.


2. Des protections particulières: glissement vers la logique répressive de l'Etat?

Un point qui a une importance particulière pour les associations, mouvements , syndicats et tous les citoyens à l'intérieur d'un Etat, est celui qui se réfère à l'obligation de l'Etat concerné par l'investissement étranger de le protéger contre toute forme de "désordre" social. Si l'on ajoute cette obligation particulière avec l'article 1.1 et 1.2, celle-ci doit être permanente, constante (23) et complète. C'est donc une obligation qui joue à tout moment et en toutes les circonstances. Cette manière d'interpréter globalement est tout à fait cohérente avec les principes énoncés dans ces deux articles et qui gouvernent et donnent sens à tout l'Accord.

Il est établit qu"..un investisseur d'une partie contractante qui a subi un préjudice concernant l'investissement qu'il a réalisé sur le territoire d'une autre partie contractante , en raison d'une guerre ou d'un autre conflit armé, d'un état d'urgence, d'une révolution, d'une insurrection, de troubles civils ou d'autres événements similaires survenant sur le territoire de cette partie contractante, bénéficie de la part de cette autre partie contractante, en ce qui concerne toute restitution, indemnisation ou tout autre règlement, d'un traitement qui n'est pas moins favorables que celui qu'elle accorde à ses propres investisseurs ou aux investisseurs de tout Etat tiers..." (24)

Cette disposition peut donner lieu à des dérapages assez dangereux. De là à que les Etats sanctionnent des lois anti-terroristes ou modifient le droit pénal interne, visant les "organisations criminelles" qui sèmeront le désordre, le chaos, la guerre civile, des troubles, des grèves, la haine, etc; et que les dites "organisations criminelles" soient sanctionnées pénalement ne resterait qu'un pas. Cette disposition nous confronte directement avec le problème de l'exercice démocratique à l'intérieur de l'Etat.

Mais avant d'avancer sur d'autres possibles situations il sera important d'analyser juridiquement le texte.

Un premier remarque à faire de manière insistante est le suivant: cette disposition particulière doit être lue et interprétée dans le contexte général et dans la lettre du projet et non seulement comme un article isolé.

Parce que même dans le cas où cet article soit écarté de l'Accord final, il resterait des doutes de l'interprétation à donner à l'obligation " permanente", " constante" et en " toute circonstance".

Le deuxième remarque à faire se réfère à que nous considérons que cette disposition est la conséquence logique, sur le plan juridique, d'une obligation aussi absolue qui a l'Etat de protéger les investisseurs.

Un troisième remarque préliminaire se réfère au fait qu'il s'agit, de manière directe ou indirecte, intentionnelle ou no, de renforcer l'appareil répressif de l'Etat, tant sous son aspect juridique que sur le plan institutionnel politique.

En tenant compte que toute interprétation de droit es toujours discutable sur le plan doctrinal, nous pouvons dire que des clauses d'exception, sous n'importe quelle forme, qui pourront être introduites n'auront qu'une valeur totalement aléatoire et plus sûrement aucune devant l'ampleur des droits dont jouissent les investisseurs.

Ce qui est extrêmement dangereux dans le texte n'est pas le terme guerre ou conflit armé interne, ou révolution, état d'urgence ou insurrection. Ce qui est préoccupant sur le plan juridique est d'une part, une conceptualisation incertaine et large et d'autre part la confusion et rapprochement qui fait le texte entre plusieurs faits.

Quelle est la signification du mot " troubles civils"? Quel est le lien entre les catégories décrites et le phrase "d'autres événements similaires"? Comment déterminer si un événement est "similaire ou différent"? Le terme similaire peut être interprété de deux manières:

a) qu'un événement est identique, c'est-à-dire, qu'il a les caractéristiques d'une révolution, insurrection, troubles civils, etc. Et;

b) qu'il a seulement quelques traits, quelques caractéristiques, quelques éléments des catégories citées.

Dans le deux cas d'interprétation, nous sommes devant un concept large.

Pour avoir une vision complète du problème il ne faut pas perdre de vue qu'il pourrait s'agir d'une interprétation donnée par des investisseurs privés et non une définition objective.

L'interprétation pourrait donc dépendre du sentiment particulier d'assimiler ces catégories et les mélanger sous prétexte qu'ils ont causé des pertes dans les investissements.

Peu importe. Dans tous les cas, les investisseurs doivent de manière impérative, être indemnisée de manière prompte, adéquate et effective. Cela c'est la règle classique prônée par les Etats occidentaux développés par rapport aux pays du tiers monde.

Revenant à des situations possibles, une grève partielle ou totale, un arrêt de travail, les actions menées par des organisations qui défendent les droits de l'homme, des actions des groupes écologistes pour exiger une politique publique environnementale, une simple manifestation de citoyens de revendications sociales ou économiques ou de santé ou des revendications culturelles, peuvent tomber sous une interprétation extensive de cet article. Pire, ces événements pourront être considérées par les autorités publiques comme des troubles civiles et parfois même comme des menaces pour la sécurité de l'Etat et des investisseurs.

Si nous ne perdons pas de vue que l'obligation essentielle de l'Etat reste et restera celle de protection de l'investisseur et l'investissement à tout moment et en toute circonstance, le cadre décrit au-dessus, n'est pas très éloigné de la réalité si l'Accord voit le jour.

Et le renforcement de l'appareil répressif tel la Police, l'appareil judiciaire pour persécuter, contrôler et punir associations, syndicats, mouvements de citoyens et autres, ne sera pas non plus très éloigné de la réalité.

En résume, si un tel point de vue est adoptée dans l'Accord, nous serons pratiquement sous la couverture d'un Etat répressif qui devra avant tout assurer les profits des investisseurs. Toute contestation pourra être considéré comme dangereuse pour les investisseurs et par conséquent, être punie.

Ce sont les dérives auxquelles nous pouvons bien arriver et qui ne peuvent être écartées à l'avance.


3. Une autre protection très particulière

Sous le titre d'expropriation indemnisation le projet d'accord confonde deux types de catégories tout à fait différentes. Dans le projet il est dit que " une partie contractante ne peut exproprier ou nationaliser directement ou indirectement un investissement réalisé sur son territoire par un investisseur d'une autre partie contractante, ni prendre une seule ou plusieurs mesures d'effet équivalent..." (25).

Si un Etat exproprie ou nationalise, le versement de l'indemnité doit être prompt, adéquate et effectif (26). En plus, l'indemnité doit être versé sans retard (27). Cela vaut dire, immédiatement, sans selon les termes utilisés dans cette disposition. De nouveau nous trouvons devant un mélange intentionnel et associations troublantes.

Il est dit dans un commentaire au projet que " "l'expropriation rampante (28) est couverte d'une façon générale per le libellé de l'article 2 au moyen de l'expression " mesures d'effet équivalent". Il a été fait allusion lors des discussions à l'expropriation rampante par voie de mesures fiscales (29).

En réalité, il n'est pas nécessaire qu'une action de nationalisation ou d'expropriation soit effective. Il suffit qu'une mesure soit considéré subjectivement comme ayant les effets d'une nationalisation ou expropriation pourque le droit d'un investisseur soit considéré comme effectivement violé.

Il ne faut pas oublier que ne seront pas les Etats qui feront l'interprétation des dispositions du traité qui aura son propre mécanisme de règlement des différends.

Ainsi, l'investisseurs se trouve en position privilégié juridiquement pour contester n'importe quelle politique de n'importe quel gouvernement dans n'importe quelle partie du monde comme par exemple si un gouvernement augmente les salaires des travailleurs ou si un gouvernement décide une politique fiscale destinée à la protection de l'environnement.

Ces faits pourraient bien être interprétés comme ayant des effets équivalents à l'expropriation ou la nationalisation, principalement parce qu'ils pourront diminuer les profits de l'investisseur. Ou par exemple le cas en qu'un gouvernement par des motifs économiques décide le gel des avoirs d'un investisseur, par des nécessités objectives de manque de ressources de l'Etat, cela pourrait aussi se traduire pour une mesure ayant un effet d'expropriation ou nationalisation.

Si des entreprises multinationales agissant sur le territoire d'un Etat subissent des pertes dûes à une omission de l'Etat d'accueil ou à une action qui est considérée comme occasionnant des pertes aux profits des investisseurs, le projet de traité établi que cette partie pourra être l'objet de rétorsions en cas de no remplissement des obligations. Le cadre multilatéral est donc bien concilié avec le droit du plus fort.

Seulement les Etats forts et puissants peuvent faire recours à des telles mesures (30) dont la légalité et légitimité restent fort contestées en droit international.


C. Un mécanisme assez original en matière de Réglèment des différends

1. Champ d'application

Le projet d'Accord prévoit deux types différents de mécanisme. Le premier s'applique dans le cas où il existe des divergences entre les parties contractantes (31). Le deuxième touche plus directement les investisseurs. En effet un autre mécanisme assez particulier est prévu pour le règlement des différends. Ce mécanisme se réfère à des situations où il aurait des divergences entre l'investisseur et un Etat .

Autrement dit, les investisseurs, qui généralement sont des multinationales, auront deux voies possibles pour attaquer à l'Etat qui ne remplisse pas ses obligations. La première voie nous pouvons l'appeler indirecte. Elle se réfère à l'interprétation ou l'application du traité peut être utilisée par un investisseur de la partie dont il est le national. Dans ce cas, l'Etat pourra déclencher le mécanisme prévu. Rien dans les dispositions du traité n'interdit expressément cette possibilité.

La deuxième voie, appelée directe, est le mécanisme prévu en faveur de l'investisseur. Le mécanisme s'applique cas d'allégation de la violation d'une obligation de la part de l'Etat qui a accueilli l'investissement (32). Dans quels cas le mécanisme peut être déclenché? Dans deux cas.

a) Si l'investisseur a subi une perte;

b) Si l'investisseur a subi un préjudice (33).

Il y a une différence essentielle entre le premier mécanisme et le deuxième. Tandis que dans le premier cas il s'agit de l'interprétation ou l'application de l'accord, qui ne signifie nécessairement qu'il y a eu des violations au traité, le mécanisme prévu en faveur de l'investisseur prenne comme point de départ la violation des obligations de la part de l'Etat accueillant.

Ce qui étonne c'est que le mécanisme ne prévoit pas des recours du même type en faveur de l'Etat qui est privé du droit d'invoquer une violation du traité de la part de l'investisseur (34).

Cela signifie simplement que les multinationales n'ont pas des obligations particulières contraignantes et qu'elles échappent à toute possibilité d'être accussés de violer le traité. Autrement dit, les multinationales ont tous les droits et les mécanismes nécessaires et adéquats pour faire valoir leurs droits devant les Etats. Et les Etats qui peuvent être impliqués dans des telles procédures, n'ont pas des droits à faire valoir contre les multinationales.

D'autre part si nous prenons en compte la règle de base qui est celle de non discrimination, la notion de perte ou de préjudice acquiert un caractère presque entièrement subjectif. Il est vrai qu'un lien de causalité doit être établi entre la violation alléguée et la perte ou préjudice invoqué. Mais cela est un élément qui devra être démontré au cours de la procédure. C'est qui est important ici c'est que l'Etat peut être traîné pour n'importe quelle considération subjective à participer dans les mécanismes prévus.

En principe, c'est l'investisseur qui appréciera s'il y a eu, prima facie, une perte ou préjudice. S'il estime que la réponse est par l'affirmative, il pourra légitimement déclencher le mécanisme prévu.

Cela c'est beaucoup plus qu'un simple déséquilibre juridique (35).

Cela c'est la consécration juridique d'un fait, matérialisé maintenant dans une norme internationale, de la soumission des Etats aux intérêts strictement privés des investisseurs.

Si l'Etat peut être accusée ou signalé comme violant une obligation contenue dans le traité, pour quoi les multinationales ne pourront pas à leur tour violer le traité?

Les multinationales, en faveur desquelles ce projet a été rédigé, doivent aussi avoir des obligations contraignantes et de résultats. C'est assez surprenant de constater que tandis que les Etats sont obligés à respecter les droits strictement privés des investisseurs à travers ce projet, ceux-ci sont régis par un code de conduite assez vague, sans contenu obligatoire et dont l'application ou non reste à l'entière considération et liberté de l'investisseur. Comme nous l'avons dit, c'est beaucoup plus qu'un déséquilibre.


2. L'application des mécanismes

En premier lieu il faut signaler que jtout l'arsenal juridique en matière d'application est laissé à la volonté ou libre choix de l'investisseur (36). Tout répose sur le choix qui puisse faire l'investisseur.

Selon ce qui dispose le projet l'investisseur peut choisir de soumettre le différend en question

"a. aux juridictions judiciaires ou administratives compétentes de la partie contractante qui est partie au différend...

b. par arbitrage conformément au présent article dans le cadre:

i de la convention pour le règlement des différends relatifs aux investissements entre Etats et ressortissants d'autres Etats, si la convention du CIRDI est utilisable;

ii du règlement régissant le mécanisme supplémentaire du Centre pour le régalement des différends relatifs aux investissements..si le mécanisme supplémentaire du CIRDI est utilisable ;

iii les règles d'arbitrage de la commission des Nations Unies pour le droit commercial international; ou ;

iv les règles d'arbitrage de la Chambre de commerce international..." (37).

La liberté de l'investisseur est presque illimitée. C'est lui qui a la priorité.

La phrase " juridictions compétentes" se réfère à la possibilité que l'investisseur a de traîner l'Etat devant ses propres juridictions nationales. Il n'est pas nécessaire d'être spécialiste en droit international pour tirer les conclusions de cette disposition.

D'autre part, toutes les options arbitrales sont mises à la disposition de l'investisseur, et principalement des règles qui ont été élaborées exclusivement en faveur des multinationales.

Les investisseurs, qui ne sont sujets des obligations, ont cependant toute la liberté d'utiliser n'importe quel moyen: judiciaires ou arbitrales.

Cette manière de concevoir les rapports entre les investisseurs et les Etats est totalement inadmissible.


II. La fin d'un droit au développement, des droits sociaux et économiques?

A. Vers de nouvelles règles en droit international?

1. L'anéantissement de la charte des droits et devoirs économiques des Etats et du droit des peuples à disposer d'eux mêmes?

Ce qui intéresse principalement dans cette partie est la conséquence pratique que les dispositions de l'Ami auront tant sur le droit des Etats comme celui des peuples. Dans cette partie in ne sera pas question d'entrer dans le débat doctrinal concernant la différence entre peuple et Etat. Cela n'est pas l'objectif ni le contexte dans lequel certains documents sont cités.

La Déclaration sur l'octroi de l'indépendance aux pays et peuples coloniaux ( res. 1514 ( XV), 1960 adoptée par l'AG de l'ONU, confére aux peuples la qualité de sujets de droit international. Selon cette résolution tous le droit de l'autodétermination des peuples est une règle établie et consolidée dans le droit international. En vertu de ce droit, les peuples déterminent librement leur statut politique et poursuivent librement leur développepênt économique, social et culturel.

Cette résolution octroie une justification juridique dans le cadre de luttes contre le colonialisme, mais aussi reconnaît le droit de poursuivre leur propre politique. Ce deuxième est indépendante de la première, mais étroitement lié (38).

En effet, le droit à poursuivre une politique de développement économique, social et culturel est repris dans la résolution 2200 ( XXI) 1966, le Pacte sur les droits éconimiques sociaux et culturele (39). Le Pacte est le réflet d'une opinio juris bien solidifié dans la societé internationale.

Cela vaut dire que les peuples à l'intérieur d'un Etat possèdent un droit souverain: le droit à disposer d'eux mêmes. Le droit de disposer d'eux mêmes se traduit par la faculté qui ont les citoyens à l'intérieur d'un Etat de choisir un système économique, social et cultural particulier.

Par rapport aux Etats, la Charte des Droits et Devoirs économiques des Etats ( rés. 3281 ( XXIX) 1974, affirme dans son article premier que " chaque Etat a le droit souverain et inaliénable de choisir son système économique, de même que ses systèmes politique, social et culturel, conformément à la volonté de son peuple...".

Il reste à définir de quelle manière en droit interne ce consentement pourrait se manifester librement, mais cela est un autre problème.

La résolution 2625 ( XXV, 1970) affirme de sa part que tous les peuples on le droit de déterminer leur statut politique, en toute liberté et de poursuivre leur développement économique social et culturel (40)

Le droit des peuples donc se réfère clairement à celui de pouvoir choisir, à l'intérieur d'un Etat, le système social, économique et culturel.

En réalité, ces droits qui s'appliquent tant aux peuples du tiers monde comme aux peuples des pays développés, sont aujourd'hui déjà en plein recul avec l'offensive générale du neo-libéralisme.

Ce système se présente comme le seul possible tant en termes politiques qu'économiques et sociaux.

Donc, au - delà de ce système il n' y aura aucune possibilité de construire un autre modèle. Pourtant, tous les citoyens et gouvernements doivent s'y conformer. L'AMI reprend exactement le même discours idéologique avec la différence que l'Acoord lui donne un statut juridique international.

Cette idéologisation extrême des rapports sociaux et économiques explique aussi la courante neo-libérale qui frappe toute l'Europe, avec la construction d'une Union basée exclusivement dans la liberté de profits, mais pas dans sur l'intérêt et revendications des citoyens.

Comme conséquence de cette logique, les peuples n'ont d'autre alternative que de se plier aux lois du marché, autrement dit, à la nécessité de profits des multinationales et des banques.

Que reste-t-il du droit des Etats et des peuples? En réalité si avec l'OMC le droit de choisir un système plus humain et démocratique s'est rétréci, avec l'AMI ce droit est en train de disparaître.

Cette affirmation se base sur deux dispositions du projet. La première se réfère à l'obligation de protection, constante, permanente et à tout moment, et la deuxième à l'obligation de protection de l'investisseur contre tout type de trouble social, entendu dans un sens large du terme.

L'obligation de protection empêcherait l'Etat dans la pratique de mener une politique social ou économique qui puisse faire diminuer les profits des multinationales, car la dite politique pourrait évidement tomber sous le principe de non discrimination qui a un champ très large d'application.

Plus grave encore, la protection contre les troubles ( une longue grève par exemple) fera que l'Etat veille plus aux intérêts de profits des investisseurs qu'aux droits économiques et sociaux des citoyens.

Il ne faut pas oublier que selon la Charte des Droits et Devoirs économiques des Etats, ceux-ci sont obligés à relever le niveau de vie de la population en général, mais pas le droit à faire baiser ce niveau. Les Etats ont des obligations et responsabilités sociales, culturelles et économiques devant leurs ressortissants et envers tous ceux qui habitent dans son territoire, non seulement envers les multinationales.

L'action des peuples resterait fort limité. Ils devraient se contenter à voter périodiquement mais non à choisir un modèle économique et social différent.

Et même si les électeurs choisissent un système économique et social différent, ils n'auront pas le droit de changer les règles de l'AMI. Même si un Etat décide le retrait, pour quelque motif que ce soit, le traité devra s'appliquer pendant une durée de 15 ansaprès le retrait ou dénonciation de l'Accord (41).

Par la nature des dispositions contenues dans le projet ainsi que par les conséquences ou les effets pratiques après le retrait ou la dénonciation de l'Accord, les droits des Etats et à son intérieur, les droits des peuples, restent pratiquement anéantis. Les Etats et les peuples resteraient liés par les intérêts strictement privés qui feront obstacles à toute forme de politique économique et social jugée d'intérêt public.


2. A quoi se réduit le rôle de l'Etat? L'irresponsabilité de l'Etat devant les aspirations légitimes des citoyens?

Le rôle principal de l'Etat ne sera pas d'améliorer les conditions de vie des peuples. Son rôle principal sera celui de garantir d'une part, le droit des investisseurs et d'autre part, veiller à que les investisseurs n'aient pas des pertes.

Autrement dit, il faudra garantir les profits. Ce sera le gouvernement, le pouvoir politique, qui dans la pratique devra veiller à que les dits profits ne soient pas affectés négativement.

Nous pouvons nous trouver devant des situations extrêmement graves parce que les gouvernements ne pourront pas décider des réformes qui puissent aller à l'encontre des investisseurs. Même si ces réformes sont décidées par les citoyens. Car c'est l'obligation de résultat qui prévaudra dans tous les cas.

Les réformes entreprises pourraient occasionner des pertes aux entreprises multinationales. Ce sont donc les lois du marché qui régleront de manière automatique les conditions de vie des peuples, et non un acte souverain de décision politique de sa part.

Cette équation entre investissement privé des multinationales et le relévement du niveau de vie d'un peuple est démenti de manière catégorique par la realité.

Le danger réel qui se dégage des obligaltions envers les investisseurs est que l'Etat glise directement vers de nouvelles formes représsives, se limitant à garder les biens privés de quelques uns en détriment des droits des collectivités.

Il est clair que des objectifs légitimes en matière de développement devraeint être abandonnées en faveur des investisseurs (42).


B. Un Etat pourrati-il invoquer un changement fondamental de circonstances pour récuperer ses droits?

Selon la Convention de Vienne sur les droits des traités, une partie peut invoquer la clause du changement fondamentale des circonstances pour mettre fin à un traité (43). Cela c'est une règle reconnue par le droit international (44).

Il nous faut faire la distinction entre le changement qualitatif et ses effets sur un traité.

Un changement de circonstances se réfère clairement à l'aspect qualitatif. Par exemple un changement de régime économique et social différent au néolibéralisme, soit par décision politiques des électeurs, soit par un processus révolutionnaire.

Dans ce cas, les bases sur lesquelles l'Etat a donné son consentement pour un accord international, se trouveront bouleversées.

Sur le plan quantitatif, le changement doit être d'une grande ampleur. Nous pouvons penser par exemple dans l'hypothèse où les électeurs choisissent un nouveau gouvernement sur des bases politiques, économiques et sociales différentes à celui au moment dans lequel le traité a été signé et ratifié. Ce changement affectera à tout l'Etat, ses organes, les politiques internes et internationales, etc.

Par rapport aux effets, s'il existe un changement de nature qualitatif et quantitatif en même temps, l'application d'un traité peut être remise en cause.

Mais que se passe-t-il par rapport à l'AMI. L'ami ne bouleverse pas directement pas cette règle, mais par les effets le rend presque nulle.

Selon l'AMI, l'Etat, et par conséquent, le parti ou les partis au pouvoir administrant les fonctions étatiques, devront remplir l'engagement de protéger les investisseurs et les profits à tout moment et en toutes circonstances.

Il est vrai qu'un Etat pourrait dénoncer le traité, mais il est vrai aussi que son application devra se prolonger dans le temps pendant un période de 15 ans.

Tout cela sans compter que les investisseurs, pour cause de ces changements des circonstances, devront être l'objet de dédommagements financièrs de part de l'Etat où le dit changement a eu lieu et qui aura pu leur occasionner des pertes.

Cette situation de dédommagement pourrait se prolonger presque indéfiniment dans le temps, rendant nul dans la pratique tout changement, l'Etat devant se limiter à payer les pertes des investisseurs, obligation principale contenue dans l'Accord (45).

Peut importera si tout un peuple reste dans la misère ou dans des conditions de vie misérables: le droit de profit et l'obligation de dédommagement des investisseurs privés sont les règles par excellence.


Conclusions

Des nouvelles règles qui veront le jour avec l'AMI, seront entièrement en faveur des grandes multinationales; au détriment des Etats et des peuples (46).

Si l'AMI voit le jour, il est clair que le droit de profit d'une personne morale, telle une multinationale, aura la primauté sur le droit de tout un peuple.

L'Etat verra son rôle réduit à veiller et garantir les profits d'une seule personne morale. L'Etat aura plus d'obligations envers les investisseurs qu'envers ses citoyen (47). Toute politique volontariste visant à l'amélioration des conditions de vie des citoyens est refusé (48)

Il est possible d'envisager la possibilité que l'Etat puisse glisser, pour remplir son obligation principale de garantir les profits des investisseurs, vers des formes plus autoritaires.

Cette possibilité de glissement deviendra particulièrement dangereuse si l'Accord s'étend au tiers monde. Dans ce sens, le projet d'accord est presque un appel aux dictatures.

Egalement, si l'Accord s'étend effectivement vers le tiers monde, les peuples se trouveront dans les mains de quelques multinationales irresponsables sur le plan du droit international, qui auront le droit d'acquerir et d'exploiter de manière illimitée les ressources naturelles leur appartenant.

Le plus grave de l'AMI c'est qu'on essaie de régler juridiquement et de donner un nouveau statut aux multinationales qui auront presque la qualité de super-etats. Si cela peut déjà être constaté dans la pratique, leur donner un statut ayant la qualité de règle juridique obligatoire frôle l'escandale juridique.

En fait et en droit, les investisseurs étrangers auront droits et les Etats des obligations (49). Si l'Etat se limite à garantir en tout temps des profits des investisseurs, quel est son statu exact en droit international? Car il s'agira d'une nouvelle forme de concevoir la nature même de ce sujet traditionnel.

Finalement nous allons assister à un anéantissement de fait des droits individuels et collectifs sur le plan économique, social et culturel au détriment de quelques investisseurs. Plus que jamais les peuples devront lutter pour leur reconnaissance comme acteurs et sujets de droit international dans cette situation internatiional de désordre et anarchie.

Par Hugo Ruiz Diaz Balbuena

Avocat. Licence Spéciale en Droit International. Maîtrise en Droit International et Européen. UCL. Louvain-La Neuve. Doctorant en Droit International. UCL.


Notes:

(1) Le Monde Diplomatique, février 1998, p. 22 volver

(2) Une analyse des règles de droit international est faite dans la deuxième partie point 1 volver

(3) Avant ce projet d'accord une nouvelle convention pourtant sur la création de l'Agence Multilatérale de Garantie des Investissements avait été proposée par le Conseil des Gouverneurs de la Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement le 11 octobre 1985. volver

Cette convention a pour objectif d'encourager les flux des investissements à destination des pays en voie de développement et entre les pays développés eux- mêmes. La convention prétend lever toutes les obstacles à l'accroissement des flux des investissements. La règle de non discrimination est l'un des piliers sur lequel repose tout l'édifice de la convention.

La non discrimination se réfère plus particulièrement à la politique interne des Etats qui accueillent des investissements étrangers et qui pourraient entraver ou causer des pertes aux investisseurs à travers leurs politiques internes.( art. 11 ( a) ii).

La convention cherche à éviter toute risque pour les investisseurs: risques des obstacles au transfert des capitaux, troubles civils, conflits armées, etc. Des figures juridiques telles la confiscation, l'expropriation larvée, à travers des mesures internes qui auront cet effet, font leur apparition. Mais au moins, les investisseurs, à un niveau très faible par certes, avaient selon la convention ( article 12 (d)) des obligations envers les Etats : investissements pour développer le pays, respect par la législation interne, etc. En cas de différends en matière d'interprétation ou d'application, le cas devra être porté devant le Centre International pour le Règlement des Différends Relatifs aux Investissements ( C.I.R.D.I.).

En tout cas, même s'il est un précédent très important pour comprendre mieux l'AMI, cette convention ne va si loin comme le projet de l'AMI.

Le Texte de l'AMGI se trouve in International Legals Materials, 24- 1598, .1985. Le Texte du C.I.R.D.I se trouve in 575, Recueil des Traités 159.

Un autre essaie plus récent est l'élaboration des " Principes directeurs pour le traitement de l'investissement" impulsé et adopté sous l'égide de la Banque Mondiale en 1992. Voir P. Julliard, Chronique de Droit International Economique, AFDI, 1992, p. 778. Le sens générale par rapport au traitement dû aux investissements, se place dan la même logique que l'AMGI.

(4) Cf. Le Monde Diplomatique, février 1998, p; 22 volver

(5) Les dirigeants des multinationales, dans une déclaration ouverte et très agressive, faite en septembre 1998 à Genève après la mise en échec de leur projet, avaient déclaré par rapport aux groupes qui l'ont fait capoter que " l'émergence de groupes d'activistes risque d'affaiblir l'ordre public, les institutions légales et le processus démocratique..Il faudrait établir des règles claires pour clarifier la légitimité de ces organisations non gouvernementales activistes qui proclament représenter les intérêts de larges secteurs de la société civiles". Il n'est pas nécessaire d'ajouter des commentaires. Cf. De Brie C. " Comment l'AMI fut mis en pièces" in Le Monde Diplomatique, Décembre 1998, p. 21 volver

(6) Le gouvernement français a dû quitter les négociations concernant le projet de l'AMI vers la fin d'octobre 1998, ce qui signifiait que le projet ne pouvait être discutée au sein de l'OCDE. L'on comprend aisément l'amertume des chefs des multinationales qui se voyaient peut être déjà comme un gouvernement mondial volver

(7) Art. 1 volver

(8) Dispositions Générales. Préambule du Projet d'Accord, parag.. 3 volver

(9) para. 5 volver

(10) parag. 6 volver

(11) Projet par. 8 volver

(12) Il est déjà disposé que dans le cas de l'adhésion d'autres pays non membres de l'OCDE, que par rapport à l'indemnité due à l'investisseurs "..qu'il faudra garder à l'esprit que la convertibilité de la monnaie nationale est un élément important en ce qui concerne les obligations de transfert prévues par l'accord y compris pour les transferts d'indemnité d'expropriation" Art. 13.

D'autre part, par rapport aux pays du Tiers Monde, les règles de l'Ami constitueront une nouvelle espèce de droit acquis, doctrine neo-colonialiste très cher aux pays développés. volver

(13) Art. III 1, 2 . Avec l'obligation d'accorder non seulement un traitement national. Le traitement doit être le plus favorable à l'investisseur étranger. Cette interprétation se dégage du contenu de cet article, dans son paragraphe 3, qui prend pour base les deux antérieures. Comment déterminer si un traitement est plus favorable? Et surtout qui va le déterminer? volver

(14) Ibid. volver

(15) Art. III, 2, première partie. volver

(16) -Dans le cas où l'AMI entre en vigueur un jour il pourrait arriver qu'un Etat partie soit obligé envers les multinationales et capitaux d'un Etat qui n'est pas partie. Autrement dit, les tiers sont l'objet des obligations des parties contractantes et ils auront le même droit et privilèges des investisseurs des Etats qui sont parties. L'inclusion d'une telle clause peut devenir extrêment dangereuse. Une multinationale, dont l'Etat d'origine n'est pas partie, pourrait exiger le respect des règles de la part de l'Etat qui en est partie, principalement en ce qui se refère aux obligations envers les investissements. C'est un changement radical des règles de la Convention de Vienne sur les Droit des Traités. volver

(17) Projet I, Protection de l'investissement. Commentatire de l'article III, point 6 volver

(18) Projet, 1.1 volver

(19) Ibid. 1.2 volver

(20) (d) lier de quelque façon que ce soit le volume ou la valeur des importations au volume ou à la valeur des exportations ou aux rentrées de dévises résultant de cet investissement;

(e) limiter sur son territoire les ventes des biens ou de services que cet investisseemnt permet de produire ou de fournir, en liant ces ventes au volume ou à la valeur des exportations ou des rentrées de devises résultant de cet investissement....." . Art. III Obligations de Résultat.

Voir spécialement l'interprétation donnée par les panels du GATT /OMC dans les affaire suivantes: Affaire Tuna I et tuna II, de 1991 et 1994 respectivement. Le champ d'application du principe de non discrimination est trop large. volver

(21) Comme possible effet négatif il a été remarqué que " ..l'application qui serait faite du principe de non discrimination risquerait de mener à la paralysie de l'action des pouvoirs publics, à l'appauvrissement accéléré du tissu économique et de la diversité de la société, et à l'approfondissement de la fracture sociale". Parlement européen. Rapport de Wolfang Kreissl-Dorfler. Amendement, Proposition de résolution, parag. 9 , GUE/NGL. volver

(22) Projet, art. IV, 7 volver

(23) Voir parag. 6 du Preambule. volver

(24) Art. 3.1 volver

(25) Projet Art. 2.1 volver

(26) Art. 2.1, d volver

(27) Art. 2.2 volver

(28) Expropiation larvée selon les termes de l'AMGI. Voir note 3 supra volver

(29) Commentaire du Projet, 2 Expropiation et Indemnisation, point 5 volver

(30) Voir é cet égard Salmon J. " Les circonstances excluant l'illicéité" in La responsabilité internationale. Institut de Hautes Etudes Internationales de Paris, 1987, p. 180-195. volver

(31) Il s'agit des procédures entre Etats qui se doivent se dérouler à travers les consultations, conciliation et médiation ou l'arbitrage. Ces divergences doivent se limiter à l'interprétation ou l'application du traité. Voir V, A, B et C du projet. volver

(32) Différends entre un Investisseur et une Partie contractante; D, 1. volver

(33) Ibid. volver

(34) Le seul mécanisme prévu pour l'Etat qui est lésé est celui des différends entre les Parties Contractantes. volver

(35) Voir l'nalyse faite sur la règle de non discrimination. volver

(36) Cf. Projet de l'AMI, commentaires D. 2. a , pag. 4. volver

(37) Projet, D. 2. volver

(38) Selon la doctrine occidentale traditionnelle, le droit des peuples à l'autodétermination et par conséquent, le droit à choisir leur propre système politique, social, économique se réduit à l'étape de décolonisation. En conséquence, la valeur juridique ces résolutions se limite à une étape transitoire. Voir l'analyse de son évolution faite par Thierry H. Cours Général de Droit International Public. RCADI 1990 III, p; 159-161.

Il faut cependant remarquer que la règle contenue dans les deux déclarations a subi une évolution et elle a été réaffirmée à plusieurs reprises par d'autres résolutions de l'ONU. Ce qui est important dans le cas présente ce n'est pas de chercher à établir la nature de l'acte normatif ( la résolution) et sur cela s'interroger sur sa valeur juridique. En effet, c'est un point de départ assez partiel car, une résolution de l'AG de l'ONU peut simplement recueillir des principes qui ont une valeur impérative, comme c'est le cas de la résolution 2625 se référant à la non-intervention ou l'interdiction du recours à la force. volver

(39) Art. 1.1 volver

(40) Principe 3 volver

(41) Accord, Retrait, 3 volver

(42) Cf. Parlement européen. Commission des Relations Economiques et Extérieures. DOC-FR/ AM/344/344563? Amendement 5 proposé par Lannoye M. , p. 2 volver

(43) Art. 62 volver

(44) Nous pouvons citer l'exemple du retrait de la France de l'OTAN en 1966 suite à des changements de fond sur le plan de la politique interne et internationale. Aucun Etat n'a mis en question ce droit, car les circonstances politiques sur lesquelles le dit traité avait reposé ont subi un changement de nature qualitative. Le retrait a eu comme effet de fermer toutes les bases militaires de l'OTAN. volver

(45) L'Accord, dans la partie se référant au Règlement des différends, prévoit la possibilité de représailles si une partie ne remplit pas ses obligations. Le non paiement des dettes envers des entreprises qui ont subi " des pertes", donnera lieu à appliquer les dites mesures par la partie dont l'investisseur a subi les préjudices. Voir C 9. volver

(46) De manière presque prophétique Charvin avait affirmé que " ..le marché mondial tend à s'unifier sou l'égide de quelques firmes transnationales puissantes et peu nombreuses. La société internationale fonctionne dans le cadre d'une logique déterminée par des pouvoirs privés qui exercent une sorte de dirigisme privé s'imposant à la majorité des Etats...de même qu'un dirigisme privé régit la vie économique interne des pays .."Charvin Robert et al., Introduction critique au Droit International Public. Pressens Universitaires de Lyon, 1986, p. 11. Il est évident que ce dirigisme privé atteint son sommet avec le projet d'accord actuel. volver

(47) Voyer la proposition d'amendement déposée par Pailler, Ribeiro et autres in Parlement européen. Amendement. Rapport de Wolfang Kreissl-Dorfler. volver

(48) Cf. Accord Multilatéral sur l'Investissement. Conférence de presse d'Ecolo, 10 février 1998, p. 7 volver

(49) Le sujet a été âprement débattu au sein du Parlement Européen. Heureusement cette institution communautaire vient de rejeter en bloc le projet d'Accord sur les Investissements dans sa session du mois de mars en Strasbourg. ( 11 mars 1997).

Il est évident que l'AMI constituera une vraie menace à toute la construction européenne, dont certains membres font partie de l'OCDE. volver


Édition électronique par l'Équipe Nizkor. Madrid, 06Mar99


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